Paysages du pays minier à Marles-les-Mines
Notice
Cet extrait du "Magazine du mineur" est issu d'une série d'émissions diffusées en 1970-1971, consacrées à la mise en valeur des atouts économiques, culturels et touristiques des communes minières, et à préparer ainsi les populations au choc de la fin de l'exploitation minière. Ici, autour de la fosse du "2 bis-2 ter d'Auchel", se sont développés sur les communes d'Auchel, de Marles-les-Mines et de Calonnes-Ricouart, des équipements miniers et des habitats, corons et cités minières. Avec l'arrêt de la production la nature va reprendre ses droits et l'on va découvrir la richesse des paysages et du patrimoine.
Éclairage
Cet extrait offre un contraste saisissant entre une première partie présentant de façon très négative le paysage minier et ses principales composantes et une seconde partie, nostalgique d'un paysage préindustriel perdu. Le déclin et la fermeture prochaine de l'exploitation y sont d'ailleurs montrés plus comme un espoir de renaissance du territoire que comme un traumatisme.
En introduction sont présentés les hôtels de ville d'Auchel, de Calonne-Ricouart et de Marles-les-Mines ; les deux derniers sont construits dans un style régionaliste très en vogue durant l'entre-deux-guerres (l'hôtel de ville de Marles-les-Mines a par exemple été construit en 1933).
La première partie commence sur des vues de cités de type pavillonnaire (celles de Quenehem, aujourd'hui détruites), sur fond de chevalements liées à la fosse 2 bis -2 ter du groupe d'Auchel ouverte par la Compagnie des mines de Marles en 1910 aux confins des communes de Marles-les-Mines et de Calonne-Ricouart. À la date du reportage, ces puits sont les derniers en activité dans cette partie Ouest du bassin. La musique, dramatique et le commentaire, soulignent les aspects négatifs du paysage minier, comme la "monotonie grave" des cités, alors que sont justement présentées ici des cités de type pavillonnaire soignées, assez grandes et bien espacées, entourées d'appendices et de grands jardins qui, seuls, trouvent grâce aux yeux du commentateur.
Les prises de vue suivantes sont centrées sur les chevalements du 2 bis-2 ter entourés de bâtiments et de multiples bandes transporteuses. Les vues rapprochées de ce paysage minier ne le mettent pas en valeur et insistent sur son caractère étranger au milieu d'accueil. Le paysage minier est vu ici, comme souvent à l'époque du reportage, comme un non-paysage, surimposé au paysage préindustriel, présenté dans la seconde partie et qui est le seul paysage "réel" de la région. Le caractère éphémère du paysage minier (130 ans, certes, mais qu'est-ce par rapport aux millénaires de ruralité qui l'ont précédé ?) est souligné dans le commentaire par l'évocation claire ("avant qu'ils ne soient mis à bas") de la destruction prochaine des chevalements. Ces derniers ne sont donc absolument pas, à cette époque, considérés comme un patrimoine à préserver après la fermeture de la mine.
La seconde partie du reportage, sur un fond de musique apaisante et douce, débute sur une vue large qui s'oppose aux vues rapprochées de la première partie. Elle replace le paysage minier et la ville-mine de Marles dans son contexte rural et effectue donc la transition visuelle et auditive avec les propos suivants. Ceux-ci sont centrés sur les éléments préindustriels (l'église) ou "naturels", autour de la Clarence, petit cours d'eau traversant les communes de Marles-les-Mines et de Calonne-Ricouart ou encore avec le bois de Saint-Pierre, rare parcelle forestière préservée entre terrils, chevalements et cités, au nord-ouest de la commune d'Auchel. Ce paysage préindustriel est d'abord qualifié de paysage fantôme en raison de la prégnance et de la puissance du paysage minier, puis de "paysage réel du Pays d'Artois", comme si le paysage industrialo-minier n'était qu'une courte parenthèse destinée à disparaître et à laisser la place à un nouveau paysage mêlant héritages préindustriels et aménagements modernes liées aux loisirs (le parc de loisirs du bois de Saint-Pierre).
La dernière vue, sur les étangs de Quenehem, survalorisés par le discours mais écrasés par les terrils et les chevalements, illustre la contradiction entre une réalité paysagère largement marquée par la mine et un commentaire qui nie jusqu'à l'identité minière du secteur.
L'exploitation a cessé en 1974 et les deux chevalements ont été abattus, une usine Faurecia s'est installée sur la friche. Néanmoins, la commune de Marles-les-Mines a racheté une partie du carreau de la fosse 2 creusée en 1854. En 1866, ses infrastructures avaient été englouties dans un trou suite à un éboulement, Zola s'en était inspiré pour la destruction du Voreux dans Germinal. Le chevalement a été conservé ainsi qu'un bâtiment qui abrite un petit musée.