Message de Noël aux enfants de France

24 décembre 1941
05m
Réf. 00305

Notice

Résumé :

Message de Noël adressé aux enfants de France alors qu'après l'invasion de l'URSS par le Reich, en juin, puis l'entrée en guerre des Etats-Unis, en décembre, la guerre est bel et bien devenue mondiale.

Type de média :
Date de diffusion :
24 décembre 1941
Type de parole :

Éclairage

En cette soirée de Noël 1941, le général de Gaulle adresse aux enfants de France qui souffrent de l'Occupation un message "de fierté, de gloire, d'espérance". Il commence par affirmer que "parmi mesdames les nations, aucune n'a jamais été plus belle, meilleure ni plus brave que notre dame la France". Il replace le conflit en cours dans le contexte plus large de ce qu'avec d'autres il qualifiait à l'époque de "guerre de trente ans". Après avoir rappelé que la France n'a réellement perdu qu'une bataille, il indique que les Forces Françaises Libres n'ont jamais cessé depuis l'été 1940 de combattre sur terre, dans les airs et sur mer. Il souligne ensuite que la puissance économique et militaire des Alliés, notamment américains, n'a pas encore donné et qu'une fois en action, elle sera irrésistible. Alors, à mesure que les Allemands reculeront sur le territoire, une "grande armée française" se lèvera à nouveau. Et le chef de la France libre de conclure par une promesse de Noël aux accents décidément très chrétiens en annonçant pour bientôt "une visite, la visite de la victoire".

Guillaume Piketty

Transcription

Charles de Gaulle
Quel bonheur, mes enfants, de vous parler, ce soir, de Noël. Oh, je sais que tout n'est pas gai, aujourd'hui, pour les enfants de France. Mais je veux, cependant, vous dire des choses de fierté, de gloire, d'espérance. Il y avait, une fois, la France. Les nations, vous savez, sont comme des dames plus ou moins belles, bonnes et braves. Et bien, parmi mesdames les nations, aucune n'a jamais été plus belle, meilleure ni plus brave que notre dame la France. Mais la France a une voisine brutale, rusée, jalouse, l'Allemagne. L'Allemagne, enivrée d'orgueil et de méchanceté, a voulu, un beau jour, réduire en servitude les nations qui l'entouraient. Au mois d'août 1914, elle s'est donc lancée à l'attaque. Mais la France a réussi à l'arrêter sur la Marne puis à Verdun. D'autres grandes nations, l'Angleterre, l'Amérique, ont eu, ainsi, le temps d'arriver à la rescousse. Alors l'Allemagne, dont, cependant, le territoire n'était nulle part envahi, s'est écroulée tout à coup. Elle s'est rendue au maréchal Foch. Elle a demandé pardon. Elle a promis, en pleurant, qu'elle ne le ferait plus jamais. Il est resté d'immenses armées intactes. Mais il ne s'est pas trouvé un seul allemand, pas un seul, pour tirer même un coup de fusil après la capitulation. Là-dessus, les nations victorieuses se sont séparées pour aller, chacune, à ses affaires. C'est ce qu'attendait l'Allemagne. Profitant de cette naïveté, elle s'est organisée pour de nouvelles invasions. Bientôt, elle s'est ruée de nouveau sur la France. Et cette fois, elle a gagné la bataille. L'ennemi et ses amis prétendent que c'est bien fait pour notre nation d'avoir été battue. Mais la nation française, ce sont vos papas, vos mamans, vos frères, vos soeurs. Vous savez bien, vous, mes enfants, qu'ils ne sont pas coupables. Si notre armée fut battue, ce n'est pas du tout parce qu'elle manquait de courage ni de discipline. C'est parce qu'elle manquait d'avions et de chars. Or, à notre époque, tout se fait avec des machines. Et les victoires ne peuvent se faire qu'avec les avions, les chars, les navires. Ils sont les machines de la guerre. Seulement, malgré cette défaite, il y a toujours des troupes françaises, des navires de guerre et des navires marchands français, une escadrille française qui continuent le combat. Je puis même vous dire qu'il y en a de plus en plus et qu'on parle, partout dans le monde, de ce qu'ils font pour la gloire de la France. Pensez à eux. Priez pour eux. Car il y a, là, je vous assure, de très bons et braves soldats, marins, aviateurs qui auront à vous raconter des histoires peu ordinaires quand ils seront rentrés chez eux. Or, ils sont sûrs d'y rentrer en vainqueurs. Car nos grands alliés, les Anglais et les Russes ont, maintenant, des forces très puissantes, sans compter celles que préparent nos amis les Américains. Toutes ces forces, les Allemands n'ont plus le temps de les détruire parce que maintenant, en Angleterre, en Russie, en Amérique, on fabrique d'immenses quantités d'avions, de chars, de navires. Vous verrez, un jour, toute cette mécanique écraser les Allemands découragés. Et à mesure qu'ils reculeront sur notre territoire, vous verrez se lever de nouveau une grande armée française. Mes chers enfants de France, vous avez faim parce que l'ennemi mange notre pain et notre viande. Vous avez froid parce que l'ennemi vole notre bois et notre charbon. Vous souffrez parce que l'ennemi vous dit et vous fait dire que vous êtes des fils et des filles de vaincus. Et bien moi, je vais vous faire une promesse, une promesse de Noël. Chers enfants de France, vous recevrez, bientôt, une visite, la visite de la victoire. Ah ! Comme elle sera belle ! Vous verrez.