Meeting à Lens lors de la grève des mineurs

29 mars 1963
01m 11s
Réf. 00111

Notice

Résumé :

Après un mois de grève, l'intersyndicale des mineurs a réuni près de 70 000 manifestants à Lens, délégués syndicaux et parlementaires en tête. Des délégations d'autres bassins miniers, d'ouvriers et d'étudiants, étaient présentes. Philippe (Émile) Menu, délégué syndical Force Ouvrière, a dénoncé le gouvernement. Léon Delfosse pour la CGT a indiqué qu'il était prêt à aller avec les autres syndicats à une table ronde. Joseph Sauty pour la CFTC a abondé dans le même sens.

Date de diffusion :
29 mars 1963
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )

Éclairage

La grève des mineurs de France dure depuis près d'un mois lorsqu'à lieu la manifestation du 29 mars 1963 à Lens, accompagnée d'un meeting place du Cantin. La mobilisation, commencée le 1er mars, donne quelques signes d'essoufflement. La période est périlleuse, particulièrement pour des raisons d'ordre pécuniaire. Les mineurs sont en effet payés les 11-12 et 25-26 de chaque mois. Or, si la dernière paye a permis de tenir la première quinzaine de mars, il n'en va plus de même ensuite, malgré l'ampleur des secours. Il est donc indispensable, dans le cadre du rapport de forces entre le pouvoir et les syndicats, de démontrer une nouvelle fois que le monde de la mine n'est pas prêt à déserter la lutte.

Le meeting et la manifestation s'inscrivent dans la panoplie coutumière de la pratique gréviste, d'autant plus si un mouvement dure et rassemble un grand nombre de travailleurs. Il s'agit pour les syndicats de faire voir la détermination des salariés en mouvement, de maintenir ou de renforcer leur cohésion, de médiatiser leur cause et de mettre en avant la solidarité de la population. La grève de 1963 n'échappe pas au rituel : une série de défilés la ponctuent dans tous les bassins.

L'initiative organisée à Lens le 29 mars constitue un moment fort de ces démonstrations. Achille Blondeau, alors secrétaire de la Fédération du Sous-Sol CGT, en parle comme de “la plus puissante des manifestations” et évoque “le flot humain venu de tous les coins du Bassin, déferlant dans les rues de Lens, musiques et drapeaux rouges en tête, avec des centaines de banderoles et de pancartes réclamant les 11 %”, revendication centrale de la grève (1). Le reportage diffusé le jour même rend bien l'impression du nombre, le commentaire parlant d'un ”immense cortège” et d'une “marée humaine” : entre 70 000 et 80 000 personnes se dirigent vers la place du Cantin, lieu des prises de parole.

Les images font également ressortir la cohésion entourant les mineurs : les élus ceints de leurs écharpes sont de toute évidence présents en nombre, suivis d'ouvriers et d'étudiants venus exprimer leur solidarité, offrant l'image d'un pays et d'une région unis autour de leurs “gueules noires”.

Le caractère unitaire de la mobilisation est mis en évidence et les syndicats ont dépêché des orateurs de premier plan. Pour la CGT, c'est Léon Delfosse, secrétaire général de la Fédération du Sous-Sol, qui s'exprime. A ses côtés, Joseph Sauty, président de la Fédération CFTC des mineurs depuis l'année précédente, ainsi que le délégué mineur FO Philippe Menu. Si les deux premiers sont des dirigeants d'envergure nationale, tous trois sont de la région : Delfosse est né à Libercourt, Sauty à Amettes, Menu a pour sa part successivement représenté les mineurs d'Harnes et de Courrières.

Les orateurs, qui tout en soulignant la volonté des mineurs de lutter jusqu'à l'obtention de leurs revendications sont demandeurs d'une reprise des négociations, interpellent les responsables politiques. Une réplique est apportée au ministre de l'Information, Alain Peyreffite, qui vient de s'employer à déconsidérer les griefs salariaux des mineurs. C'est pourquoi, nous dit Blondeau, “Léon Delfosse, s'en prenant avec force à Peyrefitte, appelle les mineurs à faire une opération fiche de paie : “Envoyez-là à vos élus, maires, députés, envoyez-là à vos amis pour qu'ils puissent juger sur pièces combien vous gagnez réellement” (2). Mais c'est surtout l'appel à des discussions lancé par Delfosse et approuvé par Sauty que souligne le reportage. Deux jours plus tard, le 31 mars, la Fédération CGT du Sous-Sol, fer de lance du conflit, publie un communiqué réclamant “une réunion immédiate avec la direction des Houillères” qui se tient les 2-3 avril, pour aboutir à un protocole d'accord donnant partiellement satisfaction aux mineurs et conduisant à la fin de la grève.

(1) A. Blondeau, 1963. Quand toute la mine se lève, Paris, Messidor, 1991, p. 107.

(2) Ibid., p. 105.

Stéphane Sirot

Transcription

(Musique)
Guy Salignon
A Lens, quand la fin de l’immense cortège est arrivée sur la Place du Cantin, on s’est demandé où allaient pouvoir se mettre les derniers manifestants. Ils étaient beaucoup plus nombreux que lors du dernier meeting dans la capitale du Pays Noir. De cette marée humaine surgissaient drapeaux et banderoles et le soleil s’était mis de la partie.
(Musique)
Guy Salignon
A côté des parlementaires, des élus, des fonctionnaires, on remarquait diverses délégations d’ouvriers et d’étudiants. Les pancartes réclamaient l’unité, les 11 % et aussi la fin du malentendu.
(Musique)
Guy Salignon
Sur le podium où ont pris place les personnalités, 3 orateurs allaient défendre le mouvement des mineurs. Monsieur Philipe Menu, au nom du syndicat FO, s’est montré le plus violent vis-à-vis du gouvernement sans annoncer d’autres dispositions pourtant que la grève jusqu’au bout. Monsieur Delfosse, au nom de la CGT a précisé qu’il était prêt à aller avec les autres organisations syndicales à une table ronde, mais il n’abandonnera pas les 11 % réclamés. Monsieur Sauty enfin, pour la CFTC, a abondé dans le même sens. Et ce soir, l’unité des mineurs reste la même dans le calme.