Fouilles archéologiques sous l'ancien garage Citroën : Amiens ville gallo-romaine
Notice
Reportage sur les premiers jours de fouilles sur l'ancien site du garage Citroën à Amiens. Six mois de chantier sont prévus pour relever les vestiges gallo-romains du 1er au 3e siècle après J C. Pour Didier Bayard, ingénieur du service régional d'archéologie, cela confirme la présence à cette époque d'une ville très peuplée, d' au moins 20 000 habitants. Eric Binet, responsable des fouilles, pense que l'on est dans un secteur artisanal.
Éclairage
Préalablement à la construction d'un multiplexe cinématographique, une fouille de sauvetage a été menée par Eric Binet (1), entre le 14 février et le 4 août 2000, à l'emplacement de l'ancien garage Citroën, boulevard de Belfort. Une surface d'environ 1 800 m² a ainsi pu être explorée. Le site est localisé au cœur d'une insula périphérique, à l'est de la ville antique, à proximité de la voie reliant Amiens à Soissons. Nous avions peu d'éléments sur ce quartier de Samarobriva.
Malgré les multiples destructions postérieures, quelques tronçons de fossés et de nombreux trous de poteaux, creusés dans le terrain naturel, ont été retrouvés. Bien que très lacunaire, ce premier état permet d'entrevoir la possibilité d'une phase pré-urbaine vers l'est du noyau primitif de la ville. Cette découverte semble corroborer l'hypothèse concernant la volonté de contrôle d'expansion et d'organisation de la ville dès sa création.
Dès cette première occupation mais surtout durant le deuxième quart du Ier siècle, ce secteur a servi de carrière. Cette activité se traduit par la présence de nombreuses fosses d'extraction de limon. Ce matériau était sans doute destiné à la construction des maisons du noyau primitif urbain tout proche. Les fosses ont servi dans un second temps de dépotoirs recueillant les rejets de la ville.
Vers le milieu du Ier siècle, le secteur est urbanisé. Au moins onze ou douze parcelles de taille variable, ont progressivement occupé cette zone. Une partie d'entre elles ne sera bâtie que vers les années 110-120. Elles s'organisent le long d'une rue secondaire traversant l'insula du nord au sud. Cinq maisons bordent directement cet axe de circulation, large d'au moins 4,50 m. D'autres propriétés sont accessibles par le biais de chemins beaucoup plus étroits se terminant en impasse. Ce parcellaire sera sans doute conservé, dans les grandes lignes, jusqu'à l'abandon du quartier vers la fin du IIe ou le début du IIIe siècle.
Certaines de ces maisons possèdent une organisation générale identique : la partie située en façade est occupée par une pièce unique, l'arrière par une cour. C'est souvent dans cet espace découvert que sont localisés les puits servant à l'alimentation en eau. De petites allées, aménagées en craie, permettent dans certains cas d'y accéder. Les maisons sont en structures légères, charpente en bois et murs en terre, la couverture probablement en chaume. Les systèmes de fondations sont variés. Tous les sols sont en terre battue. De nombreux indices semblent indiquer que ces propriétés sont occupées par de petits artisans, peut-être des métallurgistes.
Quelques mètres carrés d'une domus se développant hors emprise ont été mis au jour dans la partie méridionale du chantier. Une série de murs en torchis, reposant sur une charpente en bois, délimite quatre pièces aux sols en terre battue, correspondant aux communs de cette vaste demeure. L'une d'elles pourrait être une cuisine. Une grande cave maçonnée y a également été découverte. Cette domus a été détruite par un incendie au début du IIe siècle .
A la fin du IIIe ou au tout début du IVe siècle, une nécropole occupe ce secteur désormais situé en dehors de la ville. Une vingtaine de sépultures à inhumations a été découverte. Les défunts sont enterrés en cercueil. Certaines sépultures ont livré des offrandes (vases, bracelet en bronze, monnaie).
(1) Eric Binet. "Amiens. Boulevard de Belfort – Garage Citroën", dans Bilan scientifique de la région picarde 2000, Drac Picardie, 2003, p. 97-99.