La place Ducale, symbole de Charleville-Mézières
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L’aménagement de la place ducale de Charleville-Mézières est l’acte fondateur d’une cité nouvelle au début du XVIIe siècle, aux marges du royaume de France. Cette immense place se caractérise par son unité architecturale qui confère une identité à la ville, même si la question du dynamisme économique se pose aujourd’hui
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
12 sept. 2014
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Contexte historique
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
En octobre 1966, les communes de Charleville, Mézières, Montcy-Saint-Pierre, Mohon et Etion fusionnent pour former Charleville-Mézières. Depuis le début du XIXe siècle, plusieurs projets avaient échoué mais cette fois la rivalité vieille de plus de 450 ans entre Mézières et Charleville s’efface pour doter le département des Ardennes d’une nouvelle capitale. Et c’est en quelque sorte Charleville qui a triomphé de Mézières, la vieille cité des bords de Meuse, appartenant au royaume de France, place forte réputée mais endormie, alors que la cité nouvelle de Charles de Gonzagues est devenue un pôle économique dynamique.
La rivalité entre les deux villes est née au début du XVIIe siècle avec la décision du jeune gouverneur de Champagne, Charles de Gonzague, neveu de Henri IV, et prince d’Arches d’ériger sur cette principauté indépendante du royaume (jusqu’en 1708) une ville nouvelle qui porterait son nom. Le premier quart du siècle voit donc naître Charles-ville, voulue par un prince d’origine italienne influencé par la Renaissance.
C’est sûrement là qu’il faut chercher l’origine du projet. En Italie se multiplient les réflexions et les projets sur la cité-Etat idéale, alors que la vieille ville médiévale apparaît inadaptée à la vie moderne. On pense rues larges, constructions symétriques, circulations facilitées, le tout au service des ambitions politiques et économiques des princes. Parmi les projets les plus connus, citons la Cité idéale (Galerie nationale d’Urbino) qui aurait été commandé par le prince Frédéric de Montefeltre, duc d’Urbino mais dont l’auteur fait l’objet de controverses.
Charleville n’est d’ailleurs pas le seul exemple de cité idéale dans la France du XVIIe siècle : le cardinal de Richelieu fait construire sur ces terres de Touraine un vaste château et lui accole une ville nouvelle qui porte son nom. Si le château a aujourd’hui disparu, la ville offre encore un exemple particulièrement conservé d’urbanisme géométrique, avec grande rue, hôtels particuliers à l‘identique, places et portes monumentales. On y retrouve les principes qui guident le projet de Charles de Gonzagues.
Celui-ci, pour réaliser son projet, s’adjoint les services de Clément Métézeau, dont le cousin Louis construit, à la même époque, la place des Vosges à Paris, une place à l’architecture très proche, même si le projet parisien est un peu plus vaste et dominé par les deux pavillons royaux qui se font face. On y retrouve cependant la même structure et les mêmes matériaux de construction.
Le plan d’origine comprend une vaste place quadrangulaire à laquelle aboutissent les quatre principales rues divisant la ville en autant de quartiers égaux ; trois autres places plus petites, des rues rectilignes, un palais, un hôpital, des églises et un moulin sont prévus. Pour hâter son développement, des privilèges nombreux lui furent accordés par Charles de Gonzague, avec l’espoir d’attirer artisans et commerçants. C’est donc un immense chantier qu’entreprend le jeune architecte Métézeau. Il le mène à bien pendant près de 20 ans, mais en 1625, le duc le modifie pour faire construire un palais ducal sur la place. Surtout ses finances ne lui permettent pas de poursuivre plus avant son projet : l’attractivité n’est pas au rendez-vous, la place restant un décor vide pendant un siècle, faute d’attirer marchands et population, dans une région au coeur de l’Europe de la Guerre de Trente Ans.
L’essor de Charleville attend le XIXe siècle avec le développement des industries métallurgiques qui font la fortune de la ville. Au XXe siècle, la place est livrée à l’automobile et les destructions de la Seconde Guerre mondiale ne sont pas réparées. Il faut attendre la fin du siècle pour que le patrimoine carolomacérien soit mis en valeur et que la ville se le réapproprie, pour obtenir en 2013 le label "Ville d’Art et d’Histoire".
Éclairage média
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
Le reportage de France 3 Champagne-Ardenne appartient à une rubrique baptisée "Ici et pas ailleurs" qui présente des sujets locaux avec un regard toujours un peu décalé et un ton léger. Ici, le sujet porte sur la place ducale de Charleville-Mézières, emblème de la ville.
Le reportage débute par un panorama filmé depuis la fontaine au centre de la place. Il permet de se rendre compte des dimensions impressionnantes du lieu, la place faisant un rectangle de 127 mètres de long et de 90 mètres de large. La valeur patrimoniale est aussitôt associée à notre temps : des enjeux économiques sont énoncés par différents commerçants de la place soulignant que l’attractivité de la ville, notamment auprès des touristes, repose sur ce lieu.
Pour aborder la question du patrimoine et de l’histoire, la parole est donnée à un historien et un architecte. Le reportage fait ici œuvre de pédagogie en utilisant une vue en contre-plongée pour donner à voir l’ensemble et à l’infographie pour accompagner la parole de l’architecte. C’est l’occasion de rappeler que la Renaissance marque le retour de la géométrie. Le reportage souligne aussi un fait disparu : la ville a longtemps été un lieu où les couleurs sont omniprésentes, ce que les sons et lumières tentent de montrer à notre époque. Les influences extérieures sont soulignées au travers de la référence à Florence (recherche de proportions harmonieuses, symétrie selon un axe médian, égalité des travées avec des fenêtres espacées régulièrement) et des toits flamands à forte pente : les deux grands foyers artistiques de l’Europe sont ainsi présents et ont marqué de leur influence la cité ardennaise, même si les matériaux utilisés sont locaux et contribuent à l’unité architecturale de la ville. La place utilise en effet la pierre jaune, dite "pierre de soleil" issue des anciennes carrières de Dom-le-Mesnil. C’est une pierre calcaire que l’on retrouve aussi dans les carrières de Lorraine et qui a servi pour de nombreuses constructions à Metz. L’intervention de l’historien sur le rôle économique de la place dont le duc veut faire un centre commercial et artisanal sert de transition dans le reportage pour revenir à notre temps.
Les enjeux économiques sont exprimés par des commerçants de la place. Le reportage témoigne d’une certaine nostalgie. La question posée ici est celle du commerce de centre-ville dans un centre historique de ville moyenne. On est sur une problématique qui concerne beaucoup de villes de taille moyenne : garder une attractivité commerciale en centre-ville face aux zones commerciales de périphérie. La place ducale est confrontée à cette difficulté dont commerçants et élus semblent avoir conscience : la collectivité doit mettre en valeur la place sur le plan patrimonial pour que l’activité commerciale puisse subsister voire se développer. Charleville est victime, comme toutes les Ardennes, de représentations négatives qui pèsent sur l’activité touristique : une image de terre industrielle et un territoire sans charme. Transformer la place ducale en place-musée pour les touristes ne peut donc offrir des débouchés suffisants aux commerçants locaux qui doivent pouvoir attirer aussi la population locale. On est donc bien dans une concurrence commerciale centre-périphérie. Le forain qui exploite le carrousel souligne d’ailleurs les limites de la patrimonialisation : la place doit vivre avec l’aide des pouvoirs publics.
Le reportage permet donc une immersion dans la période moderne et ses conceptions urbanistiques mais il interroge aussi le devenir des centres-villes anciens dans les villes petites et moyennes qui sont peu attractives. Charleville est en effet caractéristiques des agglomérations de 50 à 100 000 habitants, qui bénéficient de fonctions administratives, politiques et commerciales, mais qui peinent à être attractives pour attirer entreprises et population active diplômée, et à faire vivre leur centre-ville.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Laurence Laborie
Elle est l’un des symboles de Charleville-Mézières, Ici et pas ailleurs vous propose de redécouvrir la place Ducale, son histoire, ses secrets et ses fidèles, Sandra Julien nous la présente sous un autre angle.
Sandra Julien
Bienvenue à Charleville-Mézières.Pourquoi ici et pas ailleurs pour cette magnifique place Ducale où nous sommes actuellement.Il y a une vie sur ces pavés, sous ces arcades et derrière ces murs, des murs qui ne semblent pas avoir vieillis et qui ont vu bien des choses depuis le XVIIème siècle.
Vincent Delogne
S’il y a une place sur laquelle on peut viser une petite réussite sur Charleville, c’est vraiment la place Ducale.
Maurice Ben Meyer
On tombe facilement amoureux de cette place, d’autant que je suis Parisien et né à Paris, et que j’ai une place similaire à la place Ducale qui est la place des Vosges.
Vincent Delogne
Tous les touristes qui viennent ici sont subjugués par la beauté de notre place, c’est vrai qu’on a un gros pouvoir d’attraction grâce à l’architecture.
Sandra Julien
Le visiteur est d’abord surpris par l’espace, immense, et c’est peu dire.Et puis, son regard s’arrête sur les façades qui l’entourent.Ici, tout est régulier, et fonctionne sur un rythme quaternaire.
Emmanuel Fleury
Donc on a quatre travées verticales, et quatre niveaux horizontaux.Les niveaux horizontaux, c’est le niveau des arcades, ces arcades d’ailleurs qui filent sur trois côtés de la place et qui unifient l’ensemble des pavillons au niveau du rez-de-chaussée et au niveau des commerces, vous avez deux niveaux du corps principal du bâtiment et ensuite, vous avez un niveau qui est la particularité aussi de ces pavillons, ce sont de grandes lucarnes flamandes avec un œil de bœuf de chaque côté.
Sandra Julien
Imaginez ce monument.Avec des portes vert foncé, des menuiseries orangées, des ardoises violines et des faîtages dorés.Un style très XVIIème, très baroque, très florentin.
Emmanuel Fleury
Vous avez la structure, l’ossature qui est faite en pierre de taille, c’est une pierre locale, la pierre de Dom-le-Mesnil, et vous avez le remplissage qui est fait de briques qui étaient cuites dans des briqueteries qui étaient autour de la ville.Donc cette brique, elle avait des irrégularités, et pour gommer ces irrégularités, on repassait dessus une peinture qui redonnait une couleur homogène, et ensuite, au blanc de plomb, on redessinait les joints des briques.
Sandra Julien
La place Ducale, point de départ d’une cité idéale, à la fois belle, utile et active.Une cité sortie tout droit de l’imagination de Charles de Gonzague.
François Allard
Alors le projet de la ville de Charleville a été initié par un jeune prince qui avait 26 ans, qui était héritier des ducs de Mantoue en Italie, en Lombardie, et des ducs de Nevers, il était aussi gouverneur de Champagne et prince d’Arches.Et c’est sur la localité d’Arches qu’il a hérité de sa mère et bien, que ce jeune prince aura ce projet d’initier un nouveau pôle économique et, il va recruter un tout jeune architecte qui a 26 ans tout comme lui, Clément Métezeau, dans le projet de la nouvelle ville, ce pôle économique vient comme une nouvelle solution aux affaires marchandes sur le fleuve.Donc, la place Ducale est dédiée aux affaires marchandes, Charles de Gonzague va ouvrir la place aux marchands, et il va distribuer des avantages fiscaux et matériels à tous ces manufacturiers, à tous ces artisans, ces ouvriers qui vont s’installer place Ducale.
Sandra Julien
Parmi les institutions de la place Ducale, les magasins Jeanteur, ou encore, le chapelier Raymond, le poissonnier Masse, et le Cardinal, anciennement [L’ami Chat].
Guy Barbara
C’est un établissement qui a toujours eu une excellente renommée, lorsqu’il y avait un très gros marché sur la place Ducale, cet établissement était ouvert aux environs de 4 heures du matin, et vous aviez tous les professionnels du marché qui se précipitaient sur les coups de 6-7 heures pour manger une très bonne entrecôte, à l’époque, on buvait quand même son petit canon.
Sandra Julien
Sous ces arcades, des commerces ont fermé et d’autres ont vu le jour.En fait, l’activité n’a jamais cessé place Ducale.Et, personne ici ne souhaite qu’elle s’arrête un jour.
Vincent Delogne
On s’est arrangé, on a fait un petit montage financier puis on s’est associé avec mon père afin de racheter cet établissement qu’on a reconverti, qui avait été fermé 3-4 ans, que la propriétaire des murs avait repris une activité bar uniquement et donc, nous, on a relancé complètement le restaurant.
Maurice Ben Meyer
Plus il y a de commerces ouverts plus on se sent en osmose commerciale, et de ce fait, on est effectivement plus content on va dire, plus heureux.Maintenant, il arrive qu’il y en ait certains qui ont des jours de fermeture en semaine, bon, ils sont fermés et ma foi, on vit avec hein !
Dominique Boutillier
Les mentalités ont évolué un peu au fil du temps, au départ, c’était un peu difficile de la dynamiser, aujourd’hui, on voit qu’il y a un attrait quand même notamment en période estivale.La municipalité s’engage à redynamiser un peu le centre-ville ce qui est, pour les commerçants, essentiel pour la ville, la place publique, c’est la place du peuple, c’est important.
Sandra Julien
Merci madame, au revoir.Merci beaucoup.Moi je l’aime bien cette place Ducale.Elle a une âme et puis elle a du charme.Allez, à très bientôt, ailleurs, en Champagne-Ardenne.
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