Une association de mères porteuses se crée à Marseille
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À Marseille, une association appelée "Les Cigognes" s'est constituée pour proposer les services de mères porteuses à des couples ne pouvant pas avoir d'enfants. Des arguments s'élèvent contre ces pratiques : moral, absence de cadre juridique, problème de la rémunération... Pour les concernées, il s'agit avant tout d'un acte de générosité nécessaire.
Date de diffusion :
23 janv. 1985
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Contexte historique
ParDocteur en Histoire contemporaine, Post-doctorant à Aix-Marseille Université
Publication : 2021
En 1985 se constitue à Strasbourg l’association de mères porteuses « Les Cigognes » pour défendre les intérêts de femmes (dont une habite la capitale alsacienne) qui sont volontaires pour recevoir par insémination artificielle le sperme du conjoint d’une femme stérile, et ainsi répondre au désir d’enfant d’un couple. Elles sont en effet critiquées pour cela par une frange de l’opinion. L’une d’entre elles, Catherine Lagrange, témoigne dans le reportage et indique faire cela par générosité et altruisme en répondant de surcroît à l’appel de médecins en pointe sur ces questions. La modeste rémunération afférente, bien inférieure à celle perçue aux États-Unis où cette gestation pour autrui (GPA) se pratique déjà depuis plusieurs années, est considérée comme une simple indemnité venant compenser l’indisponibilité engendrée par la grossesse. Ce versement d’argent évite par ailleurs l’instauration d’un marché noir, qui profiterait nécessairement aux couples les plus aisés. L’association « Sainte-Sarah », nommée en référence à la femme d’Abraham n’ayant pu lui donner d’enfants, regroupe de son côté les femmes stériles. Sans remonter à cet épisode biblique, la GPA est une pratique ancienne à laquelle les femmes stériles de la bourgeoisie avaient par exemple recours au XIXe siècle en faisant porter leur futur enfant par une jeune fille. La GPA se pratique aussi dans le cadre intrafamilial, et c’est un cas de ce type qui marque son irruption dans l’arène médiatique et le débat public français. En décembre 1982, l’émission de la chaîne de télévision Antenne 2, Aujourd’hui la vie, diffuse le témoignage des jumelles de Montpellier : Christine porte un enfant pour sa sœur Magali après insémination artificielle avec le sperme du mari de cette dernière.
Le docteur Sacha Geller, président du Centre d’exploitation fonctionnelle et d’étude de la reproduction (CEFER) de Marseille, pratique depuis plusieurs années des inséminations artificielles et son organisme fonctionne de fait comme une banque de sperme privée. Il est l’artisan de ce système d’associations destiné à favoriser la GPA et a crée, en septembre 1983, dans la cité phocéenne l’association « mères d’accueil » (et non « mères porteuses » comme indiqué dans le reportage), dont il fait connaître l’existence par une conférence de presse le 20 octobre suivant. L’Association nationale d’insémination artificielle par substitution (ANIAS), ayant le même objet, a été créée à Paris en juillet 1983. Contrairement à d’autres pays, la loi française est en effet en retard par rapport aux pratiques sociales.
Le 21 octobre 1983, lendemain de l’intervention du docteur Geller, le secrétaire d’État chargé de la Santé, le socialiste Edmond Hervé, désapprouve publiquement cette « location d’utérus » l’assimilant à « une vente et un achat d’enfant », tout en disant « comprendre la détresse des couples qui ne peuvent pas avoir d’enfant » et les invitant plutôt à se tourner vers les progrès récents de la médecine. Le 24 février 1982 est en effet née Amandine, premier « bébé éprouvette » français (à la suite de Louise Brown née en 1978 en Angleterre) conçu par fécondation in vitro (FIV). La FIV est une technique de procréation médicalement assistée (PMA) consistant à prélever des ovules dans l’ovaire de la femme et à leur faire rencontrer les spermatozoïdes de l’homme en éprouvette.
Le 24 octobre 1984, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), créé l’année précédente sur décision du président de la République François Mitterrand et présidé par le professeur Jean Bernard, rend un avis négatif sur la GPA au nom du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant à naître, et en particulier des troubles psychologiques qu’il serait susceptible de subir postérieurement, mais sans toutefois prôner une loi l’interdisant, alors que le ministre de la Justice Robert Badinter fait preuve de libéralisme. Ce vide juridique permet donc à des enfants de naître par GPA sur le sol français, tels Isabelle ayant vu le jour en avril 1985 dans une clinique de Montpellier et mise au monde par Patricia présentée par les médias comme la « première mère porteuse française » lors de son témoignage, en novembre 1984, dans le magazine Parents. Après cet accouchement sous X, l’enfant est reconnu par son père et l’épouse de ce dernier entame une procédure d’adoption.
Bibliographie
- Robert Clarke, Les enfants de la science, Paris, Stock, 1984.
- Sacha Geller, Mères porteuses. Oui ou non ?, Paris, Frison-Roche, 1990.
Transcription
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Pierre Dangas
Madame, Monsieur, bonsoir !Deux problèmes moraux, deux problèmes de morale à la une de ce journal :la morale difficile dès qu’il s’agit des enfants, les enfants que l’on voudrait avoir, ou les enfants que l’on voudrait garder.Et on reparle à Marseille aujourd’hui de ces mères porteuses qui défient justement les lois de la morale traditionnelle.A-t-on le droit de louer son ventre pendant neuf mois ?« Non », a répondu récemment le Comité national d’éthique.« Oui », répondent aujourd’hui trente femmes qui, avec le docteur Geller, viennent de constituer une association qui a bien choisi son nom.Elle s’appelle en effet l’association des Cigognes.Le docteur Geller, créateur il y a quelques mois déjà à Marseille d’une autre association, Les Mères Porteuses, récidive donc malgré l’absence de tout cadre juridique pour les futurs enfants ainsi conçus.Rémy Champenois l’a rencontré aujourd’hui, ainsi que l’une de ces femmes candidates à ce prêt hors du commun.
Rémy Champenois
Elle s’appelle Catherine Lagrange.Elle est mariée, mère de quatre enfants.Elle fait partie de cette vingtaines de femmes qui ont fondé l’association Les Cigognes, et qui se propose d’aider une femme stérile en portant pour elle un enfant.C’est, dit-elle, une simple question de générosité.
Catherine Lagrange
Faire partager ce qu’un enfant peut être.Donner un enfant à quelqu’un, c'est… je crois que je n’aurais jamais pu vivre sans avoir un enfant.J’aurais été obligée d’adopter ou d’essayer d’avoir recours à la même solution, donc je trouve que c’est indispensable qu’il y ait des femmes qui acceptent de faire ce geste pour rendre des couples terriblement heureux.
Rémy Champenois
Ce n’est pas du tout l’attirance d’argent ou de quoi que ce soit de ce genre ?
Catherine Lagrange
Non.Vraiment pas !D’ailleurs, le salaire est assez… moi, je considère ça comme un salaire.J’ai travaillé entre les deux premiers des enfants et les deux derniers.J’ai été rémunérée pour mon travail.Je pense que c’est un travail, à part le don de l’enfant, c’est aussi un travail… que neuf mois de grossesse, de manque de disponibilité…
(Silence)
Rémy Champenois
Le Comité d’éthique a condamné cette pratique pour plusieurs raisons, des raisons qui, selon le docteur Geller, artisan de la méthode, ne tiennent pas debout.
(Bruits de jeux)
Sacha Geller
Le plus gros argument, l’argument d’argent, nous en avons parlé tout à l’heure : sans argent on n’a rien.Se cacher derrière le bénévolat, invoquer le bénévolat ou prôner le bénévolat, c’est en réalité réserver le prêt d’utérus aux riches.Donc, c’est pourquoi je ne le veux pas, c’est ouvrir le marché noir réservé au riche.Le deuxième argument, et le plus important d’après Monsieur Jean-Bernard, c’est l’intérêt de l’enfant.On dit :« vous vous rendez compte, cet enfant, quand il aura 16 ans, il apprendra qu’il a été abandonné, il risque d’avoir des troubles psychologiques importants. »Mais un enfant adopté, lorsqu’on lui révèle qu’il a été adopté, peut aussi avoir des troubles psychologiques.On ne récuse pas les adoptions pour autant.Et les enfants de divorcés, les enfants de divorcés, ils ont des troubles psychologiques autrement importants, alors faut-il récuser le divorce ?Et enfin, j’ajouterai qu’il y a des enfants qui n’auront pas de trouble psychologique, ce sont les enfants qui ont été éliminés par la curette.Ceux-là, ils n’arriveront pas à l’âge où on a des troubles psychologiques, et pourtant on ne se pose pas de problème à leur sujet.
Rémy Champenois
Une association vient de se créer, l’association Les Cigognes.Quel est l’objectif de cette association ?
Catherine Lagrange
Nous défendre, défendre nos intérêts moraux surtout parce que nous sommes attaquées.On nous prend pour des prostituées qui vendent leur corps pour de l’argent et nous voulons nous défendre contre ça parce que c’est, au contraire, un acte d’amour que nous voulons faire en donnant ces enfants à des couples stériles.
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