L’intégration de Strasbourg au royaume de France en 1681
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Le 23 octobre 1681, Louis XIV fait son entrée solennelle dans Strasbourg : les autorités urbaines lui remettent les clés de la ville, symbole de leur soumission à l’autorité royale, après leur capitulation le 30 septembre après un siège de deux jours mené par le marquis de Louvois. Retour sur un événement qui achève, temporairement, le rattachement de l’Alsace à la France.
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Date de publication du document :
11 mai 2021
Date de diffusion :
05 nov. 2000
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire-géographie en CPGE au lycée Montaigne à Mulhouse
Louis XIV et Marie-Thérèse entrent solennellement à Strasbourg, le 23 octobre 1681 : cette cérémonie officielle acte la reconnaissance par l’ancienne ville libre d’Empire de sa capitulation, signée par les autorités urbaines le 30 septembre 1681. La conquête de Strasbourg parachève un rattachement progressif de l’Alsace depuis la guerre de Trente Ans (1618-1648).
A l’époque, la province alsacienne n’existe pas comme un espace politique spécifique : elle se compose d’une mosaïque territoriale et religieuse, composée de villes libres, de principautés épiscopales et laïques au sein du Saint-Empire. Si la guerre de Trente Ans est au départ un conflit politique et religieux interne à l’Empire entre les princes protestants et l’Empereur catholique, il s’élargit progressivement à toute l’Europe par les jeux d’alliances. Louis XIII et Richelieu s’ingèrent dans les affaires intérieures de l’Empire en apportant leur soutien aux princes allemands protestants pour des raisons politiques et stratégiques afin de lutter contre l’hégémonie de la dynastie des Habsbourg qui règne sur le royaume d’Espagne et sur le Saint-Empire. Les traités de paix de Westphalie signés en octobre 1648 mettent fin au conflit et reconnaissent à la France des gains territoriaux, notamment une partie de l’Alsace à l’exception des villes libres, dont Mulhouse et Strasbourg.
Entre 1648 et 1672, Louis XIV a imposé de manière pragmatique sa souveraineté sur les territoires alsaciens annexés tout en ménageant les villes et les seigneurs attachés à l’empire et à leurs privilèges. La guerre de Hollande menée par Louis XIV contre les Provinces-Unies (1672-1678) replace au premier plan la question de la défense des territoires frontaliers du Nord et de l’Est. Les armées de Louis XIV interviennent en 1673 pour mettre au pas les villes de la Décapole (alliance de dix villes libres alsaciennes dont Colmar, Sélestat et Obernai) et soumettre Kehl en 1678. Les traités de paix mettant fin à la guerre de Hollande (1678-1679) entérinent la domination de la France sur la Décapole, sur Fribourg-en-Brisgau et sur la Franche-Comté.
Ce succès militaire et diplomatique incite Louis XIV à mener une politique de « réunions » (1679-1684) : il revendique des territoires au prétexte juridique qu’ils constituent des dépendances supposées des annexions concédées par le traité de Nimègue, provoquant la contestation des princes germaniques protestants. Le contrôle de Strasbourg devient alors essentiel pour redessiner les frontières françaises le long du Rhin. Une armée de 30.000 soldats menée par François-Michel Le Tellier, marquis de Louvois, secrétaire d’Etat à la Guerre, assiège la ville le 28 septembre 1861. Les autorités municipales renoncent à combattre et signent le traité de capitulation, signé à Illkirch le 30 septembre 1681. La ville se soumet en échange de la reconnaissance de la plupart des droits et des privilèges de la ville notamment la liberté de culte luthérien même si la cathédrale est restituée aux catholiques. Le roi instaure un gouverneur militaire (représentant du roi assurant la défense militaire) et un prêteur royal qui reprend les prérogatives du Magistrat (magistrature incarnant le pouvoir exécutif de la ville libre de Strasbourg) : c’est l’intermédiaire du roi et de la ville tout autant qu’un acteur de son contrôle. Strasbourg devient également le siège de l’intendant en Alsace, représentant du pouvoir central dans la province dont le pouvoir est tempéré par le conseil souverain d’Alsace à Colmar. Vauban fortifie la ville en construisant une citadelle et un barrage sur l’Ill (qui portent son nom) à Strasbourg.
La ville aurait dû être rétrocédée à l’Empire en 1704 en vertu d’une des clauses de l’accord de Ratisbonne ratifié en 1684 mais la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1689-1697) met fin à cet accord. L’annexion de Strasbourg est définitivement actée par le traité de Ryswick en 1697 et le Rhin est pensé comme la frontière entre la France et l’Empire par le traité de Rastatt en 1714 (à l’origine de l’idée de « frontière naturelle »). Il faut toutefois attendre 1798 pour que Mulhouse ne devienne française.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire-géographie en CPGE au lycée Montaigne à Mulhouse
Le reportage, réalisé en 2000, revient sur un événement majeur de l’histoire de Strasbourg : la visite de Louis XIV le 23 octobre 1681 peu après la capitulation de la ville devant les armées du roi. Il recourt à trois modalités de mise en récit de l’événement : la reconstitution historique et la mobilisation d’archives ainsi que de documents iconographiques d’époque, accompagnées d’un voix-off qui replace les faits dans leur contexte.
La reconstitution historique met la focale sur le cérémoniel accompagnant l’entrée solennelle du roi dans Strasbourg et sur l’acteur majeur du siège et de la conquête de la ville, François-Michel Le Tellier (1641-1691), marquis de Louvois. Secrétaire d’Etat à la Guerre, charge publique qu’il hérite de son père, il est un des hommes d’Etat les plus importants du règne de Louis XIV avec Colbert. Il contribue avec ce dernier au développement de l’appareil administratif, fiscal et militaire de l’Etat monarchique, que les historiens qualifient d’Etat militaro-fiscal. Si la reconstitution historique rend plus concrète la mise en scène du pouvoir de Louis XIV, par les gestes ritualisés de l’étiquette et par le decorum de l’arrivée du roi devant Louvois, dans l’actuel palais Rohan de Strasbourg, elle reflète davantage la vision de l’absolutisme royal des scénaristes que celles des historiens qui s’intéressent davantage au gouverner qu’au paraître.
Pour rappeler les étapes de l’intégration de l’Alsace à la France, le reportage revient sur le rôle de la guerre de Trente Ans et des traités de paix de Westphalie. Le tableau de Gérard ter Borch, La signature de traité de Münster le 15 mai 1648, met en scène les diplomates espagnols et flamands ratifiant le traité de Münster du 30 janvier 1648, reconnaissant l’indépendance des Provinces-Unies, en rébellion depuis les années 1560. L’acte officiel du traité de Münster a été signé le 24 octobre 1648 par les diplomates plénipotentiaires des souverains et princes catholiques alors que ceux des princes et rois protestants le faisaient dans une ville voisine, Osnabrück le même jour. La France se voit reconnaître par les autres Etats sa souveraineté sur une majeure partie de l’Alsace à l’exception notamment de villes libres alsaciennes. Jusqu’aux années 1680, Louis XIV recourt à la fois à la diplomatie et à la guerre pour obtenir des gains territoriaux. Il faut cependant utiliser avec précaution les différentes gravures qui renvoient aux violences de la guerre de Trente Ans. Le tableau de Sauveur Le Conte met en scène le rôle du Grand Condé dans la victoire décisive de Rocroi contre les troupes espagnols le 19 mai 1643, et non les guerres de Louis XIV.
La conquête et la soumission de la ville de Strasbourg font l’objet d’une abondante production artistique de propagande visant à glorifier Louis XIV. L’image de roi de guerre de Louis XIV, présent sur le champ de bataille, victorieux et stratège, a été façonnée par des peintres célèbres comme Charles Le Brun dans la Galerie des Glaces à Versailles, mais également par également par d’autres peintres officiels. C’est le cas du peintre flamand Adam-François van der Meulen, nommé peintre de l’Histoire du roi en 1672, qui a magnifié les victoires militaires du souverain (le passage du Rhin en 1672, le siège de Besançon en 1674...). Son Portrait de Louis XIV devant Strasbourg (vers 1682) est caractéristique de son style, plaçant le roi victorieux à cheval inséré dans un paysage bucolique avec en arrière-plan la vue sur Strasbourg. La remise des clés de la ville de Strasbourg à Louis XIV par le Magistrat a été célébrée par le tableau peint par Constantyn Franken et par de nombreuses gravures comme celle de Lemaître ou celle d’Henri Noblin, insérée dans l’almanach royal de 1682. La scène de remise des clés doit être mise en relation avec l’ensemble de l’almanach qui représente notamment le roi-stratège, gouvernant avec son Conseil, et décidant de fortifier la ville : c’est l’expression du gouvernement personnel de Louis XIV et la manifestation de sa souveraineté.
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