Souvenirs d'un pêcheur mineur silicosé
Notice
Un ancien mineur, silicosé, explique comment les activités de plein air dans les marais de Wingles, en particulier la pêche, lui ont sauvé la vie.
Éclairage
Le témoignage de cet ancien mineur qui a travaillé 37 ans à la mine, victime de la "maladie du charbon", la silicose, et maintenu en vie par sa passion pour la pêche montre à quel point la mine marque des générations de mineurs. Respirant plus de huit heures par jour et pendant des années la poussière du charbon, de nombreux mineurs sont victime de la silicose qui progressivement les empêche de respirer. A un moment, même parler devient impossible. La poussière pénètre dans le poumon, obture les vaisseaux et durcissent les parois condamnant progressivement à l'étouffement. Reconnue maladie professionnelle invalidante en août 1945, cette maladie est incurable et elle ne se déclare qu'après plusieurs années d'exposition au charbon. Une personne silicosée à 80% ne peut fournir aucun effort physique et elle risque d'être emportée par le moindre coup de froid. Ce retraité, comme ceux qu'il côtoie, ne doit sa survie qu'à ses activités en plein air. Il évoque le braconnage et surtout la pêche, qui sont des activités physiques de plein air plus bénéfiques que le jardinage, auquel il ne fait pas allusion, le jardinage étant une activité trop physique pour ce pensionné. "C'est fini les travaux de jardin" dit-il.
Dans la catégorie des loisirs "ordinaires" des mineurs, la pêche occupe une place toute particulière, la transformation des paysages par l'activité minière ayant donné naissance à de nombreux marais, étangs, marécages et étendues d'eau artificielles. Ainsi des affaissements miniers se sont remplis d'eau dès la fin du XIXe siècle entre Wingles, Douvrin et Billy Berclau. Particulièrement en vogue dans le nord de la France, la pêche est autant un moment de délassement pour le mineur, dans un cadre naturel, au jour et au grand air, qu'un moyen de diversifier son alimentation.
Ce survivant de générations de silicosés ne dit rien des difficultés à surmonter pour faire reconnaître la maladie, ni de son quotidien que cette maladie peut rendre pénible, ni des souffrances de la fin de vie des silicosés. La seule allusion à sa famille concerne son fils qui lui supprime sa canne à pêche pour éviter qu'il n'attrape froid. Malgré le drame de la silicose, ce pensionné témoigne d'un réel optimisme se considérant comme l'un des rares survivants des générations sacrifiées à la mine, et en particuliers de celles qui sont contemporaines de la bataille du charbon et de la généralisation du marteau-piqueur qui augmente les particules de charbon en suspension. Cette maladie fait encore 900 morts par an en France en 1998, bien après les fermetures des puits de mine.