Le théâtre de poche de Hédé
Notice
A l'initiative de deux comédiens, Michel Estier et Bernard Libault, un Théâtre de Poche voit le jour à Hédé, commune rurale d'Ille et Vilaine. Ce projet a reçu le soutien de la municipalité et rencontre un vif succès auprès de la population.
Éclairage
Si la télévision régionale consacre un reportage sur la décentralisation culturelle à Hédé, c'est que cette commune a connu à la fin des années 1970 une aventure culturelle singulière. C'est sur une demande de l'association de l'ADEC (Art Dramatique Expression Culture) que pour la première fois en 1973, Bernard Libault et Michel Estier prennent contact avec la Bretagne. Tous les deux sont comédiens danseurs à Paris. L'ADEC a pour mission de développer et d'aider la création du théâtre amateur dans tout le département d'Ille et Vilaine. L'association veut proposer aux troupes amateurs de ce département des formations de qualité, des outils de création artistique de valeur pour aider à renouveler le théâtre amateur en milieu rural. Bernard Libault et Michel Estier sont séduits par le dynamisme et les possibilités qu'offre le théâtre amateur. Après plusieurs contacts avec différentes municipalités, les deux artistes s'installent finalement à Hédé, où ils créent en 1974 la Compagnie Ballet Théâtre Libault-Estier. Le théâtre de Poche, au centre du village sert de lieu de répétition pour les créations de la compagnie. Le Ballet Théâtre Libault-Estier propose toute l'année un travail de formation, mais aussi un travail de sensibilisation au théâtre dans les écoles des alentours. La compagnie se produit aussi dans toute la région. Le point culminant de cette riche saison se situe en été. Chaque année un festival est organisé sur quelques jours. Des professionnels du théâtre, de la danse, de la musique, se retrouvent à Hédé pour présenter leur création. L'organisation du festival s'appuie sur une forte mobilisation et participation des habitants du village. Ce rendez-vous est une véritable fête où la communauté se retrouve autour d'une effervescence artistique. La municipalité et le syndicat d'initiative soutiennent fortement l'opération et voient dans le festival de Poche une source de développement économique et une image culturelle positive pour la commune. Ce rendez-vous annuel rencontre un vrai succès public. Malheureusement, chaque année il est remis en cause par le manque de financement. L'expérience s'arrête au début des années 1980, le festival ne peut plus être financé.
Cette brève expérience artistique amène à quelques réflexions sur le dispositif de la politique culturelle de la France à la fin des années 1970. Le reportage insiste sur la notion de décentralisation. C'est sans doute parce que les principaux acteurs de cette expérience, Bernard Libault et Michel Estier sont venus de Paris s'installer en province. C'est aussi parce que ce sont des professionnels du spectacle vivant et qu'ils amènent avec eux un certain nombre de pratiques artistiques auxquelles la commune de Hédé n'est pas habituée. Pourtant, il ne s'agit pas d'une véritable décentralisation, mais plutôt d'une initiative locale soutenue par la municipalité. Cette implantation n'émane pas d'une décision administrative de l'Etat ou des collectivités locales. La création du théâtre de Poche a lieu avant les années 1980 et les lois Defferre qui vont transférer des pouvoirs, notamment en matière culturelle, aux régions. Le terme de décentralisation acte donc une pratique plus qu'une décision administrative. Cela n'empêche pas le festival d'être montré comme un étendard, particulièrement par la télévision régionale qui chaque année fait un reportage sur le festival. Le succès public, le soutien de la municipalité et du syndicat d'initiative démontrent d'ailleurs qu'il est perçu par les autorités locales comme un moteur pour le développement économique et culturel. Pourtant, il n'y a pas de soutien financier à l'échelon supérieur des collectivités territoriales. Ce manque de moyen pour une telle initiative met en exergue un déficit institutionnel patent de l'époque. En région la décentralisation théâtrale est active depuis les années 1950, mais avant les années 1980, les initiatives locales, particulièrement en milieu rural, sont encore fragiles.
Bibliographie :
Annie Bertrand, L'animation théâtrale en milieu rural, Clermont-Ferrand, Annie Bertrand, 1984.