Le bouchon de Champagne à Troyes : l’histoire au coeur
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La promenade historique dans les rues et ruelles du Bouchon de Troyes, le centre médiévale de la ville, est l’occasion de découvrir l’architecture à pan de bois et les cours de la cité. Le centre profite de la loi Malraux et du travail des associations pour entreprendre une restauration de grande ampleur.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
03 juil. 2001
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Contexte historique
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
Les Tricasses se sont installés avant l’époque romaine sur le site de l’actuelle Troyes et lui ont donné son nom. Ce site a deux intérêts : il est à la jonction de plusieurs territoires que sont la Champagne sèche au nord, la Champagne humide à l’est et le pays d’Othe à l’ouest. Il est donc naturellement un carrefour favorable aux activités commerciales. Il est aussi constitué d’une zone marécageuse à la confluence de la Seine et de nombreux petits cours d’eau qui en font une terre riche pour se nourrir mais aussi un site difficile à prendre. L’histoire et la morphologie urbaine sont indissociables de la présence de cette eau. C’est donc assez logiquement que la cité devient une cité romaine sous le nom de Augustobona, mais c’est la cité rémoise qui devient avec les Romains la grande ville de la région.
La ville connaît un essor considérable à partir du XIe siècle pour devenir aux XIIe et XIIIe siècle un lieu incontournable du commerce européen dans le contexte de forte expansion économique de l’Occident chrétien. Ce sont les comtes de Champagne, avec notamment Henri et Thibaut II qui dynamisent les activités commerciales en mettant en place un vaste système de foires qui s’étend sur quatre villes du comté dont Troyes et qui durent une grande partie de l’année. Leur réussite est liée à la qualité des routes, au conduit (sécurité des déplacements) et à la sécurité des transactions commerciales. Mais les comtes transforment aussi en profondeur la ville. Ils dévient les cours d’eau pour en faire des éléments du nouveau système défensif de la ville : c’est ainsi que se dessine cette forme particulière du "bouchon de Champagne" qui définit encore aujourd’hui le centre troyen et qui doit tout à la poliorcétique et rien au champagne (Dom Pérignon découvrira les vertus du bouchon de liège plus de 500 ans après) ! La ville s’organise alors en une ville basse qui accueille autour de l’église Saint-Jean les foires et les activités artisanales liées le plus souvent à la présence de l’eau (les tanneries), alors que la ville haute, la cité, regroupe la cathédrale, l’hôtel-Dieu, des abbayes et le grand château comtal notamment (à l’emplacement de l’actuelle place du Préau).
La ville compte entre 15 000 et 30 000 habitants au début du XIIIe siècle. Elle se couvre de nouveaux bâtiments construits en bois et en torchis : elle est entourée de vastes forêts (celle de la forêt d’Orient appartenant aux Templiers nés tout près de Troyes au XIIe siècle) mais ne dispose pas d’autres pierres que la craie. L’architecture du pan de bois est donc omniprésente et donne une unité. Mais en 1524, un gigantesque incendie détruit la ville basse : les maisons en bois, construites dans un enchevêtrement de ruelles étroites ne résistent pas au feu. La ville est reconstruite à l’identique, trame urbaine comprise : c’est la ville que l’on peut encore parcourir de nos jours pour l’essentiel, comme la célèbre ruelle des Chats si étroite que les faîtes des maisons se touchent presque.
Il faut attendre le XIXe siècle pour voir la ville se transformer de nouveau : les remparts et le château sont détruits, la ville déborde de ces limites historiques pour s’étendre sur la banlieue où s’installent les industries textiles qui font sa fortune pendant presque un siècle, en particulier la bonneterie. Les pierres du château servent pour construire le Canal de Haute Seine voulue par Napoléon Ier et qui constitue une grande percée urbaine séparant nettement tête et corps du bouchon. Les remparts laissent place à de larges promenades et des boulevards construits sur les fossés comblés. Quelques grandes rues sont percées qui traduisent les préoccupations hygiénistes et urbanistiques du XIXe siècle, notamment la rue de la République et la rue Raymond Poincaré.
La ville médiévale est laissée à son histoire et souffre des aspirations nouvelles en matière d’habitat : elle se taudifie largement avant que de retrouver à la fin du siècle un attrait nouveau, dont témoigne le reportage.
Éclairage média
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
Dans sa rubrique estivale, le journal de France 3 Champagne-Ardenne de 2001 nous propose de découvrir le centre de la ville de Troyes, surnommé le Bouchon du fait de sa forme. Pour traiter le sujet, les journalistes ont fait le choix d’accompagner deux spécialistes de la ville, une guide et la présidente de l’association Sauvegarde et Avenir de Troyes qui œuvre pour la reconquête du patrimoine local.
Le reportage débute par un panorama à 180 degrés puis une succession de plans plus ou moins serrés pour mettre en valeur quelques édifices. Les vues sont prises depuis l’église de la Madeleine. Les images tracent une histoire de la ville puisqu’on y découvre la ville médiévale, Renaissance, industrielle et contemporaine et montrent les transformations de la ville du Moyen-Âge (la ville antique a disparu) à nos jours.
Les deux guides offrent ensuite une déambulation commentée du patrimoine troyen. On y découvre la morphologie et l’architecture de la fin du Moyen-Âge : rues et ruelles pavées et étroites (rue Champeaux), maisons à pans de bois de couleurs différentes, et cours privées. Le bâtiment repose sur un soubassement en maçonnerie sur lequel est fixée la sablière, une poutre de bois qui supporte en fait toute la construction et dans laquelle la charpente s’emboîte. L’espace entre les poutres de façade (le carreau) est rempli par un torchis (le hourdi ou hourdage) constitué de mortier d’argile, de chaux et de paille et recouvert d’un badigeon de chaux teinté (la ville médiévale est une ville de couleurs vives). Les abouts des poutres horizontales, notamment celles du plancher des étages, sont sculptés. Parfois, pour protéger les murs de l’humidité, on les recouvre d’essentes de bois, que l’on nomme tuiles de châtaignier à Troyes. Le reportage montre aussi un des trésors souvent secrets de la ville : les cours intérieures avec leurs coursives qui permettent la circulation. La cour sert de puits de lumière et on y trouve aussi un vrai puits pour l’eau. On a donc là une architecture dominée par le bois, que l’on rencontre ailleurs en France (Normandie, Bretagne, Alsace,…), mais rarement avec une telle densité.
Le patrimoine qui nous est montré est en cours de restauration, après avoir été laissé à l’abandon, ne correspondant plus aux standards du logement contemporain. Mais grâce au travail de la SAT, l’association Sauvegarde et Avenir de Troyes, comptant nombre de spécialistes de l’histoire et des techniques de construction, la ville a pris conscience de la valeur patrimoniale de son centre médiéval. La loi Malraux, du nom du ministre de la Culture des années 1960, a été enfin mise en œuvre : c’est un dispositif très incitatif qui permet aux propriétaires faisant des travaux de défiscaliser leur coût de leurs revenus. Un cercle vertueux de restauration s’est ainsi mis en place selon Mme Jonquet : la restauration du centre améliore la visibilité de la ville et crée une dynamique économique qui encourage la restauration. Cependant, une telle entreprise est très lourde pour les propriétaires car les maisons sont souvent classées à l’Inventaire des Monuments historiques, imposant des règles strictes pour les travaux et le recours à des entreprises spécialisées, souvent des compagnons à Troyes.
Le reportage interroge sur le patrimoine : après avoir fait le choix de la destruction, Troyes fait celui de la restauration pour se doter d’une image attractive notamment au plan touristique. Pour les habitants, c’est aussi la question de la mémoire de la ville qui se joue (elle se joue aussi dans cette ville sur le patrimoine industriel à l’abandon). Pour la collectivité, un autre enjeu émerge : la restauration du centre se traduit par une gentrification qui modifie la sociologie du Bouchon, repoussant à la périphérie les populations défavorisées qui occupaient des logements souvent insalubres. Les questions de la fragmentation socio-spatiale et de la mixité sociale sont donc posées ici, sous couvert de beau et d’esthétique.
Transcription
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