Interview de jeunes mineurs de retour d'un séjour de ski

A l'orée des années soixante, le contexte économique des Trente Glorieuses se traduit dans le domaine des loisirs et des vacances collectives par une seconde vague de démocratisation. Passée celle de l'entre-deux-guerres avec le développement des mouvements d'éducation populaire et l'action du Front Populaire et de Léo Lagrange (1), les Comités d'entreprise créés en 1946 vont prendre l'organisation de ces activités et investir dans des centres de vacances pour les familles ou la jeunesse.

C'est dans ce contexte que les colonies de vacances, nées dès la fin du XIXe siècle (2) et qui accueillent les enfants et les adolescents, perdent progressivement leurs finalités hygiénistes pour privilégier une dimension éducative, qui se traduit par la diversification des activités proposées. Les pratiques sportives pénètrent ainsi lentement ces espaces collectifs de sociabilité juvénile. L'essor des sports d'hiver est également perceptible à cette période, sous l'action d'organismes comme l'Union Nationale des Centres de Montagne (UNCM) qui sera fusionné dans l'UCPA (Union nationale des Centres sportifs de Plein Air) en 1965. Les régions de montagne se dotent alors de stations de ski aux équipements adaptés, qui dans un premier temps ne modifient guère les paysages naturels. Organisées par les Houillères du Bassin du Nord-Pas-de-Calais, les vacances de neige et la pratique de ce que l'on pourrait appeler un "ski social" constituent pour les jeunes gens et jeunes filles une nouvelle forme de loisir, qui s'inscrit toutefois dans des formes d'encadrement et de prise en charge traditionnels : participation modique demandée aux familles, prêt du matériel spécifique, leçons de ski encadrées par des moniteurs spécialisés. Si la dimension hygiénique n'est pas oubliée, ces vacances de neige sont aussi l'occasion pour celles et ceux qui en bénéficient de s'adonner aux sports de glisse, qui viennent concurrencer les pratiques sportives traditionnelles (athlétisme, gymnastique, natation et sports collectifs...). L'obtention des "étoiles" souligne la part accordée à l'émulation et au modèle compétitif, par ailleurs privilégié par les instances sportives nationales, depuis la nomination en 1958 de Maurice Herzog au poste de Haut-commissaire à la Jeunesse et aux Sports.

(1) Léo Lagrange membre de la SFIO , est sous-secrétaire d'État aux sports et à l'organisation des loisirs sous le Front Populaire. Il sera tué au combat en juin 1940. Dans la continuité de son action, les clubs Léo Lagrange ont été fondés en 1950 par Pierre Mauroy alors secrétaire des Jeunesses socialistes.

(2) C'est un pasteur Suisse qui invente en 1876 les "colonies de vacances" organisant le premier séjour d'enfants d'ouvriers zurichois à la montagne. En France, les institutions religieuses et mouvements laïcs s'en emparent en envoyant les enfants des villes au grand air : à la montagne ou à la mer.