Un projet d'éco-village au sud d'Esch-sur-Alzette

Ce reportage s’intéresse à un projet d’éco-village au cours de sa création dans la ville d’Esch-sur-Alzette. L’angle choisi par les journalistes est celui des matériaux de construction utilisés : conteneurs en acier obsolètes dont l’usage est détourné, argile récupérée sur le site même, fibres végétales produites localement pour l’isolation (miscanthus), ainsi que de nombreux objets de récupération avec des fenêtres et des portes pour les ouvertures mais aussi du verre, de la faïence ou encore du bois pour le mobilier et la décoration. 

Cette entrée par les matériaux de construction fait implicitement le lien avec l’histoire de la ville, Esch-sur-Alzette ayant hébergé de 1912 à 1995 des hauts-fourneaux produisant une part importante de l’acier luxembourgeois. Le site même des hauts-fourneaux est celui du quartier Belval, entièrement renouvelé et accueillant aujourd’hui des activités tertiaires (notamment bancaires), de divertissement et de shopping (la Rockhal et le Belval Plaza), de formation et de recherche (Université du Luxembourg) ainsi que des logements. Malgré l’opération urbaine d’envergure et la mise en valeur patrimoniale de deux hauts-fourneaux, le quartier Belval ne correspond pas à un « éco-quartier » - aménagement urbain dont le projet est de limiter l’impact du quartier et de ses usages sur l’environnement - et encore moins à un « éco-village », modèle d’urbanisme durable encore plus radical dont se réclame le projet BENU présenté dans ce reportage. 

Un « éco-village » est un mode de conception et d’organisation des lieux de vie et d’activité des hommes basé autour du concept de durabilité et de ses trois piliers, environnemental, économique et social afin de répondre aux enjeux écologiques planétaires. L’expression « éco-village » se répand lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992 notamment à partir des travaux menés par Gilman et Gilman pour Gaia Trust (https://gaia.org/global-ecovillage-network/ecovillage/). Selon Cyria Emeianoff (2015), la ville durable s’établit dans un processus de terrestrialisation, c’est-à-dire d’inscription d’une activité, quelle qu’elle soit, dans un environnement planétaire perçu dans son fonctionnement écologique. Situé à proximité de Belval et du centre d’Esch-sur-Alzette, BENU village a pour projet de devenir le plus grand éco-village de la Grande Région (http://benu.lu/fr/mission/). 

Le projet d’éco-village est ici assez ambitieux puisqu’il s’agit d’atteindre, selon son concepteur Georges Kieffer, l’objectif d’un quartier conçu dans une logique de zéro déchet ou du moins avec l’empreinte écologique la plus basse possible. Cela est rendu possible par le dimensionnement du projet qui reste néanmoins modeste avec ses 1 200 m2 de surface nette. L’originalité du projet tient aussi par un mode économique visant à terme un autofinancement basé sur l’économie circulaire, sociale et écologique en favorisant la récupération sous toutes ses formes (textiles, denrées alimentaires invendues…). 

Si ce projet se nourrit de l’action citoyenne et de l’appel au bénévolat ou à la collaboration artistique, il émane comme le rappelle Taylor Aiken et al. (2020) davantage d’une initiative individuelle, celle de Georges Kieffer, soutenu institutionnellement et financièrement par le Grand-Duché du Luxembourg. Cela le différencie par exemple de MESA, une autre initiative économique relativement similaire (écologique, sociale et locale) également présente à Esch-sur-Alzette, qui relève quant à elle du mouvement de la transition, avec une dimension associative plus marquée. Ces deux initiatives témoignent toutefois des changements économiques et écologiques en cours dans le territoire.

• Cyria Emelianoff, « La ville durable, une notion fossile ? », dans Rémi Barré, Thierry Lavoux, Vincent Piveteau (dir.), Un demi-siècle d’environnement entre science, politique et prospective, Versailles, Editions Quæ, Indisciplines, 2015, p. 137‑144.

• Global Ecovillage Network, « What is an ecovillage? », 2021, [en ligne], https://ecovillage.org/global-ecovillage- network/about-gen/, page consultée le 28 juillet 2021.
• Gerard Taylor Aiken, Christian Schulz, Benedikt Schmid, « The community economies of Esch-sur-Alzette: rereading the economy of Luxembourg », Voluntary Sector Review,
 vol 11, n°2, 2020, p. 211–229, [en ligne], https://www.ingentaconnect.com/content/tpp/vsr/2020/00000011/00000002/art00006 , page consultée le 28 juillet 2021.