Coopération hospitalière entre Longwy et Esch-sur-Alzette

Ce reportage du 19/20 de France 3 Lorraine rend compte d’une convention de coopération inter-hospitalière transfrontalière (France/Luxembourg) pour la prise en charge des patients atteints de cancers respiratoires. Si les accords cadre France/Luxembourg en termes de santé n’ont été finalisés qu’en 2016, les différents accords de coopération sanitaire transfrontalière dans le Pays des Trois Frontières ont été initiés l’année précédant la diffusion dudit reportage. Avec le soutien des programmes européens INTERREG et le financement du FEDER, les accords franco-belges ont été signés en septembre 2005 avec une entrée en vigueur en 2011 ; les accords franco-allemands en juillet 2005 avec une entrée en vigueur en 2007. Quant aux accords-cadres franco-luxembourgeois, ils seront signés en 2016 avec une entrée en vigueur en 2019. Ces accords portent aussi bien sur les interventions transfrontalières des personnels, leurs conditions de mobilité, la continuité des soins et la mesure de qualité des soins, la coopération en termes d’urgence sanitaire, et sur les mécanismes de prise en charge (Décret 2019-1319 du 9 décembre 2019).  

Ils ont été complétés en mars 2011, côté français, par la directive des droits des patients en matière de soins transfrontaliers. Cette directive ne concerne pas tant la reconnaissance du droit des patients à être pris en charge dans un autre pays que l’assurance du maintien de la couverture sociale pour les soins dispensés en dehors du cadre national (De la Rosa, 2012).

Il reste que des conventions inter-établissements ont précédé la mise en place des accords-cadres et c’est le cas de la convention entre l’hôpital Mont Saint Martin de Longwy et le centre de radiothérapie d’Esch-sur-Alzette (Scheffzek, 2016) objet du documentaire. Cette convention concerne la prise en charge des cancers respiratoires (trachée, bronches et poumon). Pour ces patients, la chimiothérapie peut être réalisée à Longwy mais la radiothérapie sera réalisée au centre de radiothérapie d’Esch-sur-Alzette, établissement le plus proche doté d’équipements de radiothérapie modernes. Ceci répond à un enjeu épidémiologique fort sur le territoire lorrain et particulièrement dans le bassin de Longwy. En effet, l’Observatoire Régional de Santé (ORS) dans son rapport de 2010, avance que la Lorraine est au second rang des régions métropolitaines les plus touchées par ces cancers. La partie Meurthe-et-mosellane présente une incidence supérieure au taux national avec pour le bassin de Longwy des taux d’admission en affection longue durée supérieurs, là encore, aux taux nationaux. Les facteurs mentionnés sont la prévalence forte du tabagisme sur ce territoire ainsi que son passé industriel.

On peut distinguer trois grands types de discours médiatiques sur la santé à la télévision : discours scientifiques et techniques (savoirs et progrès médicaux, découvertes et environnement techniques), discours publics et politiques (évolutions/décisions en termes de politiques sanitaires et d’organisation des soins) et discours social (débat et controverse sanitaire et point de vue des patients) (Romeyer, 2007). Bien que portant sur une convention de coopération, ce court reportage s’inscrit dans le premier type de production. La situation épidémiologique singulière du territoire n’est pas mentionnée. Et si le reportage s’ouvre sur le caractère fortement excentré du bassin de Longwy par rapport aux hôpitaux de Metz/Thionville et Nancy et se termine sur la prise en charge totale des soins par la sécurité sociale, il ne porte pas sur la complexité des enjeux politiques et financiers de la prise en charge transfrontalière. 

La caméra filme les services et les professionnels de santé affairés dans le couloir des établissements. La parole légitime est celle des deux praticiens exerçant de chaque côté de la frontière : interview de la pneumologue française (à 0'48'') puis de l’oncologue luxembourgeois (à 1'29''). Tous deux posent les enjeux en termes de qualité et d’efficacité de la prise en charge avec une réduction : des délais (8 jours versus 1 mois), des trajets pour accéder à des soins quotidiens sur une période allant de 4 à 7 semaines. La parole des patients n’est pas recueillie. Ces derniers restent hors champ. Leur parcours est matérialisé par celui de la caméra (images de couloirs à l’hôpital de Longwy, puis de la devanture de l’établissement luxembourgeois, suivi d’un gros plan sur une plaque qui mentionne le centre de radiothérapie, puis sur une affiche qui indique le service des admissions en radiologie). Sur le site luxembourgeois (à 1’22’’), la caméra s’attarde sur l’un des deux accélérateurs de particules du service. Après quoi la voix off est accompagnée d’une série d’images de radiothérapie assistée par ordinateur qui viennent illustrer la modernité des équipements du plateau technique. D’ailleurs, le seul patient visible, l’est à travers un jeu de mise en abyme : la caméra filme l’écran de contrôle dans lequel on aperçoit un patient qui s’installe pour son scanner accompagné des manipulateurs. C’est bien l’amélioration de l’accès aux soins via une coopération transfrontalière basée sur l’expertise des spécialistes et la qualité des équipements techniques (imagerie médicale et scanner) qui est au cœur du propos. 

En 2021, il est difficile d’évaluer l’impact de tels accords dans la gestion de la crise Covid-19 marquée à la fois par un retour des frontières (soins transfrontaliers non urgents déprogrammés, annulation des visites, etc.), une gestion de la pandémie dans le cadre unilatéral des États et par l’organisation de transferts de patients Covid depuis la Lorraine et l’Alsace vers la Belgique, l’Allemagne et le Luxembourg (Peyrony, 2020).

• « Accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière France-Luxembourg », Décret 2019-1319 du 9 décembre 2019.
• Observatoire Régional de la santé Grand Est,  La santé en Lorraine, L’état de santé des Lorrains : des progrès réels, mais des problèmes persistants, 2010, [en ligne], https://ors-ge.org/sites/default/files/documents/la%20sant%20en%20lorraine%202010%20-%20ltat%20de%20sant%20des%20lorrains%20-%20analyse%202.pdf, page consultée le 1^er septembre 2021.
• Jean Peyrony « La crise covid aux frontières », Contribution présentée au séminaire France Stratégie : Pour un après Covid-19 soutenable, mai 2020, 35 p. 
• Hélène Romeyer, « La santé à la télévision : émergence d’une question sociale », Questions de communication, n°11, 2007, p. 51-70.
• Stéphane de la Rosa, « Quels droits pour les patients en mobilité ? », Revue française des affaires sociales  n°1, La  Documentation française, 2012, p. 108-129.
• Valérie Scheffzek, « État des lieux de la coopération sanitaire transfrontalière en Grande Région », Revue générale du droit, 2016, [en ligne], https://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2017/04/27/etat-des-lieux-de-la-cooperation-sanitaire-transfrontaliere-en-grande-region/, page consultée le 1^er septembre 2021.