Les jeunes et la science : pourquoi tant de défiance ?
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Disponible jusqu'au 11 déc. 2023
Résumé
Une partie de la jeunesse se désintéresse des canaux d'information officiels. Les thèses développées par des influenceurs sur les réseaux sociaux sont plus souvent plébiscitées que celles travaillées par des experts scientifiques ou portées par la parole institutionnelle. Pourquoi les théories invérifiées largement diffusées sur les plateformes séduisent la nouvelle génération ?
Date de diffusion :
14 janv. 2023
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Contexte historique
ParDocteur en Histoire contemporaine, Post-doctorant à Aix-Marseille Université
Publication : 17 nov. 2023
En janvier 2023 est publiée une étude sur les jeunes et la science réalisée par l’institut de sondages IFOP pour le compte de la fondation Reboot et de la fondation Jean Jaurès auprès d’un échantillon représentatif de la population française composé de 2003 individus âgés de 11 à 24 ans. Le public cible de cette enquête est donc la génération Z, née entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, avec l’internet et hyper connectée. À la lecture des résultats une certaine corrélation apparaît entre le rejet ou la relativisation de la rationalité scientifique et l’adhésion à des croyances irrationnelles voire à des théories complotistes. Ce lien est plus fréquemment établi par les intéressés dans la cohorte la plus consommatrice des réseaux sociaux, comme les applications Tik Tok et Snapchat, ou de services de vidéos en ligne, comme You Tube aux 40 millions d’utilisateurs mensuels en France. De manière globale plus du quart (27%) des 18-24 ans remettent en cause la théorie de l’évolution, observée par le naturaliste britannique Charles Darwin dès le XIXe siècle, selon laquelle les espèces vivantes, y compris l’Homme, descendent et partagent un ou plusieurs ancêtres communs. Ils versent pour certains dans le créationnisme, théorie qui postule que les êtres humains ont été créés ex nihilo par une force spirituelle. Un jeune sur cinq (19%) souscrit à l’Alien Theory
selon laquelle les pyramides égyptiennes ont été construites par des extra-terrestres et un sur six (16%) pense que la terre est plate. La théorie conspirationniste du canular lunaire
ou Moon Hoax
, selon laquelle les Américains ne sont jamais allés sur la lune, séduit 20% de la jeunesse.
On semble donc observer une posture de plus en plus critique des jeunes vis-à-vis de la science, puisque seul un sur trois estime qu’elle apporte à l’Homme plus de bien que de mal, et cela se double d’un tendance à rechercher sur les réseaux sociaux des vérités alternatives. Un écart générationnel s’est certes creusé, car les jeunes sont deux à quatre fois plus nombreux que les séniors, selon les sujets, à adhérer à ces contre-vérités scientifiques. Mais peut-on pour autant parler d’une sécession complète de la jeunesse vis-à-vis du consensus scientifique ? La réponse à cette question s’avère négative, car moins d’un représentant sur cinq (17%) de cette génération Z perçoit négativement les bienfaits de la science sur l’Humanité. Ces jeunes font ainsi majoritairement confiance à la parole des scientifiques sur une problématique d’actualité comme celle du réchauffement climatique. En revanche les différences de capitaux culturels et économiques des familles desquelles ces jeunes sont issus, ainsi que certaines affiliations religieuses, jouent un rôle dans la plus ou moins grande porosité aux fausses informations. Les controverses entre scientifiques, exposées sur la place publique lors de la récente crise sanitaire du coronavirus, ont également constitué un terreau favorable à l’essor des théories complotistes et des fake news médicales dangereuses pour la santé, comme le fait que l’on puisse avorter sans risque avec des plantes ou en buvant un breuvage à base de légumes broyés.
La place prépondérante prise par les réseaux sociaux comme moyen choisi par la jeunesse pour se renseigner ou s’informer, et son détournement des médias traditionnels doit aussi être mise en exergue. Si la première source de prise d’information de la génération Z demeure l’entourage familial et amical, les réseaux sociaux arrivent en seconde position loin devant la télévision, la radio ou la presse écrite. Sur ces canaux l’information est moins vérifiée, au sens journalistique du terme, et des influenceurs, parfois activistes et/ou rémunérés, répandent, sans avoir de comptes à rendre, de nombreuses contre-vérités. D’aucuns appellent donc à une nécessaire régulation législative des réseaux sociaux, qui pour eux ne sont pas de simples tuyaux hébergeant et acheminant passivement des contenus, mais au contraire des éditeurs co-responsables, avec les auteurs, des contenus qu’ils diffusent en direction d’un large public. La loi du 29 juillet 1881, qui définit la liberté de la presse en France et sa responsabilité, devrait donc leur être appliquée comme à tous les médias. Un premier pas a été fait avec la promulgation de la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
. Ce texte définit les influenceurs comme des personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience
et leur impose des obligations et des interdictions, comme par exemple la promotion de certains dispositifs médicaux. Une des solutions est de renforcer l’éducation aux médias, dans et hors de la sphère scolaire, pour stimuler l’esprit critique et aider les jeunes à démêler le vrai du faux. Des spécialistes proposent aussi de davantage interroger la connaissance en expliquant comment on sait ce que l’on sait.
Bibliographie
Nicole Boubée, André Tricot, L'activité informationnelle juvénile, Paris, Hermès, Lavoisier, 2011.
Anne Cordier, Grandir connectés. Les adolescents et la recherche d’information, Caen, C&F Éditions, 2015.
Thomas Huchon, Jean-Bernard Schmidt, Anti fake news : Le livre indispensable pour démêler le vrai du faux, Paris, First, 2022.
Marie Peltier, L’ère du complotisme. La maladie d’une société fracturée, Paris, Les Petits Matins, 2021.
Rudy Reichstadt, Au cœur du complot, Paris, Grasset, 2023.
Transcription
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