Réaction après Mers-el-Kébir
Notice
L'analyse gaullienne de "l'affreuse canonnade d'Oran" tient en cinq points. L'homme du 18 Juin commence par replacer l'événement dans le contexte d'une guerre qui le dépasse ô combien : un drame est en cours "où chaque peuple joue sa vie". A deux reprises, il exprime la "douleur" et la "colère" qui sont les siennes comme elles doivent être celles des Françaises et des Français ; il invite les Britanniques à se garder de tout geste et de toute parole de victoire. En troisième lieu, de Gaulle invite les Français à considérer le drame d'Oran "du point de vue de la victoire et de la délivrance" ; compte tenu des termes de la convention d'armistice et de l'état de sujétion dans lequel se trouve le gouvernement français, il ne fait pas de doute à ses yeux que les navires de Gensoul auraient été employés par les Allemands contre les Britanniques voire contre l'Empire français ; mieux vaut par conséquent qu'ils aient été détruits. Mais, quatrième point, cet événement ne doit pas détourner Grande-Bretagne et France de la seule voie possible pour ces "deux vieux peuples", ces "deux grands peuples" : celle de l'alliance envers et contre tout. Et de Gaulle de conclure en affirmant au nom des "Français qui demeurent encore libres d'agir suivant l'honneur et l'intérêt de la France", c'est-à-dire des Français libres, que rien, pas même un drame tel que celui de Mers el-Kébir, ne les détournera de leur "dure résolution" de combattre.
Éclairage
Depuis la signature de l'armistice, le sort de la flotte de guerre française est au coeur des préoccupations britanniques. Qu'elle soit livrée aux Allemands et la Grande-Bretagne, menacée d'invasion, deviendrait plus vulnérable encore. L'article 8 de la convention dispose bien que la flotte française sera désarmée sous contrôle allemand. Mais il paraît hasardeux de faire confiance aux nazis. Le 3 juillet 1940, une escadre britannique commandée par le vice-amiral Sommerville se présente devant la rade de Mers el-Kébir, près d'Oran (Algérie), où mouille une puissante escadre française sous les ordres de l'amiral Gensoul. Celui-ci se voit offrir le choix entre cinq solutions : poursuivre la guerre au côté des Anglais, ou au moins rallier des ports britanniques ; appareiller pour les Etats-Unis ou les Antilles, loin du théâtre européen des opérations et de toute influence allemande ; saborder ses navires. Gensoul choisit la confrontation. Il demande l'intervention de groupes de chasse dont l'ordre d'engagement est donné avant même que les premières salves britanniques ne soient tirées. Mais la cause est rapidement entendue. Le 3 juillet, l'escadre française est complètement neutralisée. Le 6 juillet, le port est bombardé par les Britanniques. Au total, plus de 1.300 marins français sont tués et 2.000 blessés. La première réaction du général de Gaulle est extrêmement violente. Le Général songe même à quitter l'Angleterre pour le Canada. Mais il se ressaisit et, le 8 juillet, prononce un discours dans lequel la douleur et le sentiment de révolte s'effacent devant la lucidité et le froid réalisme.