Natura 2000 : protéger la nature, valoriser les territoires

Le reportage présente le cas de deux sites en Lorraine, qui revêtent des caractéristiques géographiques spécifiques. Le site Natura 2000 dans la commune de Bitche dans les Vosges du Nord est caractérisé par une végétation arborée et par la présence d’habitats d’oiseaux. Les tourbières à Troussey dans la Meuse sont une zone de biodiversité importante.

Les sites Natura 2000 naissent en 1992 avec la Directive Habitats de l’Union européenne, qui a pour but d’allier la protection des espaces naturels et de la biodiversité avec la valorisation du patrimoine culturel. Ils visent à protéger un biotope particulier dans un territoire défini, tout en prenant en compte les exigences économiques, sociales et culturelles. La Directive Habitat repose sur la mise en réseau des sites protégés : l’ensemble des sites Natura 2000 sont interconnectés, afin d’atteindre des objectifs de protection à long terme. De fait, les flux écologiques (par exemple, les migrations d’oiseaux) entre les sites sont pris en compte dans la définition des zones protégées. La mise en place de ce réseau s’inscrit dans une conception renouvelée de la protection de la nature dans les années 1990. En France, la nature est tantôt exploitée ou protégée. La forêt, notamment, est une ressource importante pour l’économie des espaces ruraux par la sylviculture. Les Vosges du Nord en particulier ont développé une économie tournée vers l’exploitation du bois dès l’époque moderne. Au cours des XIXe et XXe siècle, la forêt, et plus largement la nature, deviennent des biens à préserver. Avant les années 1970, protéger la nature revient à la préserver, c’est-à-dire à la protéger pour elle-même en la mettant sous cloche. C’est notamment le cas des Parcs nationaux, dont le statut est créé en 1960. A partir des années 1970, il s’agit de conserver la nature. La conservation inclut les sociétés dans la protection : il ne s’agit plus d’exclure les activités humaines mais de concilier patrimoine naturel et patrimoine culturel au sein d’un site. Cette nouvelle conception de la protection de la nature est à l’origine de la création des Parcs naturels régionaux (PNR), donc le parc des Vosges du Nord est un exemple. Le PNR, ainsi que les sites Natura 2000, n’excluent donc pas l’exploitation de la nature. Dans les Vosges du Nord, la sylviculture est toujours une activité économique importante. Dans ce territoire, on observe également la superposition de deux dispositifs réglementaires qui se complètent, la réglementation du PNR étant moins stricte que celle de Natura 2000 en ce qui concerne les activités anthropiques.

Les sites Natura 2000 sont de fait des outils pour l’aménagement des territoires puisqu’ils permettent de les valoriser tout en les protégeant. Ils révèlent de fait la multifonctionnalité des espaces ruraux, entre exploitation des territoires (agriculture, sylviculture) et mise en valeur du patrimoine naturel. Les espaces ruraux apparaissent donc comme multifonctionnels : ils sont tantôt support des activités économiques, cadre de vie ou lieux de la conservation de la diversité biologique. Ainsi, la question de la mise en valeur des territoires par les sociétés est primordiale. Le reportage met en valeur la question du développement durable. En effet, Natura 2000 a pour but de préserver la nature ordinaire, dans le cadre d’une gestion intégrée de l’environnement. Alors que les Parcs nationaux avaient pour but de préserver une nature exceptionnelle, les sites Natura 2000 sont des territoires de nature ordinaire, à l’instar de la forêt des Vosges du Nord. Il s’agit aussi de concilier les trois piliers du développement durable : l’environnement, la société et l’économie. Un des principaux axes des sites Natura 2000 est d’éviter les conflits d’usage qui peuvent apparaître sur un même territoire. Les contraintes réglementaires ont été à l’origine de nombreuses contestations de la part des acteurs du monde rural : les relations difficiles qu’ont pu avoir les décideurs européens avec les agriculteurs notamment ont cristallisé des tensions dans certains espaces ruraux français. Le programme Natura 2000 a de fait été amplement critiqué. Les agriculteurs percevaient la directive Habitats comme une nouvelle contrainte émise par l’Union européenne, sans concertation avec les acteurs locaux. Cependant, le développement local est au cœur de la mise en place des sites Natura 2000 : il s’agit de faire perdurer des activités économiques comme l’agriculture et de développer une économie rurale renouvelée (tourisme, loisirs notamment). Les agriculteurs sont des acteurs à part entière des sites Natura 2000 : ils permettent, à Troussey par exemple, le maintien des paysages de pâturage. Ainsi, le réseau Natura 2000 repose sur une gouvernance à plusieurs échelles. Il s’agit d’une politique européenne avec un cahier des charges qui prend en compte l’échelle locale.

Ce reportage a été diffusé le 3 avril 2004 sur France 3 dans l’émission « Cœur de Pays ». D’un format plutôt long, il s’attarde sur le point de vue d’un nombre important d’acteurs locaux. En effet, un représentant du Parc Naturel Régional des Vosges du Nord dans lequel s’inscrit le site Natura 2000 de Bitche est le premier acteur interrogé. Son discours est marqué par un intérêt particulier pour la protection de l’environnement. Une représentante de la DIREN (Direction régionale de l’environnement) est également interrogée, ainsi qu’une ingénieure ONF. Le reportage insiste sur la différence entre ces acteurs, qu’il qualifie de décideurs, et les « gens de terrain ». Ces derniers sont représentés par le maire de Troussey et deux agriculteurs. Les avis de ces derniers sont positifs vis-à-vis de Natura 2000. Ce reportage a donc pour vocation d’établir un tableau exhaustif des acteurs des sites Natura 2000, dans une démarche de confrontation de points de vue. Néanmoins, on peut souligner que ces points de vue vont tous dans le sens de la mise en place de ces sites. Les critiques de la mise en place des sites Natura 2000 ont pu être importantes : les opposants à cette politique ont notamment critiqué le manque de concertation entre les acteurs.

Le reportage s’ouvre sur des plans de paysages et d’animaux et une voix off qui évoque la nature florissante au printemps. Il alterne entre plans sur les personnes interrogées et plans sur la nature concernée par la mise en site Natura 2000. Ces derniers participent de fait de la représentation d’une nature à conserver. La nature est représentée de différentes façons dans les médias. Certains documentaires offrent la vision d’une nature sauvage libre de toute activité humaine. Ici, on nous montre un paysage semi-naturel, avec des plans sur la faune et la flore, mais également sur des éléments de paysages anthropiques comme une ligne de chemin de fer. Le plan de 4 min 03 à 4 min 12 montre la zone Natura 2000 à protéger à Troussey, ainsi que son environnement direct. Le paysage est varié : on y voit une zone pavillonnaire au bord de la Meuse, la vallée plane et la côte enherbée. Ces pelouses et prairies sont particulièrement vulnérables du fait de l’intensification agricole et du déclin de l’élevage : le but est donc de maintenir les pâturages en encourageant l’élevage extensif qui permet un maintien de la biodiversité. L’influence humaine est montrée comme positive et partie prenante des paysages. Cette conception de la nature est bien celle promue par les sites Natura 2000 : la construction du reportage y fait écho.