La crise du charbon
Notice
La fermeture du dernier puits de mine dans le Nord-Pas-de-Calais est prévue pour 1983. Ce déclin va-t-il entraîner la disparition pure et simple des Houillères ou sa conversion? Ce reportage tente de répondre à la question sur des images de manifestations, d'exploitations minières et de raffineries de pétrole.
Éclairage
Le déclin charbonnier est largement expliqué et illustré à travers l'interview de mineurs et du directeur général des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais (HBNPC), Max Hecquet. Il est également fait référence au livre récent de Michel Toromanoff, un ancien de Charbonnages de France, intitulé Le drame des Houillères (Le Seuil, 1971). Le reportage se poursuit sur un fond d'images représentant une exploitation minière assez traditionnelle et peu modernisée : le chevalement est ancien et beaucoup de tâches se font encore à la main. Les machines d'exploitation les plus modernes, comme le soutènement marchand, les rabots électriques, ou les divers équipements électriques et de radio, pourtant tous en fonction à l'époque, ne sont pas représentés. Il s'agit sans doute de transmettre l'image d'une industrie archaïque alors que l'actualité économique est marquée par le développement de l'aéronautique (Concorde fait son premier vol en 1969) et de l'informatique. Par ailleurs, on suit le mineur de la salle des pendus à sa descente au fond.
Pour expliquer le déclin charbonnier, trois raisons sont évoquées : l'épuisement du gisement, le coût de revient et la concurrence d'autres sources d'énergie. Les limites géologiques du gisement du Nord-Pas-de-Calais sont atteintes depuis plusieurs années déjà dans l'ouest du bassin minier, où les premières fermetures de puits se multiplient. Toutefois, les limites physiques peuvent toujours être contournées par une exploitation volontariste. Le problème principal est bien celui du coût de revient. Or le gisement régional est difficile à exploiter car les veines sont étroites, plus qu'en Lorraine par exemple où les machines les plus encombrantes et les plus efficaces (rabots électriques, haveuses) peuvent être déployées plus facilement. Le rendement du Nord-Pas-de-Calais reste ainsi inférieur à 2 tonnes par poste et par jour, alors qu'il atteint plus du double en Lorraine dès 1970. Cela explique le déclin rapide de la production du Nord-Pas-de-Calais mentionné dans l'extrait. Le maximum de production de l'après-guerre est atteint en 1952 avec 29 millions de tonnes. Le déclin a donc commencé avant les grands plans étatiques de 1960 (plan Jeanneney) et de 1968 (plan Bettencourt). La production tombe à 9 millions en 1974. Un dernier élément d'explication est le poids des charges salariales, mentionné par Max Hecquet. L'extraction houillère est en effet une industrie de main d'œuvre. Au salaire de base, relativement élevé vu la faible qualification, s'ajoutent des avantages sociaux en termes de logement, de couverture santé, de retraite et de pensions de reconversion, liés à la dangerosité du métier. Finalement, le prix de revient du charbon du Nord-Pas-de-Calais face à ses concurrents français et étrangers condamne son exploitation. Il devient plus rentable de financer la reconversion que de subventionner l'extraction. La reconversion est d'autant plus urgente que la fin de l'exploitation est envisagée à l'époque en 1983, soit une dizaine d'années après l'émission, alors qu'elle a finalement eu lieu en 1990 du fait de la relance charbonnière de 1981-1983.
Le dernier facteur du déclin charbonnier est bien la concurrence d'autres sources d'énergie comme le pétrole. Les années soixante sont celles d'une explosion de la consommation de cette énergie à l'heure de l'équipement massif des Français en automobile et en divers produits plastiques dérivés du pétrole. L'émission mentionne toutefois que des débats existent car "sans nouvelle découverte, dans trente ans, le pétrole aura cessé de jaillir". Il est probable que les journalistes soient inspirés par le rapport sur "les limites de la croissance" commandé par le Club de Rome en 1970 et publié justement en 1972, l'année de l'émission. Il préconise de limiter l'expansion économique, en particulier pour tenir compte d'une extinction probable et prochaine de certaines matières premières. La phobie de la fin du pétrole commence alors à se répandre même si l'émission s'attarde longuement sur des images de dépôts de pétrole.
Ce passage destiné à expliquer l'origine du déclin charbonnier sert d'introduction à une autre partie de l'émission, centrée sur la politique de formation des anciens mineurs. La politique de reconversion et ses enjeux n'est qu'effleurée dans cet extrait. Toutefois, elle est évoquée en filigrane à travers les manifestations initiales et ses slogans comme "des crédits pour l'école et pas pour les monopoles" et l'exigence de débouchés sur place. La première expression fait référence au problème du déficit de formation de la population régionale, et à la complaisance supposée du gouvernement envers des grandes entreprises dominant un marché. Il faut d'ailleurs noter que nombre d'entre elles sont publiques comme les Charbonnages de France, qui a le monopole de l'exploitation charbonnière. La seconde exigence témoigne de l'attachement de la population du bassin minier à sa région. Dès lors, l'État choisit dès les années soixante de mener une politique de ré-industrialisation sur place, en tentant de développer des emplois dans d'autres secteurs industriels dans le Bassin minier, ou à sa lisière (automobile, chimie).