L'hôtel Le Vergeur : conserver le patrimoine rémois
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Résumé
Dans le centre de Reims, l’hôtel Le Vergeur raconte le passé architectural d’une ville détruite lors de la guerre 1914-1918. Le bâtiment a été fondé au début du siècle dernier par une mécène et collectionneur propriétaire des lieux. Il permet de faire un voyage dans l’histoire médiévale et Renaissance de la ville, grâce au souci de conservation de la Société des amis du vieux Reims.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
21 janv. 2009
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Contexte historique
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
Situé au cœur de la ville de Reims, dans la Marne, le musée-hôtel Le Vergeur porte le nom du propriétaire des lieux au XVIe siècle. Nicolas Le Vergeur, un bourgeois enrichi par la gabelle (l’impôt sur le sel), a en effet racheté une propriété du XIII° siècle pour l’agrandir et la transformer, à partir de 1520, en hôtel Renaissance d’inspiration italienne. Cela explique la présence de
bâtiments issus de deux périodes distinctes. L’hôtel est alors situé dans le quartier des hôtels particuliers rémois, propriété de nobles et de riches marchands.
Au milieu du XIXe siècle, les lieux deviennent la propriété de la famille Krafft. Krafft fait partie de ces familles allemandes (Krug, Deutz, Piper) qui viennent chercher fortune dans le négoce de champagne à une époque où celui-ci commence à se diffuser au-delà des frontières. Krafft est ainsi associé à Roederer et bâtit une jolie fortune qui lui permet d’être propriétaire d’un château dans la Marne, et de deux hôtels particuliers, à Paris et Reims. Son fils Hugues est destiné à reprendre les affaires familiales, mais il préfère la vie mondaine, l’aventure (il est un temps militaire) et surtout les voyages à travers le monde (surtout en Asie) d’où il rapporte objets et photographies qui lui valent une certaine notoriété dans les cercles érudits parisiens. Il constitue ainsi une riche collection d’objets dont le musée abrite encore une part.
Malade, Krafft doit cesser ses voyages. Il poursuit cependant une activité culturelle intense en étant membre de multiples sociétés, de géographie, d’archéologie… Avant la Première Guerre mondiale, il crée ainsi la Société des amis du vieux Reims dont il est le premier président. C’est surtout avec la guerre que son engagement en faveur du patrimoine rémois se manifeste. La ville est en effet très largement détruite, notamment son emblématique cathédrale, mais aussi de nombreux bâtiments anciens, dont il ne reste debout, en 1918, que les façades. L’hôtel Le Vergeur est ainsi en ruines. Krafft décide de consacrer sa fortune à sa reconstruction à l’identique. Quand il meurt en 1935, il lègue ainsi à la Société des amis du vieux Reims un écrin pour accueillir l’association et ses collections personnelles, mais aussi des vestiges d’autres hôtels rémois jamais reconstruits. En effet, l’ampleur des destructions ne permet pas la reconstruction de toute la ville, malgré les dons venus des États-Unis et l’architecture art déco se substitue un peu partout dans la ville à l’architecture d’avant-guerre.
Aujourd’hui encore, le musée, privé, est la propriété de la Société et des donateurs enrichissent ses collections, notamment de gravures de Dürer (des thèmes religieux : l’Apocalypse et la Grande Passion) ou d’oeuvres liées à l’histoire locale (des bustes de la famille Pommery, une des grandes maisons de champagne). Le musée offre donc des collections éclectiques : son fondateur a légué une importante collection d’objets et de meubles orientaux, mais aussi des milliers de plaques photographiques issues de ses voyages. Sont venus s’ajouter ces dons qui ont aussi permis de constituer une collection de près de 200 peintures du XVIe au XIXe siècle ou encore des objets de l’époque gallo-romaine.
L’histoire de ce musée est donc une histoire de patrimoine détruit, reconstruit et transmis, mais c’est aussi une histoire de l’intégration dans la vie champenoise de familles allemandes, rapidement devenues françaises, qui ont joué un rôle important dans la prospérité de l’économie locale par leur savoir-faire commercial, et c’est enfin l’histoire de Reims, et même de la France, comme le montre le reportage. Il nous renseigne sur la constitution de ce patrimoine, ce qui fait la valeur mémorielle commune des objets et des lieux : que conserve-t-on selon les époques ? quel sens donne-t-on à cette conservation, à l’époque où on fait le choix de la conservation, et à notre époque ? Comment conserver et donner à voir pour maintenir la mémoire collective ?
Éclairage média
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège François Legros de Reims
Le reportage de France 3 Champagne-Ardenne nous fait découvrir le musée-hôtel Le Vergeur de Reims, en compagnie d’Amélie Beaujouan, responsable des collections du musée. Comment le musée nous permet-il de raconter l’histoire rémoise et nationale ?
La localisation du musée est d’abord un rappel de l’histoire antique de la ville, la cité des Rèmes, devenue Durocortorum au Ier siècle après JC, et capitale d’une province de l’Empire. Sur la place devant le musée, se trouvent encore les vestiges du forum romain, et on visite les cryptoportiques qui accueillaient les échoppes des marchands. Le quartier demeure le centre du commerce local quand Nicolas le Vergeur devient propriétaire des bâtiments du XIIIe siècle, à côté de l’hôtel des Comtes de Champagne. C’est lui qui donne à l’hôtel l’aspect Renaissance que nous lui connaissons.
Le reportage ne s’arrête que sur les façades du musée. Côté rue, l’hôtel est composé de quatre parties dont l’une est de style Renaissance, avec sa tourelle, et trois autres nous rappellent le pan de bois, mélange de poutres en chêne le plus souvent et d’un torchis, sur un étage en pierre, le tout surmonté d’une toiture en partie en tuiles de châtaigniers. La présence des fenêtres à meneaux indique une reprise du bâtiment à la Renaissance pour agrandir les ouvertures. Côté cour, on retrouve le Moyen-Âge au travers du plus vieux bâtiment de l’hôtel, une vaste salle d’apparat percée de plusieurs fenêtres en tiers-point typique du XIIIe siècle.
La partie la plus connue de cette cour intérieure est justement constituée des apports de Le Vergeur à partir des années 1520. Le plus important est la façade Renaissance sur laquelle s’arrête notre guide. Nous avons là une série d’éléments caractéristiques de la période, en rupture avec l’architecture médiévale. Entre la Guerre de Cent Ans et les Guerres de religion (environ 1480 – 1560), la paix permet un renouveau commercial de la Champagne, et l’enrichisssement d’une bourgeoisie marchande. Bourgeois et aristocrates, ouverts aux deux grands courants de la Renaissance (Italie et Flandre), tolérants, soutiennent la venue d’artistes étrangers et les artistes locaux, qui donnent naissance notamment à une école de sculpture champenoise (la Mise au tombeau de l’église de Chaource) et du vitrail. Les ouvertures tout d’abord sont beaucoup plus nombreuses, signe que le bâtiment a perdu sa fonction défensive pour celle résidentielle qui exige plus de lumière. Les pilastres à chapiteaux contribuent à l’élévation du bâtiment, à la régularité et à la simplicité de la façade. L’ornementation est plus riche avec les frises et les médaillons qui habillent une partie de la façade. Ces médaillons montrent des visages de profil. Sous le toit, la frise montre des scènes de combats dont l’une correspond à la conquête des Amériques. Au travers de ce thème comme de l’inspiration italienne de la façade, nous pouvons constater la circulation des idées : Le Vergeur ne semble pas quitter beaucoup Reims mais les influences extérieures touchent la ville et ses élites.
Le reportage s’arrête enfin sur une des originalités remarquables du musée : il est le lieu de conservation d’éléments architecturaux d’hôtels particuliers détruits au moment de la Première Guerre mondiale et jamais reconstruits mais qui ont été mis à l’abri ici, dans ce qui constitue un musée lapidaire. Notre guide s’arrête en particulier sur un élément de façade avec balcon qui aurait accueilli la reine Marie-Antoinette pour le couronnement de Louis XVI en 1775. Il s’agit en fait d’un vestige de l’hôtel de la famille Lagoille de Courtagnon, un avocat du Parlement de Reims. L’hôtel, situé entre la cathédrale et la basilique Saint-Rémi, aurait été utilisé par la reine pour suivre le cortège royal.
Au travers de cet hôtel c’est donc toute l’histoire de Reims qui est convoquée, et un peu de l’histoire de France, montrant au passage l’importance de la capitale champenoise dans l'histoire nationale.
Transcription
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