Grève au Méridional pour protester contre son rachat par Le Provençal
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L'achat du quotidien Le Méridional par le groupe rival, celui du Provençal, dirigé par Gaston Defferre, provoque des remous parmi le personnel. Celui-ci est en grève depuis dix jours pour tenter de préserver l'indépendance de ce journal, situé à droite, et pour combattre les licenciements qui menacent les salariés. Gaston Defferre tente de rassurer et affirme que Le Provençal a fait un effort pour indemniser les personnes licenciées.
Date de diffusion :
16 avr. 1971
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Le Méridional avait été fondé peu après la Libération par des journalistes proches du MRP, le parti démocrate-chrétien issu de la Résistance. Mais il avait été racheté par l'armateur Jean Fraissinet, l'un des leaders de la droite conservatrice marseillaise, propriétaire du quotidien La France de Marseille et du Sud-Est, qui avait fusionné les deux journaux le 1er février 1953 sous le titre du Méridional-La France. Ce quotidien était celui de la droite provençale (hors Alpes-Maritimes). Il rayonnait à partir de Marseille jusque dans les Hautes-Alpes, la Drôme et l'Ardèche, le Gard et l'Hérault, soit une extension comparable à celle de son rival de gauche, le quotidien de Gaston Defferre, Le Provençal, qui, en plus, s'était étendu sur la Corse et qui, dans le Var, avait fini par laisser le champ libre à République, quotidien appartenant au même groupe.
En dépit d'une clientèle couvrant toute la droite et de ses positions favorables à l'Algérie française qui lui avaient valu l'amitié des milieux rapatriés, Le Méridional - c'est ainsi qu'on l'appelait - est resté déficitaire. Lassé, n'ayant pu réaliser ses ambitions politiques, Fraissinet l'a vendu en 1966 au Progrès de Lyon, moyennant l'engagement de n'être jamais cédé à son ennemi irréductible, Gaston Defferre, maire de Marseille depuis 1953 et “ patron ” de la gauche socialiste provençale... Les pertes continuant, Le Progrès a décidé de s'en dessaisir et, par le biais de sociétés écrans, Defferre en prend le contrôle en avril 1971. L'accord de prise de contrôle est technique et publicitaire (une régie commune), mais on comprend l'émotion qui a saisi les employés du Méridional à l'annonce du rachat de leur journal, d'autant que plusieurs centaines de personnes vont être mises sur le carreau.
La grève a commencé le 8 avril, sous l'impulsion des ouvriers de l'imprimerie, les principaux touchés. La grève, interrompue le 13, vient de reprendre, trois jours après, le 16, le jour où est tourné le reportage. Elle a pris une allure violente, à la mesure de la colère des salariés et du dépit de journalistes qui faisaient cause commune avec les positions du journal et qui souhaitent préserver leur liberté d'expression. Des locaux ont été saccagés et des machines brisées. On comprend pourquoi Defferre se veut rassurant. Il s'agit de faire tomber une tension extrême et de ne pas rater une opération dont l'enjeu est important. Defferre écarte ainsi la menace d'implantation à Marseille d'un groupe de presse concurrent et il peut mieux rationaliser l'outil technique qu'il est en train de mettre en place et qui servira aux deux quotidiens, il se donne le beau rôle d'assurer la survie de la pluralité de la presse dans la région en permettant à la survie d'un quotidien qui lui reste très hostile. En effet, il s'engage à laisser Le Méridional paraître et à le laisser libre de sa ligne politique. Le mercredi 21 avril 1971, après six jours de grève, Le Méridional reparaîtra en s'excusant auprès de son lectorat pour la gêne occasionnée par la grève.
En effet, les journalistes ont décidé par 66 voix contre 34, (5 abstentions et 2 bulletins nuls) d'accepter l'accord conclu entre les directions des journaux : 48 journalistes du Méridional seront maintenus dans l'entreprise, 16 autres obtiendront un emploi dans d'autres journaux du nouveau groupe et 6 partiront en pré-retraite. L'impression du journal sera faite par Le Provençal. Outre la publicité, les pages locales seront communes. La diffusion du Méridional sera calquée sur celle de son concurrent. Ces mesures entraînent une réduction importante du personnel. Les nombreux licenciés dans le personnel technique et administratif obtiendront des indemnités et des allocations chômage. L'indépendance politique du journal, qui conditionnait la reprise du travail, est assurée. Le texte de l'accord stipule, en effet, qu'il ne doit “ pas avoir pour objet, ni pour conséquence, de priver les entreprises de leur indépendance morale, politique et idéologique, non plus que de leur liberté d'expression”. Le journaliste Gabriel Domenech, ancien député de droite dans les Basses-Alpes, lui aussi, adversaire résolu de Defferre, sera le rédacteur en chef du Méridional. Il en sera l'incarnation pendant plus de dix ans, contribuant à l'essor du Front national (dont il sera l'un des leaders à Marseille et l'un des députés en 1986). Ceci étant, le groupe Defferre a continué jusqu'à la mort de son fondateur à dominer la presse provençale, grâce aussi à une politique de modernisation et d'informatisation qui, en 1974, avec l'inauguration du Centre méditerranéen de presse, lui donne une position de pointe dans la presse quotidienne régionale. Les deux quotidiens vont subsister jusqu'au 4 juin 1997, date à laquelle le groupe Lagardère, propriétaire de l'ensemble depuis dix ans, qui a décidé de les fusionner sous un seul et même titre, sort le premier numéro de La Provence. Une page d'histoire de la presse en Provence, qui s'était ouverte à la Libération, était alors tournée.
Bibliographie :
Roger Colombani-Charles-Émile Loo, C'était Marseille d'abord. Les années Defferre, Paris, Robert Laffont, 1992.
Georges Marion, Gaston Defferre, Paris, Albin Michel, 1989.
Constant Vautravers et Alex Mattalia, Des journaux et des hommes. Du XVIIIe au XXIe siècle, à Marseille et en Provence, Avignon, Éd. Barthélémy, 1994.
Transcription
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