La révision des lois sur la bioéthique ouvre de nouveaux débats
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À l'occasion de la révision des lois sur la bioéthique, la question de l'anonymat des donneurs de gamètes est posée. De nombreux enfants nés de procréations assistées sont en effet en recherche d'informations sur leurs origines. Si l'enfant en fait la demande et sous condition que le donneur ou la donneuse y consente, le secret pourrait être levé. Après un court reportage, le député-maire UMP d'Antibes, Jean Leonetti, exprime ses réserves. Pour lui, la filiation sociale prime sur la filiation génétique, il est donc opposé à cette proposition.
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16 oct. 2010
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Contexte historique
ParDocteur en Histoire contemporaine, Post-doctorant à Aix-Marseille Université
Un conseil consultatif national d’éthique (CCNE) existe en France depuis 1983. Il a été créé à l’initiative du président de la République François Mitterrand un an après la naissance, en 1982, d’Amandine le premier bébé éprouvette français conçu par fécondation in vitro (FIV). Les premières lois sur la bioéthique datent de 1994 et ont été révisées en 2004. En ce mois d’octobre 2010, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé du gouvernement de droite de François Fillon, est sur le point de déposer un projet de loi visant à procéder à une nouvelle révision, afin de poser un cadre légal à certaines nouvelles pratiques issues des progrès scientifiques dans le domaine des sciences du vivant (médecine, biologie ou génétique), et tenir compte ou non des aspirations nouvelles s’exprimant, parfois avec une certaine vigueur, au sein de la société. C’est en particulier le cas de la demande de levée de l’anonymat des donneurs de gamètes, c’est-à-dire les personnes ayant cédé gratuitement du sperme ou des ovules pour permettre à des couples stériles d’avoir un enfant en recourant à une FIV. Dans sa mission de conseil au gouvernement et au Parlement pour l’élaboration de la loi, le Conseil d’État s’est montré favorable à cette levée de l’anonymat mais sous conditions. Une commission spéciale de l’Assemblée nationale « chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique » a également rendu un rapport d’information L’artisan principal de ce rapport est Jean Leonetti, cardiologue de profession et député-maire d’Antibes, qui s'est impliqué dans les questions de santé et de bioéthique dès le début de son mandat de député en 1997. En 2005, sur fond d'affaire Vincent Lambert, il a été rapporteur de la mission d'évaluation de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie. Opposé au maintien en vie artificiel des malades, il considère que « la qualité de vie en fin de vie prime sur la durée de la vie ». Adoptée le 22 avril 2005, cette loi, dite Leonetti, fixe l'accompagnement des patients dans l'arrêt de leur traitement en fin de vie, afin d'éviter l'acharnement thérapeutique, mais sans pour autant autoriser les pratiques liées à l'euthanasie.
Pour la première fois des débats citoyens ont également été organisés en 2009, sous forme d’états généraux de la bioéthique, pour débattre de ces questions complexes. Les partisans de la levée sans conditions de l’anonymat des donneurs de gamètes, représentés dans le reportage par un jeune avocat lui même issu d’une FIV avec donneur, revendiquent un droit d’accès à leurs origines génétiques pour, comme l’a indiquée la sociologue Dominique Mehl lors de son audition à l’Assemblée nationale, « disposer de la totalité de leur histoire personnelle ». Ce manque peut en effet, selon eux, être la cause de graves souffrances psychologiques. Ils considèrent cette requête d’autant plus fondée que plusieurs pays européens, comme la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou l’Espagne ont déjà levé l’anonymat des donneurs de gamètes. Par ailleurs, en France, cette revendication d’accès aux origines a des précédents et s’insère donc dans un cadre plus général. L’adoption de la loi du 22 janvier 2002, relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’État, a autorisé la réversibilité du secret de l’identité de la mère accouchant sous X et créé à cet effet le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP).
Les opposants à la levée de l’anonymat, dont fait partie Jean Leonetti, rappellent que cet anonymat est la contrepartie, garantie au donneur, qui justifie son don gratuit. Sa levée pourrait donc faire chuter les dons de gamètes, qui sont déjà en France cinq fois inférieurs à la demande. Ils s’appuient aussi sur le fait que le caractère social et affectif de la filiation prime sur le biologique ou comme l’a exprimé le généticien Axel Kahn, lors de son audition à l’Assemblée nationale, « la certitude que les enfants seront ce à quoi les destinent leurs gênes réduit la filiation humaine à celle des animaux ou des plantes à fleurs, c’est-à-dire à la filiation génétique ».
Suivant la recommandation du Conseil d’État, le gouvernement propose une voie médiane, afin que chaque enfant issu d’un don de gamètes puisse à sa majorité avoir systématiquement accès à des informations non identifiantes sur son donneur (âge, état de santé ou caractéristiques physiques) et, si celui-ci y consent, à des informations supplémentaires (situation familiale, catégorie socio-professionnelle, nationalité ou motivation du don) voire à son identité. L’enjeu est de concilier cette aspiration à la connaissance des origines et la perpétuation des dons de gamètes.
Bibliographie
- Alain Claeys et Jean Leonetti, Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 2235, 20 janvier 2010. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i2235-t1.asp
- Jean Leonetti, Rapport d’information fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 3111, 26 janvier 2011. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r3111-tI.asp
- Dominique Mehl, Naître ? La controverse bioéthique, Paris, Bayard, 1999.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Henri Migout
On passe à la deuxième partie, la bioéthique.Alors, on rappelle le contexte, c’est la révision des lois sur la bioéthique.Ce sont des lois qui sont révisées tous les six ans en l’occurrence, en fonction de l’évolution de la société.Vous avez fait un rapport parlementaire sur ce sujet.Ce qui pose problème en ce moment, c’est le don de gamètes, c’est-à-dire le don de sperme ou le don d’ovule, avec un problème d’anonymat.Vous êtes contre la levée de l’anonymat, on va y revenir.Pour bien poser le problème, je vous propose de regarder ce reportage qui a été fait il y a un an mais qui est toujours d’actualité puisqu’il expliquait l’avis du Conseil d’État en la matière.C’est un reportage de Stéphanie Desjars et Olivier Thieth, on regarde.
Stéphanie Desjars
C’est un tabou qui pourrait être levé sous l’impulsion du Conseil d’État.Jusqu’à présent défenseur de l’anonymat des donneurs de sperme et d’ovule, le Conseil préconise aujourd’hui la levée du secret, mais sous condition.
Jean-Marc Sauve
L’anonymat pourrait être totalement levé si l’enfant le demande et si le donneur y consent.Ceci doit permettre, j’allais dire, de maintenir un corps de règles qui puisse favoriser le don de gamètes.Mais nous devons tenir compte aussi d’une aspiration nouvelle et forte à la connaissance des origines.
Stéphanie Desjars
La France vit une pénurie chronique de gamètes disponibles, environ 400 dons pour 2 000 demandes.Qu’en serait-il si les donneurs n’étaient plus protégés par l’anonymat ?Une idée combattue par ce jeune avocat issu lui-même d’une fécondation avec donneur.Raphaël Molina milite pour la vérité sur les origines des enfants issus des procréations médicalement assistées, comme c’est le cas dans de nombreux pays européens :la vérité sans condition.
Raphaël Molina
Les psychologues, les sociologues, les médecins sur le terrain, ont fait un constat, c’est qu’il y avait une véritable souffrance d’une part et on s’est rendu compte que finalement, le système même de l’anonymat engendrait des conséquences qui n’étaient pas bonnes pour les enfants issus de ces pratiques.
Stéphanie Desjars
Des arguments qui devront être pesés et départagés lors de la révision du corpus des lois bioéthiques, et pour la première fois, des états généraux ont été convoqués.Des citoyens prennent part aux débats, aux côtés des institutions et des spécialistes.
Henri Migout
Bon, alors on rappelle Jean Leonetti, ça c’était il y a un an, les états généraux, ils ont eu lieu depuis.On va prendre un exemple concret, un couple hétérosexuel qui ne peut pas avoir d’enfant, c’est l’homme qui est stérile par exemple, donc il y a recours à un don de sperme.Le Conseil d’État, et depuis ça a été repris dans la loi Bachelot qui n’a pas encore été présentée mais qui va l’être, dit :il faut qu’il y ait possibilité de lever l’anonymat.Vous êtes contre.Vous dites en fait que la filiation sociale doit primer sur la filiation biologique, pourquoi ?
Jean Leonetti
D’abord parce que le don est anonyme et gratuit, et que si j’étais donneur de sperme et que je le fasse de manière anonyme et gratuite donc que je fasse un don universel, je ne voudrais pas voir taper à ma porte 18 ans après quelqu’un qui dise :« je veux voir la tête de mon père génétique ».Mais la question est beaucoup plus complexe en fait, parce qu’elle nous renvoie à qu’est-ce que nous pensons qu’est l’Homme.Donc moi, je pense que la génétique est pour peu de choses dans ce que nous sommes.Je pense que le biologique et la génétique s’effacent devant l’éducatif et l’affectif.Je crois que ce que nous sommes tous, c’est bien sûr un être qui est né avec un processus biologique mais qu’en même temps, ce que nous avons et ce que nous sommes en tant que personne, en tant que personne humaine, nous l’avons fait parce que nous avons été aimé, parce que nous avons eu des gens autour de nous, parce que nous avons fait des rencontres, parce qu’on nous a passé un savoir.Et ce savoir, et cet amour, ça fait des Hommes.Si on commence à dire :c’est la génétique qui prime sur le social et sur l’affectif, alors... Alors il ne faut pas faire de don de gamètes. Parce que si c’était si important que ça et que ça transmet un déterminisme au point que je dise :« je suis déterminé par mes gamètes », alors je ne suis plus un Homme, je ne suis plus libre, je ne suis plus responsable.
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