Enfants de mineurs anglais en grève accueillis dans des familles du Pas de Calais

10 août 1984
02m 40s
Réf. 01021

Notice

Résumé :

200 enfants britanniques de mineurs anglais en grève depuis 6 mois ont été recueillis dans les familles du Nord Pas-de-Calais. A Liévin, Robert vit chez chez Jacqueline Derancy, veuve de mineur qui se souvient qu'un mouvement de solidarité similaire avait eu lieu pendant la grève des mineurs français en 1948. Un autre jeune garçon, Dany, est accueilli dans une famille de Lens. Il est interviewé (en anglais) par Isabelle Moeglin sur la situation de ses parents.

Date de diffusion :
10 août 1984
Source :
A2 (Collection: Midi 2 )
Personnalité(s) :

Éclairage

La grève des mineurs britanniques a commencé depuis cinq mois quand ce reportage est diffusé, dans la torpeur du début d'août 1984.

Au Royaume-Uni, le gouvernement de Margaret Thatcher a décidé la restructuration massive et brutale de l'industrie minière. En mars 1984, la direction de la Société des charbonnages (National Coal Board), régie d'Etat depuis 1947, annonce la fermeture immédiate de la mine de Cortonwood, dans le sud Yorkshire, et prévoit celle d'une vingtaine d'autres en 1984-1985, associée à la suppression de 20 000 emplois. Une majorité des quelque 185 000 mineurs du pays s'engage une année durant dans l'un des conflits les plus longs et les plus violents de l'histoire sociale du Royaume-Uni.

Face à la détermination des autorités, pour qui "l'issue sera déterminante pour le succès de la politique néo-libérale" (1), la stratégie des dirigeants du syndicat des mineurs (National Union of Mineworkers, NUM) consiste à tenir le temps que s'épuisent les stocks de charbon. Mais le gouvernement fait tout pour briser le mouvement aussi vite que possible, en jouant notamment de l'épuisement des "gueules noires", soutenues par leurs épouses : par exemple, les sociétés nationales d'énergie font couper le gaz et l'électricité aux familles qui ne peuvent plus s'acquitter de leurs factures. La solidarité et les secours de grève sont donc des enjeux primordiaux. Les rechercher hors des frontières est indispensable pour Arthur Scargill, le président de la NUM. En effet, les syndicats britanniques sont très divisés sur l'opportunité du mouvement, auquel s'opposent en outre les leaders du Parti travailliste. Parmi les soutiens internationaux, le plus engagé vient de France : la CGT se reconnaît volontiers dans le syndicalisme de lutte de classe du NUM et dans le combat des mineurs contre l'extinction de la production, une problématique largement européenne.

La paupérisation menace vite les familles des ouvriers qui ont cessé le travail. Dès l'été 1984, des cas de malnutrition enfantine sont signalés dans les bassins en conflit. C'est le moment que choisit la Fédération CGT des travailleurs du sous-sol pour organiser des séjours de vacances, dans des familles françaises, pour environ 200 enfants de grévistes. Robert, le premier petit anglais du reportage, accueilli à Liévin, vient du Yorkshire, le comté traditionnellement militant où s'est amorcée la mobilisation. Le monde des corons du Nord-Pas-de-Calais ouvre d'autant plus naturellement ses portes qu'il a lui-même bénéficié de cette forme de solidarité lors de certaines de ses luttes emblématiques, comme en 1948.

L'aide de la CGT prend une dimension supplémentaire en septembre 1984, lorsque sa commission exécutive crée un collectif Solidarité mineurs britanniques. Des collectes sont organisées, de l'argent, des produits alimentaires et hygiéniques sont envoyés aux ouvriers en grève. Henri Krasucki, le secrétaire général de la centrale, fait le voyage outre-Manche. Le soutien de son organisation ne se dément jamais et les plus jeunes sont continûment au centre du réconfort apporté. A la veille de Noël 1984, des cadeaux venus de France sont ainsi distribués. Enfin, en août 1985, alors que le conflit est terminé, "des enfants de grévistes britanniques emprisonnés sont de nouveau accueillis en vacances dans des familles de mineurs CGT" (2).

Si en mars 1985 la défaite est cinglante pour le mouvement syndical du Royaume-Uni, "cette solidarité a sans doute aidé les mineurs à tenir ferme et a contribué à mitiger leur sentiment d'isolement et d'impuissance face aux difficultés qu'ils rencontraient" (3).

(1) Noëlle Burgi, "La grève des mineurs britanniques : un tournant", Travail et emploi, 12/1986, p. 61.

(2) Jean-Claude Poitou, Nous les mineurs, Paris, Messidor, 1989, p. 193.

(3) Susan Milner, "La CGT et la solidarité syndicale à la grève des mineurs britanniques (1984-1985)", Les Cahiers de l'Institut d'histoire sociale Mines-Energie, n° 27-28, avril-juillet 2010, p. 28.

Stéphane Sirot