Ekwateur, un concurrent audacieux qui déstabilise le monopole d’Electricité de Strasbourg
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Le marché de l’énergie français, nationalisé depuis 1946 s’est ouvert à la concurrence sous l’impulsion européenne. Depuis le 1er juillet 2007, les clients domestiques peuvent librement choisir leurs fournisseurs. Et pourtant, ils restent, pour plus de 500000 foyers bas-rhinois, toujours fidèles à Electricité de Strasbourg, le fournisseur historique du département. C’est cette clientèle que l’entreprise Ekwateur va chercher à séduire en proposant une offre d’énergie plus verte et diversifiée, à prix plus bas.
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Date de publication du document :
11 mai 2021
Date de diffusion :
02 juil. 2018
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Contexte historique
ParProfesseure certifiée de sciences économiques et sociales au lycée Michel de Montaigne de Mulhouse
C’est en signant l’Acte unique européen en 1986, entré en vigueur le 1er juillet 1987 que les 12 Etats membres de la CEE (Communauté économique européenne) franchissent un pas de plus vers la construction du grand marché unique. Cela signifie un marché européen garantissant et fonctionnant avec une concurrence libre, loyale et non faussée. Cette politique européenne de la concurrence, mise en œuvre par la Commission européenne, vise à limiter le pouvoir de marché que les entreprises cherchent à acquérir en situation de concurrence imparfaite. Quatre grandes catégories de pratiques anti-concurrentielles sont surveillées : les ententes entre entreprises, les abus de position dominante, les concentrations d’entreprises et enfin les aides publiques soutenant des entreprises nationales. C’est pourquoi le marché de l’énergie en France, monopole public depuis 1946, n’échappera pas aux directives européennes sur l’ouverture à la concurrence.
Cette ouverture à la concurrence du marché de l’électricité est progressive et rythmée par les directives européennes et leurs transpositions dans la législation nationale. C’est en 2007 que la France achève cette transposition. Après les industriels les plus énergivores en 1999, les professionnels et collectivités locales en 2004, c’est au tour des quelques 30 millions de clients particuliers d’avoir la liberté de s'approvisionner en électricité auprès de fournisseurs dits « alternatifs », comme par exemple l’entreprise Ekwateur, le premier concurrent d’Electricité de Strasbourg.
Le processus de libéralisation n’est pas total. Seuls certains pans du marché de l’énergie ont été libéralisés. La chaîne de valeur de l’énergie se décompose principalement en quatre étapes : la production (fourniture), le transport, la distribution et la vente. Seules la fourniture et la vente d’électricité sont soumises aux règles de la concurrence. Les activités de transport et de distribution restent garanties par une structure de marché monopolistique. En effet, certains monopoles publics sont des monopoles dits naturels. Cela signifie que les coûts fixes en termes d’infrastructures, par exemple, sont si élevés qu’ils constituent des barrières à l’entrée pour de potentiels concurrents. La structure de marché qui s’impose alors « naturellement » est le monopole, car seule la réalisation d’économies d’échelle, à savoir augmenter les quantités produites afin de diminuer le poids des coûts fixes dans le coût total, permet d’assumer ces coûts, souvent financés de fait par la puissance publique.
Si en 1946 une loi fédère tous les fournisseurs d’électricité en une seule entité, EDF (Electricité de France) et crée un monopole d’Etat dont l’objectif est de reconstruire le réseau de transport de l’énergie et garantir une offre de service public sur l’ensemble du territoire, certains distributeurs, parce qu’ils appartiennent à des communes et qu’ils ont joué un rôle historique important dans la construction des réseaux de distribution, ont refusé la proposition de nationalisation et ont échappé à cette loi. C’est le cas notamment pour Electricité de Strasbourg, qui est une ELD, une Entreprise Locale de Distribution. Ces régies locales sont en charge de la distribution et de la fourniture de l’électricité. Elles restent localement, malgré l’ouverture à la concurrence de 2007, en situation de quasi-monopole. Elles couvrent 5% du territoire et assurent l'approvisionnement en énergie de 5% des consommateurs, selon le site Selectra, le comparateur en ligne des fournisseurs d’énergie.
Plus d’une décennie s’est écoulée depuis l’ouverture de ce marché à la concurrence et le bilan reste mitigé. Les acteurs historiques ont conservé leur position dominante. En juin 2018, seuls 20% des consommateurs d’électricité s’alimentent auprès de fournisseurs alternatifs. L’effet prix attendu de la libéralisation du marché reste assez limité. Le prix du kWh, par exemple, peut être en moyenne de 3 à 5% plus faible que celui d’EDF. Les avantages pour le consommateur, seraient davantage du côté de la diversification de l’offre plus innovante, plus verte aussi, à l’image de l’entreprise Ekwateur, fournisseur d’énergie 100% verte.
Enfin, de nouveaux comportements de consommation se développent. De l’autoconsommation à la tentation de créer des boucles locales afin de s’affranchir du réseau, voici quelques exemples de nouveaux défis à relever par les fournisseurs d’énergie pour rester dans la course aux parts de marché. Et dans cette compétition, il se pourrait bien que les fournisseurs « alternatifs », de structures plus petites et plus flexibles, déjà engagés dans une logique d’innovation et de différenciation de produits afin de faire face aux positions dominantes des mastodontes traditionnelles, soient finalement mieux armés que ces dernières
Éclairage média
ParProfesseure certifiée de sciences économiques et sociales au lycée Michel de Montaigne de Mulhouse
S’interroger sur la persistance du quasi-monopole d’Electricité de Strasbourg (ES), dans le Bas-Rhin, 11 ans après l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité est l’objet de ce reportage de France 3 Alsace du 2 juillet 2018. Les journalistes, Grégory Fraize et Christian Laemmel tentent en outre de présenter les avantages de la concurrence du point de vue du consommateur et les stratégies mises en œuvre par les offreurs pour accroître ou maintenir leurs débouchés.
Le lancement du reportage sur le cas particulier de Nicolas Meyer, un consommateur bas-rhinois quittant Electricité de Strasbourg pour souscrire un contrat auprès de l’entreprise EkWateur, donne le ton. La concurrence, comme le dit la théorie économique, libre et non faussée, est favorable aux différents acteurs présents sur le marché : les offreurs (producteurs) et les demandeurs (consommateurs). Les offreurs vont pouvoir entrer sur le marché librement, sans barrière à l’entrée et proposer des produits diversifiés, innovants à des prix plus faibles afin de gagner des parts de marché. Les demandeurs vont, de leur côté, bénéficier de cette émulation du côté de l’offre en accédant à un plus grand choix de produits, moins chers et de meilleure qualité. Le focus sur la facture d’électricité allégée de Nicolas Meyer permet de mettre en exergue les avantages de l’arrivée de ce nouveau fournisseur d’électricité : une meilleure satisfaction des besoins du consommateur et des perspectives de croissance pour l’entreprise Ekwateur.
Lancée en 2016, Ekwateur se présente comme un « fournisseur collaboratif d’électricité 100 % verte». Ekwateur ne produit pas d’électricité, mais l’achète et la revend. « Notre métier, c’est de la gestion de flux », décrit son président, Julien Tchernia. Les sources et l'origine de l'électricité chez EkWateur sont uniquement hydrauliques et françaises.
Sur un marché concurrentiel, les offreurs vont chercher à diversifier leur produit en jouant sur les déterminants de la demande. Cela peut être le prix, et là, c’est la loi de la demande (plus le prix baisse, plus la demande augmente). Mais pour gagner des parts de marché, il faut aussi avoir d’autres arguments pour fidéliser la clientèle par exemple, et agir sur des déterminants plus subjectifs de la demande. Un service-client à l’écoute, une offre 100% verte, un produit « made in France » sont autant d’atouts que cette jeune entreprise cherche à développer pour casser le monopole historique d’Electricité de Strasbourg.
Pour autant, malgré le dynamisme affiché d’Ekwateur ou encore l’évolution de la législation depuis 10 ans, les obstacles demeurent. Ils sont essentiellement de deux ordres. Le premier est la conséquence du monopole historique d’Electricité de Strasbourg, qui profite d’un fort capital confiance des consommateurs et de leur fidélité. En outre, ce sont des consommateurs peu enclins à changer de fournisseur par commodités. Le second est la conséquence d’une stratégie délibérée d’Electricité de Strasbourg de mise en place de barrières à l’entrée. Le blocage serait informatique. En effet cette ELD (Entreprise Locale de Distribution) assure sur le marché local aussi bien la fourniture d’électricité que sa distribution. Or cette dernière reste une activité garantie par un monopole public, ici la filiale ES, réseaux du groupe Electricité de Strasbourg. La loi contraint les gestionnaires de réseaux à fournir en toute transparence les informations sur les réseaux, les relevés de compteurs etc… à tous les fournisseurs d’électricité, alternatifs ou non. Or à Strasbourg, le format informatique de ces données est spécifique et engendre des coûts supplémentaires pour les nouveaux entrants pour développer des systèmes informatiques compatibles. Des coûts qui peuvent dissuader les petites structures d’entrer sur ce marché. Une stratégie qui semble fonctionner. A ce jour, Ekwateur est toujours la seule entreprise qui concurrence l’Electricité de Strasbourg, alors qu’on dénombre une trentaine de fournisseurs d’électricité en France.
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