L'arrivée de la "Marche pour l'égalité et contre le racisme" à Paris
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La "Marche pour l'égalité et contre le racisme" partie le 15 octobre 1983 de Marseille dans l'indifférence, arrive à Paris après avoir traversé Avignon, Bourg-en-Bresse, Dijon. De 32 au départ, le nombre de marcheurs s'est accru au fur et à mesure. Issue de la "deuxième génération" d'immigrés, une jeune femme partie de Marseille attend de cette manifestation un monde meilleur...
Date de diffusion :
03 déc. 1983
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Contexte historique
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L'initiative est venue de jeunes adultes de la cité des Minguettes, à Vénissieux, dans la banlieue de Lyon, après les affrontements de 1981, au cours desquels le quartier s'était embrasé. Révoltés par les discriminations et par l'absence de perspectives d'avenir, une douzaine de jeunes décidèrent d'une grève de la faim pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur l'hypocrisie ambiante, le décalage entre les grandes valeurs républicaines et une réalité sociale catastrophique, marquée par la précarité. Ils créèrent l'association SOS Avenir Minguettes, mais sans parvenir à stopper localement la spirale des violences, alors qu'ailleurs, les crimes racistes se multipliaient. Grièvement blessé par un policier, le 20 juin 1983, Toumi Djadja eut l'idée de "s'adresser à la France entière par une grande Marche", comme celles de Gandhi ou de Martin Luther King. Ses amis et lui, inspirés par le père Christian Delorme, entendaient par cette initiative affirmer que les hommes étaient égaux, d'où son nom de "Marche pour l'égalité et contre le racisme".
La marche est partie le 15 octobre 1983 de la cité de La Cayolle, dans les quartiers Nord de Marseille, là où un gamin de 13 ans avait été tué. Elle a commencé dans une relative indifférence, mais, peu à peu, les marcheurs parviennent à attirer l'attention grâce au soutien de radios "libres" d'origine associative, Radio Gazelle à Marseille, Radio Soleil et Radio Beur à Paris, qui suivent leur périple. Les mairies s'ouvrent après le crime raciste du train Bordeaux-Vintimille au cours duquel un passager maghrébin a été défenestré par des candidats à l'engagement dans la Légion étrangère, le 18 novembre. Le 20 novembre, Georgina Dufoix, secrétaire d'État à la Famille, apporte le soutien du gouvernement. À travers le pays, les jeunes issus de l'immigration mais aussi de nombreux Français venus de toutes les régions, rejoignent les marcheurs. On voit sur le reportage des banderoles indiquant les villes de provenance (Marseille et Avignon pour la Provence). Soutenus par une partie de l'extrême gauche et de la gauche, les marcheurs arrivent à Paris le 3 décembre. Ils sont alors accompagnés par plusieurs dizaines de milliers de personnes - 100 000, dit-on - dans une ambiance de fête. Les marcheurs sont reçus ce même jour à l'Élysée par le président de la République, François Mitterrand. La Marche est devenue un événement politique historique.
Cette marche marque une étape dans l'émergence du groupe social des enfants d'immigrés - ceux que l'on commence à appeler les "beurs" - qui refusent le racisme dont ils s'estiment victimes et qui rejettent la soumission qui paraît caractériser la génération de leurs parents. Cette prise de conscience a été très largement suscitée par les flambées xénophobes que le pays a connues depuis vingt ans et par l'instrumentalisation de la peur des immigrés par certaines forces politiques, alors que le Front national est encore dans les limbes. La jeune marseillaise interviewée est représentative de cette génération qui espère une reconnaissance.
Désormais, les Beurs ont acquis une visibilité. Ils ne sont plus seulement les enfants d'immigrés invisibles, mais bien des acteurs à part entière de la société française, que vont représenter des organisations comme SOS Racisme, créée dans la foulée de la marche en 1984. La "Marche pour l'égalité et contre le racisme" devient alors la "Marche des beurs". Mais beaucoup de militants récusent cette substitution réductrice, ainsi Samia Ghali, vice-présidente du Conseil régional, devenue en 2008 maire du 8e secteur et sénatrice des Bouches-du-Rhône (PS). Pour elle, qui avait 16 ans à l'époque et qui est allé à Paris pour la première fois à cette occasion, "on a crié haut et fort qu'on existait, mais le terme beur, des expressions comme "jeunes issus de l'immigration", nous ont cantonnés dans un rôle, renvoyés à une appartenance communautaire". Quoi qu'il en soit, il y a bien eu un avant et un après la "Marche pour l'égalité".
Bibliographie :
Yvan Gastaud, L'immigration et l'opinion en France sous la Ve République, Paris, Le Seuil, 2000.
Patrick Weil, la France et ses étrangers, Paris, Gallimard-Folio, 1991.
Transcription
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