La grève des universités à Lyon
Notice
Les étudiants de l'université Bron Lyon 2 se sont mis en grève. Ils refusent le projet de loi Devaquet visant à instaurer une sélection à l'entrée de l'université et la hausse des droits d'inscriptions.
- Rhône-Alpes > Rhône > Lyon
Éclairage
En mars 1986, la défaite de la gauche aux législatives après cinq ans de gouvernement socialiste ouvre la première « cohabitation », celle du président de la République, François Mitterrand, et d'un gouvernement de droite dirigé par Jacques Chirac. La réforme de l'enseignement supérieur est l'un des objectifs de ce nouveau gouvernement, qui nomme René Monory (UDF) au ministère de l'Éducation, et Alain Devaquet (RPR), ministre délégué chargé de la Recherche et de l'Enseignement supérieur. Un groupe de diverses personnalités de la droite universitaire rédigent une proposition de loi déposée par Jean Foyer. Le projet prônait l'autonomie des universités, ouvrait la porte aux diplômes locaux, à la variabilité des droits d'inscription selon les universités, recomposait les représentations dans les conseils au profit des professeurs de rang A au détriment des autres composantes (maîtres de conférence, personnels, étudiants) et permettait d'instaurer une sélection à l'entrée de l'université. Jacques Chirac demande à son ministre Alain Devaquet, de modifier la loi Savary de 1984 en mettant en place l'autonomie des universités et la sélection. C'est ce dernier point qui a représenté un chiffon rouge pour les syndicats étudiants (en particulier les deux branches de l'UNEF).
À la rentrée universitaire 1986-1987, l'Unef-ID (proche des socialistes) lance une campagne d'information sur la réforme projetée. L'Unef-SE (proche du parti communiste) se concentre, quant à elle, sur la sécurité sociale étudiante et passe ainsi à côté de ce qui devient la plus forte mobilisation étudiante depuis 1968. Des comités contre la réforme Devaquet, associant étudiants non-syndiqués et syndiqués se constituent un peu partout dans les universités et appellent à une manifestation le 21 octobre et à des états généraux le 22 novembre à Paris. Après l'université de Dijon, c'est celle de Villetaneuse (93) qui est à la pointe de la mobilisation autour d'Isabelle Thomas : c'est là qu'est forgé le slogan « génération Mitterrand ». L'appel à la grève générale y est adopté, ainsi que celui pour une journée de manifestations prévue le jeudi 27 novembre. Le reportage télévisé du 24 novembre 1986 qui interviewe, contradictoirement, des étudiants de l'université Lyon2 opposés « au projet antidémocratique de Devaquet » et à la sélection, dans un meeting sur le site de Bron et des militants de la corpo de droite de l'université Lyon3 approuvant la sélection qui, selon eux, pourrait revaloriser les diplômes.
La manifestation du 27 novembre sera une surprise non seulement par une participation record des étudiants, mais aussi par la présence massive de lycéen-ne-s directement concernés, puisque la sélection doit commencer dès l'entrée à l'université. Suivent des manifestations importantes dans toute la France le 4 décembre ; à Paris, des affrontements ont lieu sur l'esplanade des Invalides à la suite d'une intervention brutale de la police. Autre manifestation marquante, celle du 6 décembre : au Quartier latin, Malik Oussékine, étudiant à l'université de Dauphine, non manifestant, est tué par des « voltigeurs » (policiers en moto avec matraques). Jacques Chirac veut éviter une extension du mouvement aux entreprises - une grève alors des cheminots démarre au même moment - (c'est le fantôme de 1968) et il annonce le 8 décembre le retrait du projet Devaquet. Le ministre démissionne. La dernière manifestation, le 10 décembre, se transforme ainsi en cortège silencieux de victoire et de deuil. La grève s'arrête. Elle aura duré trois semaines. Ce fut la dernière tentative d'instaurer une sélection officielle à l'entrée de l'université, jusqu'à ce que l'idée ressurgisse récemment. La loi sur l'autonomie des universités a été mise en œuvre et ce que craignaient les étudiants en 1986 – la hiérarchie et la concurrence entre universités – sont aujourd'hui d'actualité. Plus généralement, ce mouvement a été l'occasion d'un divorce entre une partie de la jeunesse et la droite et a donc contribué à la réélection en 1988 de François Mitterrand.