La colorisation de la cathédrale d'Amiens
Notice
Page découverte consacrée à la colorisation de la cathédrale d'Amiens. Xavier Bailly, directeur du patrimoine, explique pourquoi dès sa construction, la cathédrale était peinte, puis au XVIe siècle, la couleur est passée de mode. On a retrouvé des traces lors des restaurations récentes. Pour imaginer ce que pouvait être cette colorisation, on a confié la réalisation d'images à une société spécialisée qui les projette ensuite sur la façade. Explication d'Hélène Richard qui travaille sur une deuxième version du procédé. Philippe Charron conservateur des monuments historiques, explique que de nouvelles techniques de nettoyage de la pierre permettent d'ôter la noirceur sans atteindre les couleurs, ce qui ouvre un nouveau champ de recherche historique.
Éclairage
C'est en 1999, sous la mandature de Gilles de Robien, que s'est mis en place le "son et lumière" ou "son et couleur" appliqué à la cathédrale d'Amiens. Ce fut alors une première et ce l'est resté. D'autres expériences ont depuis lors été réalisées au Mans et à Reims. Dans le dernier quart du XXe siècle les Monuments nationaux avaient entrepris de ravaler les façades, autant dire éliminer les traces de fumée ayant noirci la pierre au cours des siècles. L'architecte suisse Le Corbusier n'avait-il pas parlé lui-même dans un livre du temps où les cathédrales étaient blanches ? (1). On aurait pu croire, au lendemain de la guerre, à une généralisation de la formule de ce célèbre (et fort controversé) bâtisseur dont les constructions sobres et fonctionnelles, dans l'esprit du Bauhaus, prônaient la luminosité du blanc (Cité radieuse à Marseille). Or voici que les ravaleurs de façade, bien décidés à retrouver la blancheur pure des carrières de Picquigny (d'où furent extraites les pierres de la cathédrale d'Amiens) découvraient, au laser, des traces de polychromie sur les figures sculptées de la cathédrale. À commencer par le bout d'ailes des anges. Comme dans les tableaux polyptyques des peintres flamands (Van Eyck, Memling) les anges sculptés au XIIIe siècle avaient donc des couleurs ! Il fallait ajouter un chapitre nouveau à la Bible de pierre célébrée par Victor Hugo et par John Ruskin. On peut parler d'une révolution, en effet, rappelant une différence pédagogique essentielle entre les âges médiévaux où la couleur jouait son rôle dans l'évangélisation du peuple et le moment Renaissance où, à la fois par usure et par iconoclasme, les esprits "éclairés" penchèrent plutôt pour la sobriété et la raison. Depuis 1999, des spectacles "son et couleur", confiés originellement à la société Skertzo, ont été ainsi organisés chaque été par projection de couleurs sur la façade de Notre-Dame d'Amiens (classée en 1981 au patrimoine mondial par l'Unesco). Il s'agit d'une interprétation artistique s'appuyant à la fois sur la numérisation des images et l'analyse scientifique des pigments initiaux. L'opération rencontre, on l'imagine, un succès populaire réel. Une heure durant les spectateurs assis à même le parvis mais surtout sur les marches des maisons faisant face au monument, retiennent d'admiration (le mot incrédulité n'étant pas approprié) leur souffle.
(1) Le Corbusier, Quand les cathédrales étaient blanches. Voyage au pays des timides, Plon, Paris 1937.