L'art du vitrail dans les cathédrales de Picardie
Notice
Avec six cathédrales gothiques, la Picardie a connu de grands maîtres verriers. Des archéologues ont retrouvé un morceau de vitrail datant du IXe siècle à Beauvais. L'historien Philippe Bonnet La Borderie remarque que si le premier quart du XVIe siècle a laissé un travail prestigieux dans l'art du vitrail, on assiste par la suite à un déclin. Engrand Leprince dont on aperçois les magnifiques vitraux, est, dans son domaine, comparé par l'historien, à Léonard de Vinci pour la peinture usant en virtuose du jaune d'argent. On préfère blanc au XVIIIe siècle pour plus de clarté. Au XIXe on retravaille avec plus ou moins de finesse à la façon des maîtres du Moyen Âge et depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale on laisse place à la création.
Éclairage
Le journaliste Thierry Bonte poursuit avec sa curiosité et sa précision habituelles une enquête brève mais dense sur l'art du vitrail des églises picardes. C'est à l'église Saint-Étienne de Beauvais qu'il tourne (1987) des images de toute beauté autour de l'arbre de Jessé dessiné et réalisé en 1525 par l'un des frères de la famille Leprince, Engrand, mort en 1531. Comme le rappelle le commentaire on ne dispose que de très peu d'éléments sur cette famille mais il suffit que la caméra se concentre sur quelques détails dont cette extraordinaire demi-lune à visage humain pour être frappé par la force propre à Engrand. Le spécialiste qui répond aux questions du journaliste insiste sur l'usage particulièrement brillant du jaune d'argent par le maître-verrier, technique lui permettant d'ombrer de reflets la lumière des visages. On notera également une très impressionnante stylisation des systèmes pileux des personnages masculins ainsi que l'expression forte des émotions obtenue par l'artiste. L'adjectif "génial" ici employé n'est pas usurpé. La qualité des vitraux de l'église Saint-Étienne semble d'ailleurs indiquer l'excellence de l'école vitraillière de Beauvais dans le premier quart du XVIe siècle. L'historien Philippe Bonnet La Borderie interrogé par Thierry Bonte insiste à juste titre sur l'évolution du rapport au plus ou moins de transparence dans l'art des vitraux. Le XVIIIe siècle préférera ainsi la grande luminosité, ce qui n'est pas pour surprendre dans un siècle entièrement voué à la Raison. Le Romantisme qui marque le XIXe siècle reviendra au contraire au Moyen Âge dont il imitera plus ou moins heureusement les opacités. À cet égard on doit d'ailleurs signaler l'exceptionnelle beauté des vitraux de la cathédrale de Laon, surtout le merveilleux vitrail de la rose nord dite des Arts libéraux avec ses huit oculi tournant comme les roues de l'Univers autour de la figure centrale de la Sagesse ou Philosophie, elle-même entourée de huit roues adjacentes. C'est le plus ancien vitrail de la cathédrale, il date de 1200 environ. Identiquement splendide est la rose ouest. Si maintenant l'on se tourne vers l'époque actuelle, on mentionnera la renaissance de l'art du vitrail en Picardie même grâce au travail du peintre et vitraillier Alfred Manessier qui a donné à l'église du lui-même Saint-Sépulcre à Abbeville un extraordinaire chemin de croix en 31 vitraux inauguré par lui-même en 1996. Le bleu profond de la nuit du Vendredi Saint, sur le vitrail ouest, est un chef d'œuvre de profondeur et d'émotion.