L'importance du communisme dans le Pays Haut

Le Pays Haut, partie située à l’extrême nord de la Meurthe-et-Moselle, comprend, dès les années 1950, un nombre important d’élus communistes, toutes élections locales confondues. Le reste de la Lorraine vote au contraire, plutôt à droite donnant corps à l’appellation « patriotisme de frontière » proposée par le sociologue Serge Bonnet et qui s’explique par une recherche d’ordre et de sécurité. Le reportage rapporte les résultats satisfaisants du PCF aux élections cantonales de 2004, particulièrement autour de Villerupt, ville minière. Le Pays Haut concentre en effet des mines de fer et des usines sidérurgiques, dont les ouvriers constituèrent longtemps un important vivier de militants communistes et cégétistes. L’essentiel des militants du PCF y prend racine dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. D’origine polonaise ou italienne et dans ce cas le plus souvent contestataires à l’égard du pouvoir autoritaire transalpin, le parti offre à ces travailleurs, lors de leur arrivée en France, une sociabilisation autour du difficile travail dans les mines de fer. 

La population est prise en charge par les communistes, travail mené en commun entre élus municipaux et militants de terrain. Les différentes déclarations présentées dans le reportage émanent de militants et de conseillers généraux, chacun montrant leurs appuis les uns envers les autres. Laurent Righi, Philippe Marx et Alain Casoni constituent trois figures marquantes du communisme dans le Pays Haut, engagés qu’ils sont, depuis les années 1970 dans cette micro-région. Plus encore que le parti, ce sont en effet les hommes eux-mêmes qui sont mis en avant auprès des électeurs. Au second tour des élections cantonales de 2004, Alain Casoni a remporté 3 929 voix (soit 68,4 % des suffrages exprimés) face au candidat UDF François Boudot n’ayant reccueilli que 1 815 voix (31,6 %) dans le canton de Villerupt. Laurent Righi est quant à lui élu au premier tour dans le canton d’Herserange avec 55,29 % des suffrages exprimés (3 215 sur 5 815 votes). Les figures communistes sont connues et reconnues par la population. Les alliances avec le PS se font au cas par cas, en fonction des affinités personnelles et des résultats obtenus. Pour le canton de Villerupt, l’accord a été refusé avec les socialistes et leur candidat Francis Herbays. Alors que le parti faiblit au niveau national et perd plusieurs bastions, les résultats électoraux dans le Pays Haut ne s’atténuent pas.

Paradoxalement, l’arrêt des hauts-fourneaux et les fermetures de mines de fer donnent lieu à une implantation affirmée du communisme dans le Pays Haut. Les fermetures d’usines se multiplient à partir des années 1970 en raison d’un manque de compétitivité de l’industrie française face à de nouveaux acteurs comme le Brésil, l’Afrique du Sud ou la Chine. Les maires et conseillers généraux communistes s’installent durablement dans le département. On parle de « communisme municipal » : ils intentent des actions sur les domaines culturels et sociaux – par des bibliothèques, des centres culturels, des maisons de retraite... ou des salles de sport, comme le montre le reportage. En outre, ces élus appuient sur des leviers économiques pour aider les classes sociales les plus pauvres par solidarité (retraités, chômeurs ou précaires notamment). Face aux mutations des classes populaires, les communistes trouvent également de nouveaux électeurs plus proches de la classe moyenne : ce sont des enfants d’ouvriers, transfuges d’autres classes sociales pour certains.

Mais, depuis la participation des communistes aux gouvernements Mauroy, entre 1981 et 1984, les divisions internes se sont multipliées, jusqu’à la création de courants contestataires à la fin des années 1980, entre « réformateurs », « rénovateurs » et « reconstructeurs ». Les militants de Meurthe-et-Moselle, particulièrement ceux du Pays Haut, ont pris une place conséquente dans ces contestations. L’arrivée de Robert Hue au niveau national en 1994 aura néanmoins contribué à unifier à nouveau les communistes. Le vote conséquent des militants du Pays Haut à son encontre en 2002 (près de 25 % des suffrages) témoignent d’un intérêt certain pour cette personnalité politique. 

Alain Casoni est resté conseiller départemental jusqu’en 2021, à son départ en retraite. De même, Laurent Righi est maire de Hussigny-Goberange depuis 1989 ; aujourd’hui encore, le canton de Villerupt vote massivement en faveur du PCF. Au contraire, Philippe Marx a appelé à voter pour Jean-Luc Mélenchon en 2012. Le reportage illustre ainsi l’influence marquée du PCF dans le paysage politique du canton de Villerupt, qui existe depuis les années 1950 et se poursuit aujourd’hui.