Ecoutez Hagetmau parler
Notice
FR 3 radio Aquitaine installe pendant 8 jours une antenne radio à Hagetmau, dans la Chalosse. Ce reportage revient sur l'événement et s'attarde sur différents plans de la vie quotidienne des habitants: l'éducation, le travail, le loyer, l'information...
Éclairage
Hagetmau, 1980 : c'est la fin des « années Giscard », la France sort d'une décennie prospère malgré le choc pétrolier de 1973 qui annonce une période de récession dont personne ne prend encore la mesure. Si ce n'est le plein emploi, le taux de chômage n'est encore que de 5,4% et le niveau de vie des Français explique le développement d'une société de loisirs symbolisée par l'essor du tourisme de masse.
Malgré tout, quelques nuages sombres s'amoncellent à l'horizon, suscitant l'inquiétude dans le monde des affaires. Au 1er juillet, si le SMIC a augmenté de 2,49 %, l'inflation est à son paroxysme : les loyers et le pain augmentent de façon exponentielle, la carte orange, dans les transports parisiens, fait un bond de 21 %... Pire : le 23 octobre – le lendemain du début de l'opération « Écoutez Hagetmau parler » – le tribunal de commerce de Saint-Etienne annonce la mise en liquidation de Manufrance, enseigne mythique du made in France (1).
Dans ce gros bourg de Chalosse à l'écart des grands axes routiers les nouvelles de ce monde en mutation parviennent, comme partout, à travers les « étranges lucarnes » (2) et le « transistor » alimenté par une profusion de radios locales (3). Mais les préoccupations des Landais de ce secteur profondément rural sont parfois décalées par rapport aux priorités de Bruxelles ou de Paris.
Pays de « cocagne », certes, mais derrière la « carte postale », pointent des inquiétudes. Et ici, c'est la chaise qui monopolise, depuis des décennies, la main-d'œuvre locale, succédant à l'activité des sabotiers. Car Hagetmau (Ffagetmau en 1291), c'est, avant tout, une « épaisse » frênaie (haget en gascon) comme l'indique l'adjectif maur, « noir », d'où « profond, obscur, épais ». Une grande partie de l'économie locale repose donc sur l'industrie du meuble. Or ce sujet, primordial pour les Hagetmautiens, semble à peine abordé dans une émission que d'aucuns jugent un peu « racoleuse ».
Cette séquence de proximité est donc perçue, par ceux qui prennent du recul, comme une émission de Parisiens « à la campagne », en quête d'exotisme, dont le jugement est altéré par le prisme déformant d'une vision urbaine de la réalité.
S'il est vrai que la Chalosse, en ce début des années 1980, est encore très ancrée dans ses traditions, les enfants et les jeunes adultes qui sont sollicités ici, savent confusément qu'ils devront s'adapter, même s'ils ont « peur ». Et, de fait, ils appartiennent à une génération qui va connaître l'un des plus grands bouleversements de l'histoire contemporaine avec l'exode rural et l'adaptation à de nouveaux modes de vie, engendrés par l'évolution fulgurante des progrès techniques, l'évolution du monde du travail et la révolution de l'informatique.
(1) Créée en 1885, Manufrance est le nom commercial de la Manufacture Française d'Armes et Cycles de Saint-Étienne, une société française de vente par correspondance située dans la ville industrielle de Saint-Étienne (Rhône).
Voir aussi : https://www.google.fr/#q=manufrance
(2) 90 % des ménages possèdent alors la télévision.
(3) En 1963, l'ORTF s'installe à la maison de Radio France, quai Kennedy, à Paris ; France Inter, France Musique et France Culture sont créées dans cette mouvance. Onze ans plus tard, l'ORTF est démantelé et le secteur radio échoit à l'entreprise publique Radio France.
En réaction à ce monopole émergent alors des radios « pirates ». Pour juguler ce phénomène, Radio France lance en 1980 cinq nouvelles stations dont trois régionales (Fréquence Nord, Radio France Mayenne et Radio France Melun) préfigurant le réseau France Bleu, créé dans un contexte plus général de décentralisation (lois 1981-1983).
Voir aussi http://fr.wikipedia.org/wiki/France_Bleu