Conférence de presse de François Mitterrand à propos de la crise en Yougoslavie

27 juin 1992
01m 08s
Réf. 00206

Notice

Résumé :
A Lisbonne, conférence de presse de François Mitterrand à l'issue du Conseil européen et au lendemain de l'ultimatum donné par l'ONU aux forces serbes pour réouvrir l'aéroport de Sarajevo.
Date de diffusion :
27 juin 1992
Source :
Antenne 2 (Collection: JT 20H )
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Éclairage

Née en 1945, la République socialiste fédérative de Yougoslavie éclate en 1990, au moment de l’effondrement du bloc de l’Est et de l’organisation d’élections libres dans ses six républiques. A leur issue, en 1991, la Croatie et la Slovénie, puis la Macédoine proclament leur indépendance. En mars 1992 c’est au tour de la Bosnie-Herzégovine. Partout les nationalistes serbes, avec à leur tête Slobodan Milošević, s’opposent à ces indépendances et la guerre est particulièrement violente et longue en Croatie et Bosnie où vivent d’importantes communautés serbes.

La communauté internationale reste d’abord impuissante face à la guerre qui éclate et à l’épuration ethnique menée par les Serbes. En février 1992, le Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU) crée la Forpronu, une force internationale qui a pour mission de rétablir la sécurité dans l’ex-Yougoslavie et de résoudre de façon globale le conflit. La Communauté européenne (CEE) quant à elle ne dispose pas d’une politique de défense autonome mais reconnaît dès le 6 avril l’indépendance bosniaque. Le jour-même, la capitale bosniaque, Sarajevo, est assiégée par les Serbes bosniaques.

Le Conseil de sécurité de l’ONU augmente alors sa pression sur la Serbie et exige la réouverture de l’aéroport de Sarajevo pour permettre l’accès de l’aide humanitaire. Devant la montée des tensions et la poursuite des bombardements, le secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali, adresse le 26 avril un ultimatum à la Serbie à qui il donne 48h pour cesser les attaques contre l’aéroport, sans quoi « d’autres moyens » seront envisagés pour secourir les civils.

Peu après s’ouvre à Lisbonne le Conseil européen qui doit se réunir les 26 et 27 juin pour discuter de la ratification du traité de Maastricht sur l’Union européenne et le futur élargissement du marché antérieur. Ce conseil, réunissant les chefs d’Etats et de gouvernements européens, mais aussi le président de la Commission, Jacques Delors, se prononce dès le 26 juin pour une action internationale destinée à faire respecter les décisions de l’ONU, « sans exclure le recours à des moyens militaires ».

Le Président français répond ainsi ici aux reproches alors faits à la CEE sur sa non-intervention, en rappelant ses compétences limitées en matière militaire. Il œuvre au même moment en faveur d’une défense européenne, ayant réussi à inscrire cette dimension dans le traité de Maastricht.

Le lendemain (le 28 juin), François Mitterrand et son ministre de la Santé et de l’Action humanitaire, Bernard Kouchner, font un voyage surprise à Sarajevo pour tenter de faire ouvrir l’aéroport et témoigner de leur solidarité aux habitants.

Cette guerre ne prendra fin qu’en novembre 1995 avec la signature des accords de Dayton, sans que toutes les tensions en ex-Yougoslavie ne soient résolues : en 1998 commence la Guerre du Kosovo.
Judith Bonnin

Transcription

Bruno Masure
Je vous disais, ce sommet européen était largement consacré, bien sûr, à l’aggravation de la crise en Yougoslavie. Pour Jacques Delors, l’engagement de la Communauté Européenne est désormais à la hauteur de la tragédie de Sarajevo. À l’occasion de la conférence de presse finale, François Mitterrand a répondu à ceux qui s’étonnent que l’Europe ne soit pas encore intervenue.
François Mitterrand
La Communauté, jusqu’à acceptation par ses membres du Traité de Maastricht, n’a pas compétence pour ordonner des actions de politique extérieure pouvant avoir des implications militaires. Donc, on ne peut pas l’accuser de n’avoir pas usé de moyens dont elle ne dispose pas. Cependant, l’urgence prend à la gorge tous les honnêtes gens. L’impossibilité d’acheminer des moyens humanitaires à Sarajevo notamment crée une obligation morale, si j’ose dire, hors texte.