Les voeux de François Mitterrand pour l'année 1987
31 décembre 1986
06m 39s
Réf. 00247
Notice
Résumé :
De son bureau du palais de l'Elysée, François Mitterrand adresse ses voeux de bonne année à la nation dans le contexte de la cohabitation avec le gouvernement Chirac. Le président revient notamment sur les attentats de la rue de Rennes et sur les manifestations étudiantes contre la loi Devaquet.
Type de média :
Date de diffusion :
31 décembre 1986
Source :
FR3
(Collection:
Voeux du Nouvel An
)
Personnalité(s) :
Lieux :
Éclairage
Le 31 décembre 1986, François Mitterrand présente ses voeux à la nation pour l'année à venir. La cérémonie des voeux se déroule à huis clos, dans son bureau du palais de l'Elysée. La scène n'est pas introduite par l'hymne national mais par l'étonnant Overture to the king's birthday du compositeur baroque britannique William Boyce. Les premières images sont celles du fronton de l'Elysée. Le discours est intégralement sous-titré.
François Mitterrand reprend ici la tradition des voeux créée par le général de Gaulle au début de la Ve République. La cérémonie des voeux existait de manière embryonnaire sous la IVe République mais c'est la télévision et la mise en place de la Ve République, véritable monarchie républicaine, qui fait des voeux de la Saint Sylvestre un événement incontournable de la vie politique française.
Le président adresse d'abord un signe d'amitié aux plus démunis. Il évoque le chômage, les aspirations des jeunes, la vie chère et l'inflation. Puis, il réaffirme comme chaque année ses souhaits pour une France unie et démocratique qui s'adapte aux enjeux du monde moderne.
François Mitterrand demande ensuite aux Français de faire face au terrorisme qui a frappé la France en 1986. Ces actes terroristes sont le fait du "comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient". Le chef de ce groupuscule est Fouad Ali Saleh, un tunisien converti à l'islam chiite, proche du Hezbollah libanais. Ses projets terroristes semblent être soutenus par l'Iran qui cherche à stopper le soutien de la France à l'Irak dans la guerre qui les oppose entre 1980 et 1988. En tout, cette cellule terroriste commet 14 attentats à Paris entre décembre 1985 et septembre 1986, dont le dernier, le plus meurtrier, le 17 septembre, devant le magasin Tati de la rue de Rennes, fait 7 morts et 55 blessés. C'est également en 1986 que Georges Besse, PDG de Renault, est assassiné par le groupe Action Directe.
François Mitterrand formule ensuite des voeux pour la nouvelle année. Dans son premier voeu, il insiste sur la construction de l'Europe : "la France est notre patrie, l'Europe est notre avenir. Ne manquons pas ce rendez-vous". Il demande aux Français de croire en l'Europe.
Dans son second voeu, il revient sur le besoin des Français de faire vivre la démocratie. Il explique notamment son choix de rester à la tête de l'Etat après la défaite du Parti socialiste aux élections législatives du 16 mars 1986. Dans cette situation délicate, il a choisi de rester à sa tâche, d'assurer la continuité de l'Etat et donc de cohabiter avec le gouvernement de Jacques Chirac afin d'éviter une "crise politique inutile".
Dans son troisième voeu, il souhaite que la "France gagne". Pour cela, il évoque le besoin de paix sociale et l'esprit de tolérance que doit instaurer le nouveau gouvernement de droite. Il fait ici référence au décès de l'étudiant Malik Oussekine. La mort de cet étudiant intervient après des mois de mobilisation et de manifestations contre la loi sur la réforme de l'université présentée par le ministre Alain Devaquet (projet d'autonomie des universités, hausse des frais d'inscriptions, sélection à l'entrée). L'Union Nationale des Etudiants de France Indépendante et Démocratique (UNEF-ID) est parvenue à mobiliser jusqu'à 400 000 étudiants à Paris le 27 novembre 1986 et un million dans toute la France. Les actions se poursuivent la semaine suivante. Les violences policières se multiplient à la suite de consignes de fermeté données par le ministre de l'intérieur Charles Pasqua. Dans la nuit du 5 au 6 décembre, une manifestation tourne mal et une équipe de motocyclistes "voltigeurs" bat à mort un étudiant, Malik Oussekine. Le lendemain, Alain Devaquet, désavoué par son ministre de tutelle René Monory et choqué par les violences policières, démissionne. Le 8 décembre 1986, Jacques Chirac annonce le retrait du projet de loi. Les "voltigeurs" sont dissous à la suite de ce décès.
François Mitterrand reprend ici la tradition des voeux créée par le général de Gaulle au début de la Ve République. La cérémonie des voeux existait de manière embryonnaire sous la IVe République mais c'est la télévision et la mise en place de la Ve République, véritable monarchie républicaine, qui fait des voeux de la Saint Sylvestre un événement incontournable de la vie politique française.
Le président adresse d'abord un signe d'amitié aux plus démunis. Il évoque le chômage, les aspirations des jeunes, la vie chère et l'inflation. Puis, il réaffirme comme chaque année ses souhaits pour une France unie et démocratique qui s'adapte aux enjeux du monde moderne.
François Mitterrand demande ensuite aux Français de faire face au terrorisme qui a frappé la France en 1986. Ces actes terroristes sont le fait du "comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient". Le chef de ce groupuscule est Fouad Ali Saleh, un tunisien converti à l'islam chiite, proche du Hezbollah libanais. Ses projets terroristes semblent être soutenus par l'Iran qui cherche à stopper le soutien de la France à l'Irak dans la guerre qui les oppose entre 1980 et 1988. En tout, cette cellule terroriste commet 14 attentats à Paris entre décembre 1985 et septembre 1986, dont le dernier, le plus meurtrier, le 17 septembre, devant le magasin Tati de la rue de Rennes, fait 7 morts et 55 blessés. C'est également en 1986 que Georges Besse, PDG de Renault, est assassiné par le groupe Action Directe.
François Mitterrand formule ensuite des voeux pour la nouvelle année. Dans son premier voeu, il insiste sur la construction de l'Europe : "la France est notre patrie, l'Europe est notre avenir. Ne manquons pas ce rendez-vous". Il demande aux Français de croire en l'Europe.
Dans son second voeu, il revient sur le besoin des Français de faire vivre la démocratie. Il explique notamment son choix de rester à la tête de l'Etat après la défaite du Parti socialiste aux élections législatives du 16 mars 1986. Dans cette situation délicate, il a choisi de rester à sa tâche, d'assurer la continuité de l'Etat et donc de cohabiter avec le gouvernement de Jacques Chirac afin d'éviter une "crise politique inutile".
Dans son troisième voeu, il souhaite que la "France gagne". Pour cela, il évoque le besoin de paix sociale et l'esprit de tolérance que doit instaurer le nouveau gouvernement de droite. Il fait ici référence au décès de l'étudiant Malik Oussekine. La mort de cet étudiant intervient après des mois de mobilisation et de manifestations contre la loi sur la réforme de l'université présentée par le ministre Alain Devaquet (projet d'autonomie des universités, hausse des frais d'inscriptions, sélection à l'entrée). L'Union Nationale des Etudiants de France Indépendante et Démocratique (UNEF-ID) est parvenue à mobiliser jusqu'à 400 000 étudiants à Paris le 27 novembre 1986 et un million dans toute la France. Les actions se poursuivent la semaine suivante. Les violences policières se multiplient à la suite de consignes de fermeté données par le ministre de l'intérieur Charles Pasqua. Dans la nuit du 5 au 6 décembre, une manifestation tourne mal et une équipe de motocyclistes "voltigeurs" bat à mort un étudiant, Malik Oussekine. Le lendemain, Alain Devaquet, désavoué par son ministre de tutelle René Monory et choqué par les violences policières, démissionne. Le 8 décembre 1986, Jacques Chirac annonce le retrait du projet de loi. Les "voltigeurs" sont dissous à la suite de ce décès.
Félix Paties
Transcription
(Silence)
(Musique)
François Mitterrand
Mes chers compatriotes, je remercie la tradition qui me vaut, pour la sixième fois, de vous souhaiter la bonne année et d’adresser en votre nom un signe d’amitié à ceux qui vivent dans la peine, pauvreté, chômage, maladie, solitude, ou qui attendent depuis si longtemps et avec quelle angoisse le retour d’un être cher. Les voeux que je forme pour vous ne varient pas avec le temps. Je souhaite que la France sache s’unir quand il le faut. Je souhaite qu’elle sache vivre et faire vivre sa démocratie. Je souhaite qu’elle gagne les enjeux que lui propose le monde moderne. Qu’elle sache s’unir quand il le faut, les événements de 1986 ont montré que la nécessité de faire front sans hésiter contre le terrorisme s’imposait. Ils ont montré que nous devions plus que jamais nous mobiliser contre le chômage. Ils ont montré que nous devions répondre aux aspirations des jeunes et leur donner plus largement les moyens d’ouvrir les portes du savoir et la responsabilité d’un métier. Ils ont montré que nous devions persévérer dans notre effort pour que recule la vie chère ou, si vous voulez, l’inflation. Voilà de grandes causes nationales autour desquelles se rassembler. Mais il en est d’autres. Notre politique extérieure et notre politique de défense obtiennent dans l’opinion un vaste consentement. Qu’il s’agisse de la défense de la paix, de la construction de l’Europe, du développement du tiers-monde et de la lutte contre la faim, de la défense des droits de l’homme ou des conditions de notre indépendance. Je n’insisterai ce soir que sur un point, l’Europe ne se fera pas toute seule. Elle subira dans les mois qui viennent de rudes assauts, elle a besoin qu’on l’aide et qu’on y croie, elle a besoin que les peuples s’en mêlent. La France est notre patrie et l’Europe notre avenir. Ne manquons pas ce rendez-vous. Mon autre souhait, je vous l’ai dit, est que la France sache vivre et faire vivre sa démocratie. Les élections législatives du 16 mars nous ont posé un problème nouveau. Nous avons débuté l’année avec une majorité et une politique, nous l’avons continué avec une autre majorité pour faire une autre politique. Dans cette situation, mon devoir était clair et ma décision prise, éviter à la France une crise inutile. Inutile et donc dangereuse pour la bonne marche de la République, dangereuse pour le redressement économique entrepris de longue date par nos gouvernements. J’ai assuré la continuité de l’État et j’entends maintenir ce cap. À chacun d’exercer sa tâche dans le souci des équilibres dont dépend le bien public. Mon troisième voeu enfin pour 1987 me servira de conclusion. Il est que la France gagne. Elle y parviendra d’autant mieux qu’on aura écarté de sa route les sujets qui la divisent et qui la blessent dès lors qu’ils touchent à ses racines historiques, culturelles, spirituelles qui sont essentiellement pluralistes. Elle y parviendra d’autant mieux que nous saurons faire prévaloir la paix sociale. La démocratie est par nature débat, confrontation d’idées et d’intérêts. L’approche en est difficile pour tout gouvernement qui a mission de décider. Mais dans les conflits de cette sorte, l’esprit de tolérance et la volonté de dialogue doivent l’emporter sur le refus et le repli sur soi. C’est comme dans une famille, mieux vaut se parler que s’ignorer. Mes chers compatriotes, quand je vois ce dont sont capables tant de Français et dans tant de domaines, champions de la science, des arts, de l’industrie, du sport ; quand je vois la qualité de nos ouvriers, de nos cadres, de nos agriculteurs ; quand je constate le rôle de la France sur la scène internationale, je suis sûr de nos moyens et de nos chances. Encore faut-il y ajouter la volonté de réussir et de réussir tous ensemble. Bonne année 1987. Vive la République, vive la France.(Musique)