Le dénouement de la guerre et l'indépendance de la France
04 février 1943
06m 22s
Réf. 00404
Notice
Résumé :
Discours à la radio de Londres, alors que les Alliés occupent Tripoli et que sur le front de l'Est, les Russes ont remporté la victoire de Stalingrad et libéré le Caucase. Le général annonce que l'Allemagne recule, et que la France entend se libérer avec le concours d'Alliés qu'elle a naguère aidés et qu'elle aide encore aujourd'hui. Elle jugera les autres peuples d'après leur combat pour la liberté et le respect de son indépendance.
Type de média :
Date de diffusion :
04 février 1943
Type de parole :
Thèmes :
Éclairage
Bientôt disponible.
Transcription
Charles de Gaulle
Les récents discours de Berlin étalent aux yeux et aux oreilles du monde l'angoisse qui étreint l'ennemi. Ce recul entre la mer Blanche et le Caucase, ces Corps d'Armée encerclés, ces généraux qui capitulent, cette retraite ininterrompue depuis le Nil jusqu'au Mareth et depuis les confins du Tchad jusqu'au golfe de Gabès, voilà qui est, en effet, très inquiétant pour l'Allemagne et pour ses alliés. Comment pourraient-ils maintenant imaginer la victoire ? Et, quant aux serments des orateurs de Berlin, jurant que l'Allemagne ne capitulera jamais, l'expérience nous a appris que le courage du désespoir, noble expression littéraire, n'est pas une réalité guerrière. Est-ce à dire que nos ennemis en soient là ? Certes, non ! La force et la ruse des dictatures ont encore assez de ressources pour balancer le destin. Une phase de la guerre commence, dans laquelle l'ennemi va chercher son salut en s'efforçant à la fois de diviser ses adversaires et de contenir leurs armées. Dans le drame terrible de cette guerre, comme dans les grandes tragédies classiques, l'issue demeurera douteuse jusqu'à la scène du dénouement. Ce dénouement, la France veut faire, pour le hâter, tout ce qui est en son pouvoir, en dépit de la situation terrible où l'ont jetée ce malheur qui s'appelle le désastre et ces crimes qui s'appellent la trahison et l'attentisme, et malgré toutes les tentatives de division et de confusion dont elle est tristement l'objet, elle déploie contre l'ennemi un effort chaque jour grandissant. Elle le fait par le combat de ses forces de terre, de mer, de l'air, de celles qui ne cessèrent jamais la lutte, comme de celles qui la reprennent. Elle le fait par le combat de nos braves et bonnes phalanges organisées sur son territoire, en attendant qu'au bon moment, l'insurrection générale le nettoie de l'envahisseur en déroute et des traîtres en déconfiture. Pour la soutenir et la guider dans ses efforts, la nation a devant les yeux les buts qu'elle entend atteindre. Elle a pu, durant la dernière guerre, sacrifier pour le compte des autres tout autant que pour le sien le meilleur de sa jeunesse et, ensuite, renoncer à la plupart des bénéfices de sa victoire dans ce qui lui était présenté comme l'intérêt commun. Elle a pu se voir, en mai 1940, à la fois découverte par un système militaire absurde et livrée presque avec ses seules forces à la ruée de l'ennemi. Elle a pu, après son désastre, et je crois bien non sans quelque mérite, se redresser dans la résistance afin de rester fidèle à elle-même et à ses alliances. Elle a pu, sans que sa volonté fléchisse, subir dans son Empire des expédients surprenants. De tant d'épreuves et d'expériences, le peuple français a tiré certaines conclusions dont il ne se départira plus. Pour ce qui le concerne lui-même, le peuple français entend se libérer par le sang et par les armes, avec le concours d'alliés qu'il a naguère aidés, qu'il aide encore, à se couvrir. Il entend recouvrer à mesure toutes ses libertés ravies soit par l'ennemi, soit par un régime odieux et usurpé. Il entend rebâtir sa maison, nette et propre, en balayant tous les échafaudages de privilèges bien combinés et de pouvoirs artificiels, édifiés sur ses malheurs par les prébendiers du désastre. Pour ce qui concerne les autres peuples, le peuple français les juge et les jugera exclusivement d'après deux criteriums : de quels efforts auront-ils été effectivement capables dans la lutte contre l'ennemi ? Comment auront-ils, dans notre immense détresse, ménagé la dignité, la souveraineté, l'indépendance de la France ? C'est sur ces bases, et sur ces bases seulement, que le peuple français reconstruira l'édifice de sa grandeur et de ses amitiés. Oui, c'est cette volonté de vaincre et ce sont ces lucides jugements qui remplissent, en ce moment, l'esprit et le coeur de millions et de millions de Français et de Françaises dans leur misère et dans leur combat. Il en sortira une nation pure et dure, ne prenant conseil que d'elle-même. Tous les outrages, chagrins, dégoûts dont elle est abreuvée, sans en être accablée, ne peuvent que la mieux tremper pour affronter son grand avenir. La France aura le dernier mot !(Musique)