Entretien avec Philippe Lamour
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Résumé
En alternance avec des images de La Grande-Motte, Philippe Lamour évoque les choix économiques de l’aménagement touristique du Languedoc-Roussillon. Il renvoie au projet des années 1950 : un aménagement global du littoral censé réduire les déséquilibres du territoire régional.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
20 juin 1976
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Contexte historique
ParProfesseur émérite de géographie
En 1976, soit treize ans après la création de la Mission Racine, quelle place accorder à l’aménagement du littoral du Languedoc-Roussillon, notamment celui de l’Hérault riche des deux stations touristiques — La Grande-Motte devenue commune en 1973 et le Cap d’Agde — qui impriment les figures dominantes de l’action de la Mission. Le constat d’une réussite touristique s’impose. Le tourisme, affiché comme priorité dès le départ, s’affirme déjà comme activité économique prédominante, ayant atteint un point de non-retour
, générant justement des retours sur investissement importants. Philippe Lamour, alors Président du Conseil économique et social du Languedoc-Roussillon, interrogé sur un fond d’images des pyramides grand-mottoises, justifie certes cette orientation. Mais il s’attache à démontrer qu’elle n’est qu’une option qui a prévalu dans un contexte particulier, celui de l’effort primitif de l’Etat
sur un territoire-support qui paraissait peu à même de s’ouvrir à d’autres choix.
Et pourtant, une autre option plus globalisante au plan socio-économique aurait pu voir le jour. Philippe Lamour qui fut le fondateur et premier président de la Compagnie nationale d’aménagement du Bas-Rhône-Languedoc (CNABRL) créée en 1955, n’hésite pas à dévoiler d’autres alternatives. Fidèle de Jean Monnet, l’un des fondateurs de la Communauté économique européenne (CEE) en 1957, qui l’intègrera dans l’équipe restreinte du Commissariat au plan, il participe à la création de la DATAR en 1963. Jean-Robert Pitte [1], géographe, qui en a écrit une biographie détaillée, l’inscrit comme père de l’aménagement du territoire en France
. Il en sera l’un des pionniers et présidera la Commission nationale de l'aménagement du territoire. Il joue alors un rôle déterminant dans la mise en œuvre du plan d'aménagement du territoire de 1962. Dans cette interview, il souligne surtout que dès 1953 le projet initial d’aménagement du Languedoc, dont il était l’un des rédacteurs, concernait le littoral sous tous ses angles : tourisme certes, mais aussi pêche, aquaculture, et intérêt majeur pour l’assainissement des étangs.
Vingt-cinq ans plus tard, ce projet date donc. Il n’en demeure pas moins une base de réflexion pour une projection indispensable vers des actions nouvelles qui porteraient modernisation et rationalisation de l’ensemble des activités économiques liées à la mise en valeur du littoral. Celui-ci n’est-il pas finalement l’image extrême d’une région qui a manqué la révolution de l’industrie, s’est complu dans l’extension d’un vignoble de masse au détriment de campagnes ancrées dans des savoir-faire ancestraux et d’une côte trop longtemps mise à l’écart malgré une histoire riche d’épisodes florissants. Plus de deux décennies après le plan du début des années 1950 et face au succès des aménagements strictement touristiques, n’est-il point trop tard pour se projeter vers un nouveau littoral aux activités maritimes diversifiées et modernisées ? La réponse de Philippe Lamour ne manque ni d’humour, ni de réalisme : Le seul avantage d’être en retard, c’est de bénéficier des expériences d’autrui.
Les acquis de l’aquaculture se sont diffusés depuis le Japon et le perfectionnement des techniques locales d’exploitation des ressources aquacoles, notamment celles concernant l’ostréiculture de l’étang de Thau, offre de belles perspectives. En termes d’emploi certes, mais aussi de valorisation des lagunes et d’émergence de nouveaux équilibres géographiques liés à une meilleure répartition des activités économiques. La recherche de qualité des produits finis accentue enfin la dimension culturelle et patrimoniale de cet engagement « aménagiste » qui génère d’autres images du littoral que celles que le tourisme a accréditées et retransmises.
Avec le recul, les paroles de Philippe Lamour laissent penser qu’il peut y avoir une autre manière de faire aménagement. Qu’une nouvelle étape de l’aménagement du littoral devrait donc être envisagée par les collectivités régionales. Ses finalités seront à mesurer à l’échelle d’une région dont les fondements et les structures viennent alors d'être précisés par la loi. Mais le temps de l’aménagement est un temps long qui transcende le temps du politique…
[1] Jean-Robert Pitte, Philippe Lamour 1903-1992, Père de l’aménagement du territoire en France, Fayard, 2002.
Bibliographie
- Jean-Robert Pitte, Philippe Lamour 1903-1992, Père de l’aménagement du territoire en France, Fayard, 2002.
- Philippe Lamour, Le cadran solaire, Robert Laffont, 1979, nouvelle édition 1992.
- Philippe Lamour, Le second souffle pour le Languedoc, [S.l.], [s.n.], [s.d.]. Archives départementales de l'Hérault (cote BRA 10366).
Transcription
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