Les Bases canadiennes de l’OTAN en Lorraine
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Résumé
Entre 1950 et 1967, la Lorraine a accueilli plusieurs bases de l’OTAN. L’aviation royale canadienne disposait de deux bases aériennes, à Marville (Meuse) et Grostenquin (Moselle), ainsi que leur QG au château de Mercy. Après leur fermeture, ces espaces ont constitué des friches militaires.
Date de publication du document :
16 nov. 2022
Date de diffusion :
13 juil. 2018
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Éclairage
Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
Du début des années 1950 à 1967, la France accueille sur son sol des unités de l’OTAN. Au début de la guerre froide, cette alliance militaire créée en 1949 permettait aux Etats-Unis de regrouper leurs alliés d’Amérique du nord et d’Europe occidentale. Dans la lutte contre l’URSS, elle avait fait de la France une de ses principales implantations. Région frontalière, la Lorraine est la région française qui accueille le plus de bases. Elle compte en effet 6 camps de l’armée de terre (dont Toul-Croix-de-Metz) et 9 bases aériennes aux statuts différents. Utilisant des terrains d’aviation existant ou construisant de nouveaux terrains, ces dernières incluaient 3 bases aériennes secondaires, dites de « dispersion » (Damblain, Juvaincourt et Chenevières), et 6 bases aériennes principales permanentes. Parmi celles-ci, 4 étaient dévolues à l’armée de l’air des Etats-Unis (Toul-Rosières, Phalsbourg, Etain-Rouvres et Chambley-Bussières) et 2 aux forces canadiennes (Grostenquin et Marville).
Ces 6 bases étaient dessinées selon un modèle similaire associant une piste longue de plus de 2400 mètres, des « marguerites », aires de stationnement et de ravitaillement constituées d’alvéoles pour chaque avion, de bâtiments destinés à la base et enfin d’une zone de vie. Ce dernier espace comprenait un château d'eau, des chapelles (protestante et catholique), des installations sportives, un cinéma, un bar et un hôpital, avec parfois une maternité. Le carburant nécessaire aux avions était acheminé par le pipeline en provenance de Donges (près de Saint-Nazaire).
A l’écart des bases, des logements permanents ont succédé aux caravanes et mobil-homes utilisés dans un premier temps. La construction de ces logements a bénéficié aux entrepreneurs et artisans locaux même si une partie des matériaux et des artisans étaient acheminés sur place. De nombreux emplois induits ont bénéficié de la présence des troupes, sans même parler des locaux employés dans les bases à différentes tâches.
Les formes de l’habitat ont varié, les Etats-Unis privilégiant les pavillons tandis que les Canadiens ont le plus souvent construit des immeubles d’habitat collectif. Une partie s’est installée en Belgique.
Si une partie de l’activité et de la vie de ces bases, coupées de leur environnement car installées dans des espaces ruraux isolés, conduisait à une certaine autarcie, les échanges furent cependant bien réels avec les populations de la région, dans ces lieux d’acculturation culturelle réciproque. Musique, modes, vêtements, pratiques culturelles, biens ont circulé dans les deux sens. Des mariages ont bien entendu parfois conclu la fréquentation par les jeunes soldats des bals et autres lieux de sociabilité. Autour des bases et des pavillons où résidaient les familles, les décorations extérieures à l’occasion d’Halloween et de Noël ont d’abord surpris, avant de susciter des émules au sein des populations meusiennes ou mosellanes.
Une fois débarrassé du conflit algérien, Charles de Gaulle entame une réorientation de la politique étrangère et de défense française. Il souhaite s’affranchir de toute tutelle des Etats-Unis tout en restant ancré dans le camp occidental. Restant dans l’OTAN, il décide néanmoins d’en quitter le commandement intégré en 1966. Les soldats français ne doivent plus obéir qu’à des officiers français. De plus, il souhaite le départ de tout soldat étranger du sol français. En mars 1966, il donne donc un an aux troupes étatsuniennes et canadiennes pour quitter leurs bases en France.
Dès lors se pose le problème de la reconversion de ces vastes friches militaires. Parfois conservées par l’armée de l’air française (comme à Grostenquin), elles ont le plus souvent été cédées aux collectivités locales qui y ont installé des zones d’activité. Un demi-siècle après le retrait, la plupart de ces friches ont connu des fortunes diverses. Situées dans des espaces ruraux souvent isolés, et dans une France du nord-est qui souffre de désindustrialisation, elles ont souffert de leur position géographique.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
Le reportage a été diffusé en 2018 dans le cadre d’une série estivale sur nos cousins québécois
, même s’il n’est jamais question du Québec dans le reportage, mais du Canada en général. Le sujet raconte l’histoire de l’arrivée, de la vie et du départ des troupes canadiennes en Lorraine. Il s’intéresse aux deux bases canadiennes de Marville (1 Wing, Royal Canadian Air Base) en Meuse et Grostenquin en Moselle.
Les nombreuses images aériennes passées et présentes de ces deux sites permettent de se rendre compte de la similarité entre les différentes bases. On aperçoit bien la piste de Marville, longue de plus de 2400 mètres, les « marguerites » où étaient rangés les avions, les bâtiments de la base et les zones de vie. Les films et photos d’archives permettent de se représenter les différentes installations et la vie quotidienne à l’intérieur des bases.
Les travaux de construction de la base de Marville, entamés en octobre 1952, sont montrés par de nombreuses images. La construction de la piste aux standards de l’OTAN
a duré 8 mois.
Une partie importante est consacrée au logement et à ses différentes étapes. On voit ainsi plusieurs images des caravanes qui servaient à loger les militaires au début. On mesure ensuite l’importance des projets immobiliers grâce aux immeubles de Longuyon, qui servaient à loger 419 familles canadiennes. Sept barres entourent un espace collectif (écoles, commerces, aires de jeux, terrains de sport). Un panneau publicitaire invitant à acheter un appartement laisse penser que ces sept barres d’immeubles pouvaient abriter d’autres familles. Mais l’absence de date peut aussi indiquer qu’il s’agit de mettre en vente ces appartements au moment du départ des troupes canadiennes en 1967.
Sur la base de Grostenquin, ouverte en 1952, l’importance des loisirs est rappelée par l’évocation d’installations telles que piscine olympique, patinoire couverte, tennis, base-ball, football américain, basket
et salle de quilles
, plus communément appelée bowling en France…
Les actualités insérées montrent la fascination pour ces bases auprès de la population française, frappée par la modernité des installations et des avions de chasse.
Le reportage est également empreint d’une certaine nostalgie, par sa comparaison entre cette période dorée
et les installations saccagées
. Les intervenants, en particulier Fabrice Loubette, soulignent la manne économique
que représentaient les bases pour la région. Patrick Roy, lui-même fils d’un pilote canadien et d’une Française, insiste sur la diversité des aménagements qui faisaient de la base de Grostenquin une petite ville
.
Il y a bien un avant et un après 1967. Les images de la cérémonie du 1er avril marquant la fin de cette présence sont l’occasion d’évoquer larmes et tristesse
des deux côtés. Cette cérémonie a pour cadre le château de Mercy, près de Metz, qui abritait le QG de la division canadienne en Europe.
Le reportage se termine sur l’image d’une stèle en forme de totem qui honore cette présence canadienne
à Longuyon. Ce totem
a été offert par les Canadiens aux Longuyonnais peu avant leur départ. Il s’agit d’un mât squamish de Colombie britannique (côte pacifique). On peut penser que des Amérindiens se trouvaient parmi les soldats canadiens présents à Marville entre 1954 et 1967. Mais la stèle est plus généralement associée au Canada. Devant une grande foule, le totem a été inauguré le 11 mars 1967 par le chef indien Khut La Cha (Simon Baker) et sa squaw "Princesse de la Paix". Le chef a remis des coiffes indiennes au colonel Christie, le dernier commandant de la base, ainsi qu’à ses quatre prédécesseurs, en présence du Maire Robert Drapier. Une inscription est toujours visible sur le totem régulièrement restauré : En témoignage de l'accueil sympathique réservé par la population française à tout le personnel canadien de la première Wing, Royal Canadian Air Force, ayant séjourné sur la base de Marville pendant les années 1954 à 1967.
La cérémonie marque le départ des Canadiens pour une autre base en Allemagne. Un autre totem est inauguré à Virton en Belgique.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Francine Dubai
Notre série estivale sur nos cousins québécois Thierry Gelhaye et Jean-Pierre Petitcolas sont allés à la rencontre de ces canadiens qui durant la Guerre Froide sont venus s’installer sur des bases aériennes de l’OTAN.
(Musique)
Thierry Gelhaye
Dans les années 50 au début de la Guerre Froide sur les quatre bases aériennes établies en Europe, la Lorraine allait en compter deux.Une installée dans la Meuse à Marville, l’autre ici à Grostenquin, un effectif très important, la présence canadienne allait marquer notre région durant plus d’une décennie.
Jean-Pierre Petitcolas
Pour nous guider, nous suivrons Fabrice Loubette, auteur d’un ouvrage référence sur Les forces aériennes de l’OTAN en Lorraine.Et puis nous irons à la rencontre de Patrick Roy, fils d’un pilote canadien établi sur la base de Grostenquin il se souvient d’une période dorée.Si Fabrice Loubette s’est intéressé aux forces aériennes de l’OTAN en Lorraine, c’est parce qu’il a cette autre passion, les avions.
(Musique)
Jean-Pierre Petitcolas
Alors quand il part étudier ses anciennes bases, il prend toujours de la hauteur et son appareil photo.
(Musique)
Jean-Pierre Petitcolas
Et il s’est notamment intéressé aux bases de Grostenquin et à la RCAF station Marville comme l’avaient baptisé les canadiens.En octobre 1952, les travaux de construction de la piste débutèrent.Huit mois plus tard, une piste de 2 400 mètres au standard de l’OTAN était terminée, c’est le début d’une période faste pour cette région.
Fabrice Loubette
Ce qu’on voit c’est que c’était un contexte d’urgence, on était au début de la Guerre Froide et l’important était de montrer que ben les forces armées atlantiques étaient prêtes à en découdre avec les forces soviétiques.
Jean-Pierre Petitcolas
Les infrastructures ont mis du temps à se mettre en place, des caravanes furent installées pour héberger en urgence les premiers soldats mais rapidement, il a fallu construire des logements.
Fabrice Loubette
Au début des années 50 effectivement, c’était essentiellement des camps de caravanes qui étaient construits et aménagés de façon assez sommaire sur les bases, et à partir du milieu des années 50 cette fois, des plans immobiliers, des programmes immobiliers de résidence ont été ouverts, ont été lancés pour pouvoir loger ces centaines de familles canadiennes qui étaient déracinées, transplantées dans un petit coin de Lorraine.
Thierry Gelhaye
Mais la première base aérienne de Lorraine avoir accueilli des militaires canadiens est la base de Grostenquin en Moselle, celle qui se trouve juste derrière moi entre 1952 et 1964, trois escadrons de chasse se partageaient des marguerites autour de la piste et l’arrivée des avions avait suscité l’intérêt de l’actualité de l’époque.
Journaliste
La Lorraine de son côté a vu arriver les premières escadrilles de chasseur à réaction.Une escadre canadienne d’avion du modèle sabre qui compte parmi les intercepteurs les plus efficaces du monde sera désormais stationnée près de Metz.
Jean-Pierre Petitcolas
Le capitaine Joseph Jean-Denis Real Roy était l’un de ces pilotes.Il a travaillé, il a vécu sur cette base et a rencontré ici sa femme, une lorraine.Aujourd’hui, après des allers-retours entre le Canada et le France, son fils s’est installé en Lorraine, il se souvient de son enfance.
Patrick Roy
La base de l’époque à mon avis c’était le plus grand terrain de sport qui pouvait y avoir dans la région, il y avait tout avec la piscine olympique, avec une patinoire couverte, avec des terrains de tennis, avec un terrain de baseball, un terrain de foot américain, des terrains de basket qui ont été saccagés après malheureusement, une salle de quille, il y avait vraiment, c’était une petite ville.
Fabrice Loubette
Donc on arrive sur le site du château de Bercy qui était le siège du quartier général de la division canadienne en Europe.À partir du mois de mars 1966, De Gaulle a laissé top chrono 1 an à toutes les troupes étrangères stationnées en France pour évacuer leur base.
Jean-Pierre Petitcolas
Les canadiens quittèrent ce château PC de la première division aérienne le 1er avril 1967.Des images filmées à l’époque témoignent de ce départ marqué par une cérémonie en présence des autorités politiques et militaires.
Fabrice Loubette
Et évidemment au niveau local, ça ne s’est pas fait sans beaucoup de larmes et de tristesse de voir partir cette manne économique, ces bassins d'emplois qui constituaient les bases et puis également au niveau des amitiés voire des relations plus soutenues et plus poussées qui avaient pu se tisser pendant toutes ces années.
Jean-Pierre Petitcolas
Aujourd’hui restent des anciens, des enfants qui se souviennent et une stèle en forme de totem à Longuyon qui honore cette présence canadienne en Lorraine.
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