L'Après-midi d'un Faune de Nijinski dansé par Noureev

Rudolf Noureev a dansé Afternoon of a Faun dans la chorégraphie moderne de Jerome Robbins avec le Royal Ballet en 1971, puis à l'Opéra de Paris, avant d'apprendre la version originale du ballet créé par Nijinski en 1912 au Théâtre du Châtelet. En 1978 il crée un Faune dans la chorégraphie de Van Schayk avec le Het National Ballet à New York, et ce n'est qu' en mars 1979 qu'il aborde pour la première fois la chorégraphie originale de Nijinski avec le Joffrey Ballet à New-York, dansant dans la même soirée Petrouchka, Le Spectre de la Rose et L'Après midi d'un Faune. Noureev reprend le rôle en juin avec le London Festival Ballet et Margot Fonteyn en Première Nymphe, puis le danse à diverses occasions notamment pour une curieuse « Fête de la Liberté » le 22 juin 1980 au Bourget, là où il choisit la liberté !

C'est avec le Ballet Théâtre Français de Nancy, que dirige alors Jean-Albert Cartier, que Rudolf Noureev entreprend une importante tournée qui l'amena du 14 au 31 janvier 1982 au Théâtre du Châtelet, sur la scène même où Nijinski fit scandale avec son Après-midi d'un Faune soixante-dix ans plus tôt. Comme à New York, Noureev danse tous les soirs Le Spectre de la Rose, L'Après Midi d'un Faune et Petrouchka. La troupe se produit ensuite en juin et juillet au Coliseum de Londres, puis en décembre dans plusieurs villes de la Côte d'Azur.

Le finale du ballet est filmé ici lors d'une répétition, avec Noureev un bonnet vert sur la tête au lieu des petites cornes du Faune ! Le danseur murmure quelques remarques à deux nymphes, avant de reprendre son interprétation très personnelle du Faune. Il se montre plus félin que sauvage, sa danse est souple, très liée, sans brusques ruptures, presque trop élégante. Mais il se montre réellement sensuel lorsqu'il s'allonge sur le voile de la Nymphe et jouit dans un râle explicite !

Dans une interview accordée en 1981 au critique Alexander Bland, (pseudonyme de ses grands amis londoniens Nigel et Maud Gosling) Noureev confie qu'il n'a pas aimé le ballet lorsqu'il le vit pour la première fois (dansé par Richard Cragun). « Je n'accrochais pas du tout : je décidais que je ne danserai jamais ça. C'était peut-être une mauvaise version ! Enfin j'appris le rôle en 1976 avec Charles Jude à l'Opéra de Paris où on s'apprêtait à le monter. Nous avons beaucoup ri lors des répétitions parce que Bronislava, la sœur de Nijinski, était venue d'Amérique pour y participer, puis Lifar nous en avait montré une autre version, puis Romola la veuve de Nijinski essaya avec Leonide Massine d'apporter des modifications. Je suppose qu'ils arrivèrent à un compromis ! » [1].

L''interprétation de Charles Jude lors de la création du ballet au Palais Garnier en mars 1976 est l'une des meilleures et des plus mémorables qui soit. Un film tourné à l'Opéra montre justement les répétitions du Faune avec Charles Jude qui suit les instructions de Romola Nijinski et Léonide Massine (qui dansa le rôle dans une version édulcorée) tous deux très dubitatifs en feuilletant avec attention le fameux album de photos de Nijinski dans le Faune, clichés pris en 1912 par le baron Adolphe de Meyer, très insuffisants pour reconstituer le ballet.

Toujours très consciencieux Noureev étudie aussi le rôle avec des artistes du Ballet Rambert qui connaissaient le Faune pour l'avoir appris avec des danseurs de Diaghilev, « Mais chacun d'eux avait sa propre conception. Si bien que je dus élaborer ma version personnelle en utilisant l'arrangement le plus logique et le plus conforme à la musique ».

[1] Citation extraite de L'Avant Scène Danse/Théâtre, oct/janv. 1982, consacré à L'Après mdi d'un Faune, p. 90.