Dauphiné Briançonnais
Notice
Affiche publicitaire de la compagnie des chemins de fer PLM (Paris Lyon Méditerranée) mettant en avant les lieux touristiques importants du Dauphiné et du Briançonnais. Affiche issue du Musée dauphinois.
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Éclairage
Parmi les nombreuses affiches que fait réaliser la compagnie PLM celle consacrée au tournant du siècle au pays Dauphiné-Briançonnais est intéressante par sa facture. Véritable bande dessinée en affiche, elle vise à sélectionner comme dans un guide mais de manière visuelle et synthétique les lieux que tout touriste qui parcourt ce territoire se doit d'avoir vu, ainsi que les modalités pour s'y rendre et les lieux de renseignements pour les séjours (cartel en bas à droite). Comme dans un guide, les responsables du tourisme, sans doute grenoblois (1), indiquent les circuits à parcourir et les sites à découvrir, sélectionnant selon leurs normes les beaux paysages et les lieux historiques, et de fait donnant une visibilité à certains lieux au détriment des autres. Signe de l'époque, ce ne sont pas les classiques « sept Merveilles du Dauphiné » qui sont indiqués (2) mais des hauts lieux de l'alpinisme et de l'excursionnisme triomphants. Il est cependant étonnant que ne soit pas inséré le Mont Aiguille, pourtant considéré dans l'histoire de l'alpinisme comme la première conquête sommitale (1492) réalisée par Antoine de Ville et une partie de l'escorte du roi Charles VIII, signant l'acte de naissance de l'alpinisme et mettant fin à son nom de « mont inaccessible ».
Destinée à un public extérieur à la région comme au public local, cette affiche se rapproche des pratiques des responsables des associations d'excursionnistes et d'alpinistes, qui se sont multipliées depuis les années 1870, au premier rang desquelles la société des touristes du Dauphiné concurrente du Club Alpin Français (CAF). Utilisant les images et notamment les projections de photographies, ces notables excursionnistes donnent des conférences pour initier les membres ou futurs membres et les inciter à se rendre sur les lieux qu'ils ont eux même visités. L'un de ces conférenciers les plus célèbres dans la région et par ailleurs photographe prolixe, est Henri Ferrand qui a laissé de nombreuses descriptions, proposant des circuits lors de ses multiples causeries.
La liste proposée est conforme aux normes et aux modes de l'époque. Elle recouvre les principaux massifs accessibles facilement depuis Grenoble (le Vercors, la Chartreuse, Belledonne et l'Oisans). Ainsi on trouve deux lieux emblématiques, reconnus par les Monuments historiques : la citadelle Vauban de Briançon et ses multiples forts, la Grande Chartreuse, haut lieu religieux et architectural qui semble alors accessible (3) dans son ensemble et non pas réduit à la seule Correrie. Le troisième site (3ème cartel au dessus de celui informatif) renvoie à Pont en Royans, lieu pittoresque en raison de ses maisons suspendues au dessus de la Bourne et à proximité des gorges éponymes, représentées sur le cartel au dessus qui pointe leur a pic vertigineux . Cette route longue de 11 kilomètres a été ouverte en 1872 après 11 ans de travaux pour tailler son tracé à même la roche dans des conditions de véritable exploit pour ceux qui l'ont réalisée. Elle relie Pont en Royans porte du Vercors à Villard de Lans au cœur du massif, une bourgade déjà réputée comme lieu de villégiature. Autre réalisation contemporaine, autre exploit technique pour sa mise en chantier et en usage, le chemin de fer de la Mure. Initialement prévu dans le cadre du plan Freycinet, surtout pour écouler le charbon des mines de la Matheysine, ce train inauguré en 1888 devient très vite par le circuit tout en surplomb au dessus de gorges du Drac un but touristique et pittoresque. Les autres cartels sont classiquement des destinations couplant alpinisme et excursionnisme : le lac Robert, dans le massif de Belledonne, facilement accessible à un bon marcheur, et les deux bourgades point de départ des hauts massifs prestigieux : La Meije vue de la Grave et les Ecrins à partir de Bourg d'Oisans, le chef lieu de canton relié par le train depuis 1893. Bien individualisé l'hôtel Terminus en face de la gare, (la grande bâtisse blanche reconnaissable par son architecture) fait aussi la promotion de la compagnie. Moins visible l'hôtel de l'Oberland bernois à l'entrée de la ville signe la volonté des propriétaires mais aussi des habitants de s'adosser à la référence touristique suisse. Enfin au centre de l'affiche, au prétexte de signaler le Charmant Som et autres sommets de la Chartreuse (Dent de Crolles, Chamechaude) proches de Grenoble, le cartel cible la clientèle visée, celle des touristes du PLM : un public d'excursionnistes, membres de la bourgeoisie urbaine (costumes et attitudes) venue respirer le bon air de la montagne dans un cadre pittoresque et conforme aux beaux paysages, qui se livre aux joies du pique-nique, version moderne du repas champêtre, pique-nique que dispose sur l'herbe le chauffeur au premier plan.
(1) Puisque tous les exemples sont donnés à partir de la capitale dauphinoise, la seule à être accessible par le train.
(2) Tous ces lieux (département de l'Isère) ont été identifiés comme tels depuis le XIIIème siècle et la liste définitive a été arrêtée en 1638 par Denys de Salvaing de Boissieu. Tous associent à leur existence des légendes, et la plupart sont en rapport avec le personnage mythifié de Mandrin. Ce sont la Tour sans Venin (commune de Seyssinet –Pariset), les Cuves de Sassenage, le Pont de Claix, Les grottes de la Balme (près de Lagnieu), la pierre percée (Pierre-Châtel), la fontaine ardente (le Gua) et le Mont Aiguille.
(3) L'affiche est-elle alors postérieure à l'éviction des moines en 1907 ?