L’ossuaire de Douaumont et la mémoire de la bataille de Verdun
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Le site de l’ossuaire de Douaumont incarne la mémoire de la bataille de Verdun. Inauguré en 1932, y reposeny environ 146 000 soldats français et allemands, pour beaucoup inconnus. Il est devenu le site touristique le plus visité de Lorraine, signe du dynamisme que connaît le tourisme mémoriel autour de la Première Guerre mondiale.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
13 sept. 2002
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire, Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg
La bataille de Verdun est connue pour être la plus longue et surtout, l’une des plus sanglantes de la Grande Guerre. Entre le 21 février et le 18 décembre 1916, 300 000 soldats français et allemands y trouvent la mort. Les combats débutent lorsqu’en février 1916, l’armée allemande lance une grande offensive pour infliger une défaite décisive à l’armée française. Après une première avancée qui met les Français en difficulté, le front se stabilise. Jusqu’au déclenchement de la bataille de la Somme, les Allemands ont l’initiative dans le secteur de Verdun, mais à l’été 1916, après une dernière offensive qui se solde par la démission du commandant en chef Erich von Falkenhayn, l’armée allemande abandonne ses efforts. Les combats se poursuivent néanmoins jusqu’à la reconquête du territoire perdu par les Français. En décembre, la bataille de Verdun prend fin, environ 70% des effectifs de l’armée française y ont combattu.
Très rapidement, l’idée de fixer la mémoire de Verdun en lui donnant son sanctuaire apparaît. Au lendemain de l’armistice, l’évêque de Verdun, Monseigneur Ginisty, constate l’immense charnier qu’a été la bataille et propose la création d’un ossuaire. Un bâtiment provisoire est construit pour accueillir les dépouilles des combattants. Dès lors, Ginisty constitue un comité afin de trouver des financements à travers le monde, en lançant des souscriptions et en organisant des soirées. Cette initiative privée montre bien comment la mémoire nationale s’est formée, dans un premier temps, sans intervention de l’État. En outre, ceci permet de donner une dimension internationale au site de Douaumont, devenant un lieu à la mémoire des combattants non seulement de Verdun, mais aussi de la Grande Guerre.
En 1920, la première pierre de l’édifice définitif est posée en présence du Maréchal Pétain, véritable icône de la bataille et en 1923, Léon Azéma, Max Edrei et Jacques Hardy remportent le concours d’architecture en proposant le monument que l’on connaît aujourd’hui : un bâtiment long de 130 mètres surplombé d’un phare de 46 mètres de haut. La construction de l’ossuaire dure douze ans, soit jusqu’en 1932, date à laquelle il est inauguré par le président Albert Lebrun. Y reposent les restes de 130 000 soldats inconnus, auxquels s’ajoutent les 16 142 tombes qui constituent la nécropole nationale, aux pieds de l’ossuaire. Par ailleurs, dès la fin de la guerre, le site de la bataille de Verdun devient un lieu de pèlerinage. Nombre d’anciens combattants, de veuves, de parents ou de curieux s’y rendent. Dans le milieu des années 1920, les agences de voyage proposent des visites de groupe et à partir de 1927, une fête annuelle de la bataille y est organisée. Cette première mise en tourisme participe au processus mémoriel qui fait de Verdun et de Douaumont des lieux exceptionnels.
Après la Seconde Guerre mondiale, de nouvelles mémoires s’imposent en Europe et le symbole de Verdun peine à trouver sa place, d’autant plus que le mythe de la bataille est indissociable du Maréchal Pétain. En outre, cette mémoire est encore très nationale, d’autant que les rivalités franco-germaniques sont palpables : en 1966, les autorités françaises refusent la venue d’une délégation allemande aux commémorations de Verdun. Un réel tournant s’opère dans les années 1980. Dans un contexte de réconciliation franco-allemande, l’ossuaire de Douaumont devient un lieu symbolique. Le 22 septembre 1984, les chefs d’États français et allemand s’y retrouvent pour la première fois. En réalité, ce moment survient à la suite des commémorations du débarquement de Normandie auxquelles les autorités allemandes n’ont pas été conviées. La cérémonie à Verdun fait office de compensation. Alors qu’ils se dressent face à l’ossuaire, le président François Mitterrand saisit la main du chancelier Helmut Kohl. Ce geste symbolique, largement médiatisé, a encore accentué la place de Verdun dans la mémoire de la Première Guerre mondiale.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire, Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg
Ce reportage de Floréal Torralba et de Abdel Jiqqir a été diffusé dans le journal télévisé de France 3 Lorraine le 13 septembre 2002 pour rappeler les 70 ans - et non les 10 ans, ainsi que le dit la présentatrice - de l’inauguration de l’ossuaire de Douaumont, dans la Meuse. Ce site est le plus important pour la mémoire de la Première Guerre mondiale en France, non seulement en raison de son aménagement, mais aussi parce que Verdun n’est pas une bataille parmi les autres, c’est « la » bataille dans le récit national. Contrairement à la mémoire allemande, en France, Verdun s’est imposée comme la reine des batailles. Dès la Grande Guerre, sa forte médiatisation a participé à en faire le lieu où se joue « l’avenir du pays ». En septembre 1916, alors que les combats ont toujours cours, le président Poincaré remet la Légion d’honneur à la ville et le nom de « Verdun » est érigé en symbole national. Seulement, des tranchées de Verdun, il ne reste pas grand-chose, d’où l’importance de fixer la mémoire dans un lieu déterminé, l’ossuaire de Douaumont. La gestion du site est assurée par le « Comité de l’Ossuaire de Douaumont », créée par l’évêque Ginisty en 1919, et dont le président lors du reportage est Hubert Mangenot qui témoigne à l’écran. Cette fondation privée, qui est à l’origine du projet, poursuit la mission pour laquelle elle a été créée en entretenant l’ossuaire et en faisant sa publicité.
Ce site a aujourd’hui plusieurs fonctions qui sont illustrées dans le reportage. D’abord, pour Gérard Dommange, historien interrogé par les journalistes, l’ossuaire permet « d’identifier la bataille » et c’est pour cela que l’édifice est chargé d’éléments symboliques. Les murs intérieurs du cloître que l’on aperçoit à l’écran portent environ 4 000 inscriptions de noms de soldats portés disparus dans le secteur. Le phare éclaire le champ de bataille et ses cloches sonnent tous les jours : tout est fait pour rappeler au visiteur qu’il se trouve sur le lieu d’un affrontement sanglant.
Par ailleurs, l’ossuaire a une fonction spirituelle au regard de ceux qui sont tombés à Verdun. À l’intérieur du monument, le visiteur est transporté dans une ambiance proche de celle d’un lieu de culte : le silence est de mise et la lumière, filtrée par des vitraux, apporte une ambiance à la fois sereine et grave. Une chapelle a été érigée, où on célèbre des messes à l’occasion de commémorations. Tous les ans depuis 1951, s’y tient une messe en hommage au Maréchal Pétain, organisée par « l’Association pour défendre la mémoire du Maréchal Pétain », preuve qu’il existe plusieurs mémoires de Verdun, dont certaines - exaltant celui qui fut aussi le chef du régime de Vichy - sont problématiques.
Enfin, l’ossuaire de Douaumont est aussi un haut-lieu du tourisme mémoriel dont la dimension s’est affirmée depuis les années 1980. Ce lieu qui veut incarner la mémoire combattante s’est progressivement ouvert au grand public. La poignée de main entre Mitterrand et Kohl de 1984, qui clôt le reportage, est à l’origine d’un regain d’intérêt pour le site, puisqu’elle intervient dans un contexte de mutations sociales et culturelles : le temps accordé aux loisirs augmente, et avec lui, l’attention des visiteurs pour le patrimoine.
Pourtant, la fréquentation du site accuse un recul important au moment du reportage, puisqu’elle est passé de 320 000 à 230 000 visiteurs annuel entre 1995 et 2005, notamment en raison de la concurrence des sites de la Seconde Guerre mondiale, tels que le Struthof ou les plages du Débarquement. L’ossuaire s’est donc inséré dans le marché du tourisme mémoriel. Il s’est doté d’une boutique qui vend des produits dérivés à l’effigie de la Grande Guerre et d’une salle de cinéma proposant un film traduit en six langues. Le centenaire de la Grande Guerre, entre 2014 et 2018 et l’importante activité scientifique, médiatique et culturelle autour de ces commémorations ont eu pour effet de mettre l’ossuaire en valeur, qui compte depuis presque 400 000 visiteurs par an.
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