20 ans de plans antidrogue à Marseille
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Entre 2011 et 2019, 176 règlements de compte liés au trafic de drogue ont eu lieu dans la région marseillaise. Malgré la nomination d'effectifs policiers supplémentaires dans le département et la visite de plusieurs ministres successifs munis de "plans anti-drogue", les stratégies sécuritaires contre la délinquance s'accumulent sans vraiment apporter de changements.
Date de diffusion :
17 sept. 2019
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Contexte historique
ParDocteur en Histoire contemporaine, Post-doctorant à Aix-Marseille Université
Publication : 17 nov. 2023
Depuis des décennies de nombreux plans antidrogues, annoncés par les gouvernements de droite comme de gauche, se sont succédés avec comme objectif affiché de perturber voire annihiler le trafic de stupéfiants prospérant dans les quartiers nord de Marseille. En novembre 2010, à la suite du vingt-sixième règlement de compte survenu depuis le début de l’année dans la cité phocéenne pour le contrôle du trafic de drogue, le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux s’y rend en urgence et annonce des mesures visant à donner une nouvelle impulsion à la lutte contre les trafics d’armes et de stupéfiants
. Une des décisions, à effet immédiat, est l’arrivée de deux unités de forces mobiles supplémentaires, afin de mieux surveiller et sécuriser les quartiers sensibles de la ville. Puis en novembre 2012, à l’initiative du nouveau gouvernement socialiste, les 3e, 13e, 14e, 15e et 16e arrondissements, regroupant une quarantaine de cités sensibles, servent de laboratoire au nouveau dispositif des zones de sécurité prioritaire (ZSP). L’État annonce vouloir reconquérir le territoire de ces quartiers par des actions s’inscrivant dans la durée à la différence de simples « opérations coup de poing ». Cinq phases successives sont prévues : répression, dissuasion, amélioration du cadre de vie, action sociale et enfin un « service après-vente » visant à maintenir la pression policière après le retrait des forces mobiles au bout de quelques semaines et à occuper durablement les lieux du trafic pour le perturber. En novembre 2013, le premier ministre socialiste Jean-Marc Ayrault vient donner du corps à son pacte pour Marseille, à plusieurs milliards d’euros, en revendiquant la même approche globale. Il s’agit en effet d’associer dans une même feuille de route, d’une part une exigence de sécurité et de lutte contre le trafic de drogue et d’autre part un effort substantiel de renforcement de la cohésion sociale, en agissant notamment sur un meilleur accès des populations ghettoïsées du nord de la ville à l’emploi, à la santé ou à la culture avec comme levier une amélioration des transports en commun. Son successeur à Matignon, Manuel Valls continue la même politique, lancée lorsqu’il était ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Ayrault. Il vient à Marseille à de multiples reprises, et notamment en février 2015 pour se féliciter d’une baisse de la délinquance de voie publique, mais le trafic de drogue continue à prospérer en lien avec la mondialisation des échanges.
Grand port sur la Méditerranée, la ville est en effet depuis longtemps une porte d’entrée et une plaque tournante du trafic de drogue en France et en Europe. La French Connection, trafic de drogue entre Marseille et les États-Unis qui culmine dans les années 1970, a largement alimenté la « mauvaise réputation » de la ville en la matière. De nos jours, cannabis venu du Maroc ou cocaïne en provenance de Colombie via la Guyane française, sont revendus dans les cités du nord de Marseille. Ces quartiers populaires et déshérités, où parfois près de la moitié des jeunes sont au chômage, vivent en partie de l’argent généré par cette économie souterraine. Les petites mains de ce trafic, adolescents et jeunes adultes, sont les principales victimes des règlements de compte, qui font en moyenne chaque année une vingtaine de morts depuis plusieurs décennies. D’aucuns, tels Philippe Pujol, journaliste au quotidien La Marseillaise et Prix Albert Londres 2014 pour une série d’articles sur la vie des quartiers nord de Marseille, ont mis en exergue l’inefficience des réponses strictement policières. Ce reportage illustre également la propension croissante des hommes politiques à mettre en scène la lutte contre le trafic de drogue à Marseille à des fins électorales, tout en abandonnant dans les faits les populations de ces quartiers populaires à leur enclavement et à leur misère. Une des manières de combattre plus durablement le trafic de drogue et la délinquance dans la cité phocéenne réside dans un long et minutieux travail d’enquête visant à faire tomber les têtes de réseaux, plutôt que dans la multiplication de descentes de police, si possible devant les caméras.
Bibliographie
Daphné Bibard, Célia Borrelli,Cesare Mattina, Laurent Mucchielli (directeur de la recherche) Khadidja Sahraou, Trafics et trafiquants de drogues à Marseille, Les Rapports de Recherche de l'ORDCS, n°1, 2013 (https ://ordcs.mmsh.univ-aix.fr/publications/Documents/Rapport_recherche_ORDCS_N1.pdf)
Brigitte Marin, Céline Regnard (dir.), Police ! Les Marseillais et les forces de l’ordre dans l’histoire, Marseille, Éditions Gaussen, 2019.
Laurent Mucchielli, Délinquance et criminalité à Marseille : fantasmes et réalités, Paris, Fondation Jean-Jaurès, 2013.
Michel Peraldi, Michel Samson, Marseille en résistances. Fin de règnes et luttes urbaines, Paris, La Découverte, 2020.
Philippe Pujol, French deconnection au cœur des trafics, Paris, Éditions Robert Laffont, Marseille, Wildproject, 2014.
Philippe Pujol, La Fabrique du monstre, Paris, Éditions des Arènes, 2016.
Transcription
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