Dom Juan de Molière, mis en scène par Jacques Lassalle à la Comédie-Française
Notice
Extrait d'une répétition du dialogue entre Dom Juan (Andrzej Seweryn) et Sganarelle (Roland Bertin) à la scène 2 de l'acte I, suivi d'une interview du metteur en scène Jacques Lassalle qui situe son spectacle par rapport aux principales traditions de mise en scène de Dom Juan.
- Dom Juan ( Molière - Auteur / Jacques Lassalle - Mise en scène)
Éclairage
Un an après l'interdiction de Tartuffe, dans un climat d'hostilité de la part du parti dévot, Molière et sa troupe donnent Dom Juan en 1665. Si la pièce est un franc succès, elle est cependant elle aussi en butte aux attaques des autorités religieuses, qui voient en elle une défense des libertins. Des suppressions de scènes, notamment celle du Pauvre (acte III, scène 2), sont imposées à Molière, et des menaces lui parviennent ; sous de lourdes pressions, il décide finalement de ne plus la reprendre, malgré l'accueil chaleureux que lui avait réservé le public parisien. La pièce sera réécrite en vers et expurgée en 1677 par Thomas Corneille, et c'est désormais sous cette forme que Dom Juan sera présenté au public pendant deux siècles. Il faudra attendre 1841 pour que la version originale soit jouée de nouveau sur une scène, et c'est seulement en 1947 que Louis Jouvet l'imposera véritablement auprès du public français.
De fait, cette étrange pièce en prose, que l'on a longtemps crue écrite à la hâte pour remplacer Tartuffe, a de quoi déconcerter. Elle présente tout d'abord une grand ambiguïté générique : tandis que la noblesse et le sérieux de Dom Juan, Dona Elvire et Dom Louis semblent suggérer le genre aristocratique de la comédie héroïque, en revanche la bouffonnerie de Sganarelle et des paysans font plutôt signe vers la farce et la commedia dell'arte. Mais la présence de la statue mobile du Commandeur et les effets spéciaux de la chute de Dom Juan aux Enfers l'inscrivent dans le genre composite de la pièce à machines, tournée avant tout vers la production d'effets spectaculaires. Quant au personnage de Dom Juan, il présente une ambiguïté irréductible et son châtiment final n'efface pas chez lui une forme de grandeur, d'autant plus que la relecture romantique du XIXe siècle l'a érigé en figure de l'homme révolté.
Lorsque Jacques Lassalle propose une mise en scène de la pièce en 1993, il se nourrit donc d'une longue tradition d'interprétation de la pièce de Molière. Son comédien principal, Andrzej Seweryn, étant croyant, il choisit de faire une lecture pascalienne du personnage, présentant les défis de Dom Juan comme des appels à Dieu et sa soif de jouissance comme une réaction de dépit de ne pas l'avoir trouvé.