Cérémonie d’hommage au Maréchal Lyautey à Thorey-Lyautey
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Tous les ans, le village de Thorey-Lyautey, en Meurthe-et-Moselle, honore la mémoire du Maréchal Hubert Lyautey, officier colonial, créateur du protectorat français au Maroc en 1912. On évoque son action coloniale et de la mémoire de celle-ci en France et au Maroc. En 2018, un hommage a été rendu à sa femme, Inès Lyautey qui s’engagea, comme infirmière dans les colonies.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
09 juil. 2018
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
Hubert Lyautey (1854-1934) est une figure bien connue de l’imagerie coloniale de la Troisième République. Son parcours permet d’étudier la politique coloniale du régime en abordant « les territoires de la colonisation et le fonctionnement des sociétés coloniales » (en Première technologique) et « l’expansion coloniale française : les acteurs, les motivations et les territoires de la colonisation » ou encore « le fonctionnement des sociétés coloniales (affrontements, résistances, violences, négociations, contacts et échanges) » (en Première générale).
Né à Nancy, Lyautey étudie au lycée impérial (actuel Lycée Poincaré) avant de quitter la Lorraine pour intégrer Saint-Cyr et monter dans la hiérarchie militaire. Homme de plume autant que d’action, il vient d’un milieu conservateur et catholique. Son légitimisme (attachement à la dynastie des Bourbons considérée comme légitime) ne lui porte pas préjudice dans cette IIIe République où l’armée est progressivement devenue la « Grande muette » (elle ne doit pas jouer de rôle politique et le droit de vote est retiré aux militaires). Si le service militaire contribue à enraciner la Nation et les valeurs républicaines, l’Affaire Dreyfus permet à la IIIe république de mettre l’armée au pas. Il développe des conceptions nouvelles du rôle de l’armée et des officiers, il souhaite dépasser le clivage entre civils et militaires dans l’Empire colonial, qui lui valent une notoriété grandissante et une admission à l’Académie française en 1912. Bien qu’anticonformiste, il s’inscrit pleinement dans le projet colonial dont il devient l’un des héros. A partir de 1894, Lyautey y trouve un exutoire à son besoin d’action. Il accumule de l’expérience au Tonkin (Vietnam), et à Madagascar, au contact de Joseph Gallieni (1849-1916), une autre grande figure de la colonisation qu’il admire. Même s’il n’hésite pas à utiliser la force, la colonisation voulue par Lyautey se distingue en grande partie des brutalités les plus extrêmes (la mission Voulet-Chanoine au Tchad en 1899 voit les militaires massacrer des civils). Il s’inspire du modèle colonial britannique de l’indirect rule qui consiste à s’appuyer sur les élites traditionnelles locales sans hésiter à jouer les uns contre les autres. De 1903 à 1910, il occupe différents postes de commandement en Algérie, à la frontière avec le Maroc, sultanat soumis aux convoitises européennes auquel il s’intéresse de plus en plus. Suivant Gallieni, qu’il s’est choisi comme mentor, il a l’occasion de mettre en pratique ses principes d’une manière très pragmatique, toute britannique : progression en « tâche d’huile », association des élites. Il s’oppose à l’assimilation qui passe par l’acculturation et vise à faire des colonisés de véritables Français dont il dénonce les conséquences en Algérie. Lui, le catholique social traversé par le doute, est fasciné par l’islam, tout comme Isabelle Eberhardt (journaliste et écrivaine convertie à l’islam soufi) qu’il rencontre dans le Sud-Oranais.
Sa postérité reste liée à son action au Maroc où il est résident général (1912-1925), alors que la France vient d’imposer son protectorat à une dynastie alaouite en difficulté. La colonisation du Maroc constitue un cas à part dans l’empire français. Cette singularité doit beaucoup à la personnalité et au charisme de Lyautey qui a bénéficié, pendant une durée exceptionnelle, de moyens et d’une grande autonomie. Son statut lui donne la main sur les aspects civils et militaires. Il est ainsi un véritable « proconsul » tout en se montrant excessivement respectueux à l’égard du sultan (ce qui convient bien à son royalisme). L’action de Lyautey au Maroc est donc peu entravée par Paris, accaparée par la Grande guerre (Lyautey est brièvement ministre de la Guerre dans le gouvernement Briand en 1916-1917, ne pouvant empêcher les offensives de Nivelle qu’il désapprouve), comme par les colons qui, tout en étant relativement nombreux (jusqu’à 350 000), sont limités dans leurs désirs de domination plus poussée. Bien sûr, le mythe Lyautey, qu’il contribue lui-même à bâtir grâce au cercle de ses fidèles, s’inscrit en plein dans la propagande coloniale qui sous-estime les résistances. Le Maroc connait jusqu’en 1934 des combats parfois intenses, euphémisés en « pacification ». La guerre du Rif (1921-1925) lui coûte son poste, remplacé par Pétain. Mais l’usage de la force, la spoliation et l’inégalité maintenue entre Français et colonisés vont de pair avec un profond respect pour la religion musulmane. A Paris, Lyautey soutient le projet de mosquée et fait un discours en 1922 lors de la pose de la première pierre. Il organise l’exposition coloniale de 1931, apogée de l’empire et moment où le colonialisme emporte majoritairement l’adhésion des Français. Lyautey, retiré des affaires coloniales, y retrouve un rôle de premier plan. La décolonisation a peu ébranlé le mythe. Les historiens les plus consciencieux du Maroc colonial (D. Rivet, P. Vermeren) et les biographes (G. Ferragu) ont fait crédit à Lyautey de son souci de ne pas bouleverser l’identité du pays tout en l’ancrant dans la modernité. Les manipulations habituelles et le fait de jouer les Berbères contre les Arabes n’ont pu être poussées trop loin en raison des résistances des sultans, même ceux que la résidence choisissait pour leur « docilité ». La continuité dynastique après l’indépendance explique en partie ce rare cas d’une mémoire relativement positive du colonisateur dans le pays qu’il a dominé.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
Alors que de nombreux débats animent la société française sur l’héritage de la colonisation, le personnage et la mémoire de Lyautey sont assez peu convoqués par les uns et les autres. Le reportage, diffusé en juillet 2018 dans l’édition régionale du journal télévisé du midi, vient après la polémique de 2005 sur l’injonction à enseigner les aspects positifs de la colonisation (depuis retirée) et le discours controversé du président Sarkozy en 2007 sur “l’homme africain” mais avant le débat de 2020 sur la permanence des références à la colonisation dans l’espace public (statues, noms de rues…). Il est réalisé à l’occasion de la cérémonie annuelle à la mémoire d’Hubert Lyautey, décédé à Thorey en 1934. Cette cérémonie manifeste, par la personnalité et la fonction des participants, l’aspect relativement consensuel de la figure de Lyautey jusqu’à aujourd’hui en France et au Maroc, à droite comme à gauche. On aperçoit, outre le préfet de Meurthe-et-Moselle, des élus du Parti socialiste et des Républicains.
Les journalistes interrogent le consul du Maroc à Strasbourg, Khalid Afkir. Il indique que « [s]a présence témoigne de cette relation qui existe entre le Maroc et la France dont le Maréchal était l’un des instigateurs et l’un des personnages de l’histoire commune de nos deux pays ». Dans la prudence diplomatique de ces propos, on perçoit la volonté d’honorer la mémoire d’un homme qui a contribué à façonner le Maroc moderne en choisissant les hommes, en gouvernant et en aménageant le Maroc (plans d’urbanisme de Casablanca et Rabat). La dynastie des Alaouites, soumise aux volontés de la France au travers de Lyautey, est demeurée au pouvoir après l’indépendance et jusqu’à aujourd’hui. Le roi actuel, Mohammed VI, est l’arrière petit-fils du sultan Moulay Youssef qui a « régné » de 1912 à 1927. L’une des images illustrant la partie du reportage sur Inès Lyautey est d’ailleurs une photographie prise à Thorey, probablement en 1926, lors de la visite de Moulay Youssef en France, à l’occasion de l’inauguration de la mosquée de Paris. Son fils et son petit-fils (Mohammed et Hassan, tous les deux futurs rois du Maroc après l’indépendance en 1956) rendent également visite à Lyautey en 1934, quelques semaines avant son décès.
Le reportage laisse entrevoir le parc et l’intérieur du château, transformé à partir de 1923. Il s’y installe à son retour du Maroc en 1925. Le site a bénéficié en 2019 du soutien du loto du patrimoine. Lyautey avait vécu jeune dans la résidence familiale de Crévic, près de Lunéville. Mais cette demeure a été détruite par les armées allemandes en 1914, en représailles de la part d’un pays qui avait également convoité le Maroc avant 1912. Après-guerre, Lyautey préfère transformer le relais de chasse dont il a hérité dans le Saintois. Il agrandit les lieux, aménage certaines parties en souvenir de ses années outre-mer, notamment le salon marocain, reconstitué à l’étage pour recréer l’ambiance de ses séjours coloniaux, un peu à la manière de Pierre Loti recréant dans sa maison de Rochefort l’ambiance des lieux de ses voyages préférés. On aperçoit dans le jardin les restes du mausolée dont la trajectoire symbolise la complexité des mémoires de Lyautey. Conçu par ses soins pour son lieu de sépulture qu’il a voulu à Rabat, dans les jardins de la Résidence, le mausolée a été transféré par la France en accord avec le Maroc, en 1961. Le cercueil du Maréchal est alors placé aux Invalides, des éléments du mausolée étant installés dans le parc du château de Thorey, rebaptisé Thorey-Lyautey à la demande de ses habitants dès 1934. La dépouille de son épouse Inès, enterrée à Rabat en 1953, est transférée dans le cimetière de Thorey.
C’est le parcours d’Inès Lyautey qui est mis en avant dans la deuxième partie du reportage. Le Colonel Pierre Geoffroy, président de l’Association Nationale Maréchal Lyautey et de la Fondation Lyautey retrace à grands traits et de manière quelque peu hagiographique l’engagement qualifié d’humanitaire de Mme Lyautey. Veuve d’un premier mari, celle-ci est devenue infirmière et a souhaité exercer dans les colonies, notamment au Maroc, avant d’épouser Hubert Lyautey en 1909. Ce parcours permet d’évoquer l’engagement du couple, enraciné dans le catholicisme social. Le château accueille également un musée du scoutisme, trace de son attachement aux organisations de jeunesse catholique. Lyautey a en effet été Président d'Honneur des trois fédérations du scoutisme masculin français à partir de 1927. Ses nombreuses rencontres avec des prêtres à cette occasion sont une des raisons de son retour à la religion à partir de 1930.
Transcription
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