L'onde de choc de mai 1968
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Qui sont les héritiers de mai 1968 et où sont-ils ? Dans la région, si le mouvement social de mai a été plus calme qu'à Paris, les dix années suivantes ont aussi été déterminantes dans la libération des mœurs ou la reconnaissance des droits homosexuels. Cinquante ans après, la parole libérée permet de porter de nouvelles revendications, l'esprit de mai 1968 n'a pas totalement disparu.
Date de diffusion :
04 mai 2018
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Contexte historique
ParDocteur en Histoire contemporaine, Post-doctorant à Aix-Marseille Université
A la suite des accords de Grenelle, le soulèvement de mai 1968 a été vecteur d’acquis sociaux immédiats importants, mais son onde de choc a également engendré postérieurement d’autres luttes et conquêtes de droits dans les années 1970. C’est sur la filiation entre les luttes sociales contemporaines - féministes, LGBTI*, immigrées - et le « moment 68 » que s’articule le propos de la vidéo. En 1967, l’adoption de la loi Neuwirth, autorisant la contraception, avait permis aux femmes de retrouver la maîtrise de leur fécondité. Cette disposition législative abroge la loi du 31 juillet 1920 « réprimant la provocation à l’avortement et à la propagande anticonceptionnelle ». En 1968, trois cents mille avortements clandestins sont pratiqués en France chaque année, occasionnant la mort de plusieurs centaines de femmes. En outre, des bus partent de Marseille et d’autres villes de la région pour aller avorter à l’étranger. Le MLF (Mouvement de Libération de la Femme) créé en 1970 dénonce cette situation et milite pour le droit à l’avortement. Portée par Simone Veil, ministre de la Santé de Valéry Giscard d’Estaing, la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dépénalisant le recours à l’avortement est promulguée le 17 janvier 1975 à l’issue de débats houleux au Parlement. Les femmes militent aussi pour la défense de leurs droits devant les tribunaux à travers les procès pour viols durant lesquels des avocates féministes se saisissent de la défense des victimes pour dénoncer le traitement juridique du viol, bien souvent qualifié comme simple attentat à la pudeur. En 1978, quatre ans après le procès de Bobigny, l’avocate Gisèle Halimi obtient que le procès des agresseurs de deux jeunes touristes belges, Anne Tonglet et Araceli Castellano, se déroule devant la cour d’assise d’Aix-en-Provence pour viol tout en refusant le huit-clos. Dans un climat délétère et une intense couverture médiatique, l’avocate obtient des peines de prisons fermes contre les accusés. Deux ans plus tard, la loi proposée par Brigitte Gros du 23 décembre 1980 donne une première définition juridique au viol, lui conférant le statut de crime, que la victime soit une femme ou un homme.
Comme l’évoque la vidéo, les années 1970 sont aussi marquées par les luttes des personnes homosexuelles qui, à la suite de la création du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) en 1971, s’organisent en groupes de libération homosexuelle (GLH). Fondé en 1976, le GLH de Marseille joue un rôle essentiel, car il organise, du 15 au 21 juillet 1979, la première université d’été homosexuelle, lieu d’échange et de mobilisation pour l’abolition des lois pénalisant l’homosexualité. Il faudra attendre l’arrivée de François Mitterrand à la présidence de la République et son ministre de la Justice Robert Badinter (dont l’histoire a retenu le rôle clef dans l’abolition de la peine de mort) pour que soit adoptée, le 4 août 1982, par l’Assemblée nationale la dépénalisation de l’homosexualité.
Enfin, la vidéo donne aussi à voir les luttes des travailleurs immigrés installés dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, très majoritairement originaires de l’aire méditerranéenne, et en particulier du Maghreb. En 1973 Marseille est le théâtre d’une flambée raciste consécutive à l’assassinat d’un conducteur de bus par un Algérien dérangé mentalement, mais la véritable cause de ces meurtres est aussi à rechercher dans les plaies mal refermées de la guerre d’Algérie. La même année se déroulent des grèves de la faim de travailleurs immigrés soutenus par l’Église, dont une à la paroisse Notre-Dame de Cimiez à Nice et une autre dans la chapelle de l’Altic à la paroisse catholique universitaire d’Aix-en-Provence. Ces mouvements sociaux vont faire émerger dans l’espace public la lutte des premiers sans papiers, car ils visent à protester contre les circulaires Marcellin-Fontanet de 1972 (Raymond Marcellin est ministre de l’Intérieur et Joseph Fontanet ministre du Travail) qui assujettissent la délivrance d’une carte de séjour à la détention d’un contrat de travail et d’un logement décent. Avec l’accélération, à partir de 1974, du regroupement familial émerge peu à peu une seconde génération, qui fait irruption sur la scène publique lors de la Marche pour l’égalité et contre le racisme, débutée à Marseille le 15 octobre 1983. Le combat de ces jeunes « beurs » profite aussi aux pères puisqu’ils obtiennent la création d’une carte de séjour de dix ans mise en place l’année suivante. L’autre revendication phare, à savoir l’obtention du droit de vote pour les étrangers, n’est toutefois pas satisfaite, bien que promise dans les 110 propositions du candidat François Mitterrand.
Le souffle de mai 68 est enfin perceptible dans le renouvellement de la scène musicale contestataire, sur fond de libéralisation de la radio et de la télévision, comme l’illustre le groupe Quartiers Nord fondé en 1977.
Bibliographie
- Yvan Gastaut, L’immigration et l’opinion en France sous la Ve République, Paris, Seuil, 2000.
- Olivier Fillieule et Isabelle Sommier (dir.), Marseille années 68, Paris, Presses de Sciences Po, 2018.
- Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti, Histoire de l’avortement, (XIXe-XXe siècle), Paris, Seuil, 2003.
- Site Web de l’association Mémoires des sexualités fondée à Marseille en 1983 et qui conserve les archives privées des mouvements LGBTI évoquées ci-dessus. https://www.memoire-sexualites.org
*LGBTI : personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et les transgenres, intersexes.
Transcription
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