La vie quotidienne à Rosheim durant la Première Guerre mondiale
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La petite commune de Rosheim, dans le Bas-Rhin, n’était pas au cœur des affrontements de la Première Guerre mondiale. Après quelques escarmouches à l’été 1914, le canton n’est plus zone de combat. Il n’en reste pas moins que le conflit a eu des répercussions sur la vie quotidienne. À la fin de la guerre, en 1918, des débordements contre les autorités allemandes précèdent l’entrée des troupes françaises en ville.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
07 nov. 2008
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire, Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg
À la veille de la Première Guerre mondiale, Rosheim est petite ville prospère, stimulée par la modernisation de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle caractérisant une grande partie de l’Europe occidentale. Forte de ses 3 200 habitants, la cité est relativement moderne grâce aux travaux d’adduction en eau courante et en électricité réalisés au début du siècle, ainsi qu’au développement des infrastructures ferroviaires et industrielles. D’un point de vue politique, Rosheim fait partie de l’empire allemand de Guillaume II, puisque l’Alsace a été annexée au Reich en 1871 dans le cadre du traité de Francfort. À ce titre, environ 300 Rosheimois servent sous les drapeaux impériaux en tant que conscrits entre 1914 et 1918, partageant le sort de 380 000 Alsaciens et Mosellans.
Lorsque le conflit éclate en août 1914, les Vosges deviennent rapidement un champ de bataille important. Dans les Hautes-Vosges, des combats de grande ampleur font rage sur le Hartmannswillerkopf et au col du Linge. Néanmoins, des affrontements plus modestes mais non des moindres ont aussi lieu dans le Bas-Rhin. Des batailles ont lieu autour du Donon et se rapprochent de Rosheim, puisque les belligérants se disputent sur les hauteurs de Grendelbruch-Muckenbach. À l’été 1914, les Français progressent en direction de la plaine d’Alsace par la vallée de la Bruche, mais le fort de Mutzig leur barre la route. Après une contre-offensive allemande qui entraîne la reprise du Donon par l’armée impériale, le 22 août 1914, le front se trouve définitivement éloigné de la commune. Ce faisant, Rosheim a été épargnée par les combats.
Cependant, le cas de Rosheim est représentatif d’une ville allemande proche du front et dévolue à l’effort de guerre. Les troupes allemandes défilent et à partir de 1915, Rosheim devient ville de garnison permanente : environ 1 000 hommes s’installent chez les Rosheimois. Les usines textiles de la ville sont transformées pour fabriquer des munitions et ce sont en majorité les femmes, les « munitionnettes » qui œuvrent à cette tâche. Enfin, par un décret du 1er mars 1917, les autorités impériales réquisitionnent les cloches d’église et les tuyaux d’orgue du Reich pour contribuer à l’effort de guerre. Le patrimoine campanaire de Rosheim, pas assez significatif pour être conservé, est envoyé à la fonderie ; la prise de six cloches des deux églises de Rosheim eut un effet particulièrement négatif sur la population locale.
À partir du mois de novembre 1918, l’Allemagne connaît des troubles révolutionnaires, dont les plus célèbres sont les mutineries des marins de Kiel, poussant le Kaiser à l’abdication le 9 novembre 1918. En Alsace, à partir du 10 novembre, des mouvements populaires défient les autorités impériales et en même temps, des opinions favorables à la France s’expriment dans la presse locale. À Rosheim, le buste de l’Empereur est jeté par la fenêtre de l’hôtel de ville et à Strasbourg, une République soviétique est créée. Néanmoins, ces expériences politiques restent de courte durée car l’armistice signé à Rethondes le 11 novembre 1918 prévoit le retour de l’Alsace et de la Moselle à la France. Les troupes françaises entrent finalement à Rosheim le 18 novembre 1918, où elles sont chaleureusement accueillies.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire, Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg
Ce document, diffusé le 7 novembre 2008 dans le journal télévisé de France 3 Alsace, fait partie d’une suite de reportages consacrés à la Première Guerre mondiale en Alsace et réalisés pour commémorer les 90 ans de la fin du conflit. Il a été réalisé par Monique Seeman, une journaliste de France 3 Alsace particulièrement investie dans la promotion de l’histoire régionale, et particulièrement en ce qui concerne les deux conflits majeurs du XXe siècle.
Le choix de Rosheim qui préside à la réalisation de ce documentaire s’explique par le fait qu’il ne s’agit pas d’un grand champ de bataille où les troupes - françaises ou allemandes - se sont illustrées, mais d’une bourgade qui a dû s’adapter au conflit. Assez proche du front pour devoir s’accommoder du rythme de la guerre, mais trop éloignée pour connaître les destructions, le cas de Rosheim permet d’illustrer la vie quotidienne durant la Première Guerre mondiale en Alsace. Enfin, Rosheim bénéficie d’un dynamisme mémoriel important grâce à l’association « Les Amis de Rosheim », une association d’histoire locale qui propose nombre de publications et d’expositions. Le président de cette association, Alphonse Troestler, est d’ailleurs interrogé dans le reportage et livre, en plus d’un récit détaillé des évènements, des documents d’archives inédits.
Ce reportage est aussi le moment de rappeler l’histoire tourmentée de la région entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, les passations entre la France et l’Allemagne, et surtout sa mémoire, en tant que processus sélectif socialement construit. Cette mémoire est complexe et jusque dans les années 1990, c’est une perspective nationale qui prime, alors que des aspects restent tabou tels que celui des Alsaciens qui ont combattu dans l’armée allemande. Un réveil de la mémoire régionale survient en novembre 1995, lorsque la République décerne la légion d’honneur à tous les anciens combattants français de 1914-1918 encore en vie, mais pas aux Alsaciens en raison de leur appartenance à une armée étrangère durant le conflit. À partir de ce moment, une double dynamique mémorielle se met en place. D’une part, la mémoire nationale perdure, dans laquelle les spécificités locales sont diluées, à l’image de ce que l’on observait déjà auparavant. D’autre part, les acteurs locaux et notamment médiatiques mettent l’accent sur l’expérience régionale de la guerre et ses spécificités, en y diluant la mémoire nationale, à l’image de ce qui est fait dans ce reportage. En effet, certains aspects majeurs et problématiques manquent sensiblement : à aucun moment ne sont mentionnés les 300 Rosheimois, conscrits de l’armée allemande, qui ont combattu sous l’uniforme impérial, pas plus que n’est expliquée l’annexion, résumée à « quatre année de dictature militaire allemande ». En revanche, le discours du reportage insiste sur le « soulagement » de l’année 1918 et un long passage concerne le commandant Émile Riedinger, Nancéen - et non Alsacien - fils d’un boulanger de Rosheim, qui a participé à la signature de l’armistice à Rethondes.
Néanmoins, depuis la réalisation de ce reportage, un autre tournant mémoriel est survenu avec le centenaire de la Première Guerre mondiale. Allié à une nouvelle dynamique historiographique, celle de l’histoire connectée, la mémoire de la Première Guerre mondiale en Alsace s’inscrit désormais dans un cadre européen, ou au moins binational ainsi que le prouve l’Historial du Hartmannswillerkopf. Les projets locaux se sont multipliés, tels que des publications, des expositions ou des représentations artistiques, et ont permis d’opérer une réappropriation de la mémoire régionale de la Grande Guerre.
Transcription
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