L'architecture de Villerupt

Comme la plupart des communes du pays du fer lorrain, Villerupt s’est développée au même rythme que celui des usines et des mines. Elle correspond parfaitement à l’appellation « ville-usine » caractérisant, selon les géographes les villes organisées autour et avec les usines. Par ville-usine il faut comprendre « une ville entièrement née de l’activité industrielle, construite et organisée en fonction de cette dernière et où l’essentiel du bâti est lié, directement ou indirectement, au système productif industriel. En cela, elle se distingue de la ville industrielle, qui existait déjà avant d'accueillir de nombreuses usines » (Géoconfluences, 2014). 

L’ensemble du bassin ferrifère va ainsi connaître, en un peu plus d’un siècle, des métamorphoses paysagères et sociologiques amenant d’anciens petits villages à devenir des entités urbaines de plus en plus denses accueillant des populations venues de partout en Europe, tout particulièrement d’Italie dans le cas de Villerupt. Durant les Trente Glorieuses, au plus fort de l’essor de la sidérurgie, les villes du fer, dans le Pays Haut mais aussi dans les vallées de l’Orne, de la Chiers et de la Fensch, vont-elles ainsi connaître une croissance démographique et urbaine exceptionnelle et hors normes. 

C’est l’usine de Micheville, créée en 1872 et qui comptera jusqu’à six hauts-fourneaux, qui est à l'origine du développement de Villerupt. De modeste village, le bourg va alors se muer progressivement en petite ville industrielle, passant de 561 habitants en 1861 à 6 636 habitants en 1911 ; puis 9 041 habitants en 1936 jusqu'à atteindre son maximum démographique de 16 300 habitants en 1966. En un siècle, la population de Villerupt fut ainsi multipliée par 16. En novembre 1968, le dernier haut-fourneau est éteint, l'usine de Villerupt ne cessant toute activité qu’en 1974.

Le reportage daté du 28 janvier 1985, propose une visite commentée par Armand Cardellini, ancien ouvrier passionné par l’histoire de sa ville qui témoigne du riche patrimoine, des singularités architecturales et de la diversifié du bâti hérité des activités sidérurgiques et du passé glorieux de Villerupt. 

Traces caractéristiques des villes-usines, constituées de grands alignements de maisons identiques (à l’instar des corons du bassin houiller) les cités minières du Pays Haut furent construites rapidement pour héberger les travailleurs (mineurs ou sidérurgistes) ainsi que leurs familles. Les ingénieurs et les cadres de direction occupaient quant à eux non pas ces cités mais des maisons bourgeoises (voire des châteaux). Le reportage y fait également référence. 

La plupart de ces cités sont aujourd’hui réhabilitées, rénovées afin de répondre aux besoins des travailleurs frontaliers aillant choisi de résider le long de la frontière luxembourgeoise qu’ils traversent quotidiennement. La vie dans ces cités n’a cependant aujourd’hui plus rien à voir avec celle du temps de l’usine. Ces logements étaient alors occupés par des familles souvent nombreuses, la vie sociale était très animée. Sur le plan de l’animation socio-économico-culturelle en revanche, jusqu’à une époque récente, l’essentiel se déroulait sur le versant luxembourgeois.     

L’héritage bâti dont on voit quelques exemples dans le reportage témoigne du poids des barons de l’acier dans la vie de la cité. Ces villes-usines disposaient alors de salles d’apparat, de salles à vocation culturelle, de cinémas, de piscines qui connaîtront avec le temps des fortunes diverses. 

L’ancienne piscine de Villerupt (Micheville), justement, a été immortalisée par Baru dans un livre éponyme (La piscine de Micheville). Éditée pour la première fois en 1985 (date du reportage), cette bande dessinée est constituée de nouvelles situées à Villerupt qui racontent des histoires de potes, de bastons, de vacances obligatoires en colonies, de drague dans un contexte social plombé par la fermeture de l’usine et la destruction massive d’emplois.

Villerupt est également connue au plan international pour le festival du Film Italien qui rassemble depuis 1976, tous les ans à l’automne, dans les grands salons de l’hôtel de ville et dans plusieurs salles communales, de nombreux spectacteurs, érudits ou profanes, autour d’une programmation de films toujours plus riche agrémentée de rencontres avec des réalisateurs et des acteurs italiens. 

En écho à la transformation des friches de Esch-Belval au Grand-Duché de Luxembourg, engagée en avril 2004, le site de Micheville, verra s’ouvrir sur le versant français de la frontière, à partir de janvier 2022, L’Arche.  Bâtiment singulier, cette structure culturelle regroupe en son sein deux salles de spectacle, des studios, un médialab et un bar-restaurant. Véritable cathédrale de verre et de béton, l’ancien bâtiment de l’usine totalement réhabilité se veut le symbole d’un renouveau architectural et culturel et à ce titre ne manquera pas d’accueillir le Festival du Film Italien.

• Géoconfluences, 2014, [en ligne], http://geoconfluences.ens-lyon.fr/geoconfluences/glossaire?subject=Le%20paysage%20dans%20tous%20ses%20%C3%A9tats&searchTerm=ville, page consultée le 8 novembre 2021.