SMARTVILLE : entre succès industriel et incertitudes
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L'usine automobile SMART implantée à Hambach en Moselle il y a 20 ans présente un bilan assez flatteur en termes de production et d’emplois. Son « anniversaire » a pourtant été fêté avec discrétion en 2017. En effet, les rumeurs et inquiétudes concernant l'avenir du site sont vivaces, surtout parmi les salariés, qui expriment leurs craintes face aux orientations futures de la production.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
27 oct. 2017
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Smartville est un site industriel mosellan gigantesque de 68 ha implanté à Hambach près de la frontière allemande. On y trouve un bâtiment d’assemblage final, les unités des sous-traitants, une piste d’essais, une voie ferrée. Le processus de production est innovant pour la conception des modèles (optimisation du recyclage), les procédés industriels durables (économies d’énergie) ou l’architecture avec un atrium et un centre de communication destinés à s’ouvrir sur l’extérieur (expositions, forums).
Différents acteurs ont contribué au projet à différentes échelles. Ce chantier pharaonique a été lancé par des FMN (firmes multinationales), Swatch et Daimler-Benz (devenu seul propriétaire depuis 1998) pour produire un véhicule révolutionnaire, la Micro Compact Car (MCC) destinée à une clientèle urbaine. Le chantier de 3 ans a nécessité un budget de 400 millions d’euros. Les acteurs publics et les collectivités territoriales ont largement contribué à cette implantation dans une région fortement frappée par la crise industrielle, en attirant des investissements étrangers destinés à développer le territoire. Le district de Sarreguemines a versé 9 millions d’euros et facturé les terrains à 9 euros hors taxes le mètre carré à MCC. Il a investi 18 millions sur 58 pour aménager la plate-forme où il a fallu déplacer un gazoduc et enfouir une ligne électrique, avec une participation de la Région et du Département de 4,6 millions. L'Etat a versé une prime d'aménagement du territoire de 36 millions d’euros, la Région et la Moselle 22 millions d’aides.
Cette volonté de valorisation à l’échelle locale d’un territoire transfrontalier (création d’emplois) s’inscrivait aussi dans un processus d’intégration européenne et mondiale (25% des véhicules vendus aux Etats-Unis en 2007). L’inauguration du 27 octobre 1997, en présence de Jacques Chirac et d’Helmut Köhl révélait ainsi la dimension politique de l'événement dans le cadre de la coopération franco-allemande.
Les facteurs ayant déterminé le choix du site sont variés. Les avantages comparatifs du territoire ont été déterminants grâce à sa situation au cœur des réseaux européens et sa proximité avec la frontière allemande : Smartville est reliée aux grands axes du transport international (autoroute A4, chemin de fer). La présence d'un grand nombre de sous-traitants, notamment en Sarre, justifiait aussi ces Investissements Directs à l’Etranger dans un vaste bassin automobile. Les savoir-faire et le coût de la main d’œuvre ont aussi été attractifs : la région de Sarreguemines s’appuyait sur un personnel hautement qualifié, souvent bilingue, avec des coûts salariaux compétitifs (environ 40 % moins élevés que dans l'industrie allemande).
Le projet, devenu rentable au bout de 10 ans, peut ainsi apparaître comme un succès avec 2 millions de véhicules produits en 20 ans. En 2007, Smart employait 900 salariés, sans compter les 1300 emplois chez les sous-traitants selon Daimler-Benz. Smart est devenu un des premiers employeurs du bassin de Sarreguemines, dont le taux de chômage n'excédait pas les 5% en 2007.
Cependant, les régulières réorientations de la production (modèles coupés, Fortwo, Forfour puis le tout électrique) révèlent les difficultés de l’usine matière de compétitivité, avec une concurrence accrue dans ce segment. Cela explique l’inquiétude des salariés qui voudraient voir le site et les emplois pérennisés alors que d’autres unités de production du groupe en Slovénie ou en Chine sont plus rentables. Daimler-Benz voulant une « communication maîtrisée » a souvent eu des difficultés face aux revendications des salariés (grève de 2007, licenciements abusifs selon les syndicats en 2009). On comprend mieux son refus quant à la présence de journalistes aux cérémonies des 20 ans du site, craignant certainement l’expression de revendications sociales de la part des syndicats. Il faut dire que le site, qui produisait 140 000 voitures par an en 2007, n’a jamais atteint l’objectif de 200 000 véhicules fixé au début du projet.
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Le sujet traité par France 3 est issu d’un décrochage régional. Il s’adresse donc à un public essentiellement lorrain qui vise à faire le bilan de 20 années d’exploitation de Smart en Moselle.
L’historique de la « success story » Smart est abordé avec un regard assez juste et critique. La modernité du site est clairement présentée à travers des chaînes de production automatisées et robotisées, incarnant la volonté innovante de l’entreprise. En effet, dès le début, le projet s’est voulu exemplaire en mettant l’environnement au cœur des préoccupations, non seulement en produisant des véhicules « propres » dont la plus grande partie est recyclable, mais aussi sur le site avec une consommation d’énergie et une gestion des déchets maîtrisées. Un traitement paysager avait même été prévu par le cabinet d’architectes SLA. Cela renforçait l’image d’un véhicule répondant à ce que l’entreprise qualifiait « d’écoconduite », se donnant ainsi l’image d’une FMN responsable.
Les journalistes insistent, à raison, sur le difficile démarrage des ventes et les difficultés de Smart dans les 10 années ayant suivi son lancement. Les ventes ont stagné à jusqu’en 2005 et il a fallu attendre 2007 pour que la production soit rentable en partie grâce au marché américain.
Le reportage oppose donc fort justement les immenses espoirs suscités par la création de l’unité de production en présence des chefs d’Etat et de gouvernement français et allemand en 1997 et les inquiétudes des salariés, d’autant plus que les rumeurs de départ de Daimler-Benz sont anciennes. Dès 2006, Manfred Gentz, directeur financier de DaimlerChrysler, a révélé que « toutes les hypothèses, y compris une cession de la marque Smart », étaient envisagées. Les pressions des dirigeants politiques locaux et nationaux ont pendant longtemps amené le groupe à réinvestir sur le site, d’autant plus qu’il avait bénéficié d’un soutien financier public massif, plus de 70 millions d’euros, au lancement du projet. C’est ainsi que 50 millions ont été investis en 2006, 18 en 2009 pour passer à l’électrique. En 2008, Smartville a produit 1,1 millions de véhicules. Pourtant tout cela n’a, semble-t-il, pas permis de restaurer la compétitivité du site, les objectifs de ventes n’ayant pas été atteints. En 2011, la smart électrique a dû faire face à la concurrence des autres constructeurs qui l’ont largement dépassée dans les ventes. En 2015, le groupe a alors demandé aux salariés, suite à un référendum d’entreprise, d’accepter de travailler 39h payées 37 pour garantir les emplois jusqu’en 2020. Ces problèmes de compétitivité pesant sur l’emploi expliquent en grande partie la défiance du groupe vis-à-vis des médias lors des cérémonies du 27 octobre 2017. Il ne souhaitait certainement pas communiquer sur le volet social pourtant au centre des préoccupations locales. En 2018, Daimler-Benz décide de réorienter le site vers des SUV Mercedes et provisoirement la Smart électrique (jusqu’en 2024) en annonçant l’investissement de 500 millions. Cependant, cette mutation se ferait au détriment de l’emploi avec la délocalisation de la Smart. Les inquiétudes des syndicats sont grandes, non seulement chez Smart mais aussi chez les sous-traitants comme Faurecia. Mais visiblement, 2020 a changé les perspectives du groupe. Il a annoncé la mise en vente du site, confirmant ainsi les inquiétudes. Cette nouvelle est perçue comme une catastrophe pour le bassin d’emploi de Sarreguemines, les sous-traitants étant fortement impactés eux-aussi.
Tout n’est cependant pas perdu pour « Smartville ». Dans un rayon de 250 kilomètres se trouvent les plus grandes unités de production automobile européennes : Mercedes à Rastatt, Ford à Saarlouis, Opel à Russelheim ou PSA à Trémery. Il faudra donc que l’usine smart, quel que soit son repreneur, et ses partenaires (Faurecia, Cosma, Behr, Panopa) s’adaptent pour donner un nouvel avenir à cette aventure industrielle.
Transcription
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