Le camp de concentration de Thil
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Résumé
Durant la Seconde Guerre mondiale, suite au bombardement de Peenemünde, le régime nazi avait prévu d'installer une usine pour construire les fusées V1 dans la mine de Tiercelet. Pour cela il avait érigé un camp de prisonniers sur la commune de Thil. Il pouvait y avoir jusqu'à 1 500 prisonniers enfermés dans ce camp de concentration pour travailler dans les mines de fer.
Date de publication du document :
Février 2022
Date de diffusion :
04 déc. 1999
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Contexte historique
ParDoctorant en Histoire contemporaine, Crulh, Université de Lorraine
A partir de 1944, la pression aérienne exercée par les alliés et surtout les Anglais dont les avions de chasse ciblèrent prioritairement les centres industriels et les sites militaires nazis aboutit au bombardement de Peenemünde : site militaire situé dans le Nord de l’Allemagne et hautement important dans la production et l’essai du matériel de guerre, notamment les missiles de croisières V1 et V2. Le bombardement de Peenemünde obligea les autorités militaires nazies à délocaliser la production des fusées V1 et V2 vers des lieux plus discrets et plus proches des centres de ravitaillement en minerais de fer. La configuration géographique du site de Thil, mine souterraine située sur les prés à la lisière du village et invisibilisée par des obstacles naturels en fit un lieu idéal pour penser, fabriquer et tester à l’abri de tout regard, les nouvelles armes devant assurer en faveur des nazis, le basculement de la guerre. C’est dans cette perspective que fut aménagé, sous fond d’extension du camp déjà existant de Natzweiler-Struthof en Alsace, le camp de concentration de Thil. Seul camp situé en Lorraine non occupée, il abritait, à l’origine, un camp de travail large de 250 000 m² et géré par le Syndicat des Mines de Tiercelet (Brenneur, 1989, p. 39-57). A partir de juin 1944, 30 personnes, toutes des déportées sont transférées du camp du Struthof en Alsace vers celui de Thil dans le Pays Haut, pour y constituer, sous les ordres des agents de la SS, le premier groupe d’auto-administration de ce camp nouvellement aménagé (Républicain Lorrain, 10 avril 2017). Le 20 juin 1944, soit quelques jours après le premier transfert, un contingent de 500 déportés tous juifs originaires de l’Europe orientale y fut acheminé. Pensé pour servir de base à la fabrication des fusées sur lesquelles misèrent les nazis pour renverser le cours de la guerre, le Camp de Thil reçut par la suite, des déportés et détenus d’origines diverses parmi lesquels des Hongrois, Russes, Ukrainiens, Africains, Italiens, Maghrébins et Français. Cette origine plurielle s’explique par l’hétérogénéité de statut des personnes internées dans le camp, allant de déportés aux prisonniers de guerre en passant par des civils et militaires. A l’origine, il était prévu, selon les plans établis par l’organisation Todt (groupe chargé de la réalisation d'un grand nombre de projets de construction, dans les domaines civil et militaire du Troisième Reich fondé et dirigé par l’ingénieur Fritz Todt), d’employer de force 2 000 ouvriers par tournée et sur trois postes différents pour fabriquer aussi bien les V1 et V2 que les éléments pour les JU88 et des cellules de l’avion de chasse Focke Wolf 154 (Elkaim et Carretier, France 3 Grand Est, 2015). Compte tenu de l’opacité entretenue sur les activités du site par les autorités du IIIe Reich, il est difficile d’établir avec précision le nombre total de personnes ayant connu l’enfer de ce camp. Toutefois, les sources concordantes soulignent qu’environ 1 963 personnes y auraient séjourné. Le profil, l’âge et le genre des prisonniers et déportés du camp de Thil sont semblables à ceux d’autres prisonniers de guerre employés dans les différents sites miniers de la Lorraine occupée. Il s’agit aussi bien d’hommes que de femmes, de jeunes âgés de 19 à 20 ans que d’adultes âgés de 30 à 45 ans.
S’il est vrai que l’occupation transforma la Lorraine en un vaste espace carcéral où furent massés, dans plusieurs mines et centres de production de minerai, des prisonniers de guerre de toutes origines, il est cependant important de souligner à la lumière du reportage, la singularité du camp de Thil. En plus de disposer d’un four crématoire mis en relief ici par le reportage, les conditions de vie y étaient rythmées par des sévices quotidiens, des privations diverses notamment, comme le souligne Luciano Pagliarini dans le reportage (sous-alimentation, temps de sommeil au rabais et allongement du temps de travail). Cet historien souligne que trois facteurs ont pesé sur la décision des autorités nazies de construire un camp de concentration à Thil : le bombardement de Peenemünde, la recherche d’un site discret souterrain devant accueillir les activités militaires jusqu’alors développées à Peenemünde et la possibilité d’un ravitaillement facile en minerais de fer. A travers l’extrait vidéo, sont présentées la disposition du four crématoire, la reconstitution du camp et le désir des populations d’ancrer l’histoire et la tragédie du camp de Thil dans la mémoire locale et nationale. Le reportage montre bien que les populations environnantes ont vite pris conscience qu’il s’est passé quelque chose d’absolument inédit à Thil ; raison pour laquelle dès les premiers jours de l’après-guerre, celles-ci ont organisé des souscriptions afin d’édifier une crypte basée sur les lieux mêmes du four crématoire. Cette initiative locale et mémorielle, mise en avant dans le reportage, a permis aux pouvoirs publics d’engager des commémorations qui ont abouti à l’inauguration du monument à Thil le 17 novembre 1946 (Henry, Le Parisien, 1er juin 2021). Se voulant à la fois locale et nationale, cette commémoration a mobilisé plusieurs personnalités parmi lesquelles le député Louis Marin, le colonel Manhés, et Georges Bidault (représentant du général de Gaulle et du gouvernement). A l’inauguration de 1946 vient s’ajouter la reconnaissance officielle du site de Thil comme « camp de concentration, annexe de Struthof » en 1949. En plus des commémorations, le reportage revient sur les conditions de libération du camp. A cet effet, il montre que l’avancée des forces américaines surprend les responsables du camp qui décidèrent d’évacuer dans la précipitation par wagons 860 détenus vers d’autres sites pénitenciers parmi lesquels Kochendorf et Dernau, tous situés en Allemagne. Aussi apprend-t-on, que l’évacuation accélérera le massacre de détenus et la fuite des documents et précipitera celle des responsables. Bien qu’aucun projet de fabrication d’armes n’ait été réalisé au camp de Thil et malgré une espérance de vie assez courte, soit environ 6 mois de fonctionnement (10 mai - 3 septembre 1944) l’Histoire et la mémoire collective n’en gardent pas moins le souvenir d’un lieu de tragédie et de déshumanisation. Le camp de Thil est devenu au fil des années, un espace transfrontalier unique, lieu d’une histoire partagée et symbole d’une expérience humaine inédite.
Bibliographie
- Pascal Brenneur, « Les prisonniers russes dans les mines de fer Lorraines, 1941-1944 », Les cahiers Lorrains, N°1, 1989, p. 39-57.
- M.S., « Le camp de Thil n’a pas encore livré tous ses secrets », Républicain Lorrain, édition de Thionville-Hayange, 10 avril 2017, [en ligne], https://www.republicain-lorrain.fr/edition-de-thionville-hayange/2017/04/09/le-camp-de-thil-n-a-pas-encore-livre-tous-ses-secrets, page consultée le 8 août 2021.
- René Elkaim et François Carretier, reportage « Thil : le camp de concentration nazi oublié », France 3 Grand Est, 2015, [en ligne], https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/meurthe-et-moselle/thil-54-le-camp-de-concentration-nazi-oublie-712677.html, page consultée le 8 août 2021.
- Doris Henry, « En Meurthe-et-Moselle, le camp de concentration de Thil sort de l’oubli », Le Parisien, édition du 1er juin 2021, [en ligne], https://www.leparisien.fr/societe/en-meurthe-et-moselle-le-camp-de-concentration-de-thil-sort-de-loubli-01-06-2021-NG3L7SRPIRA3JGECKNUVHUEILE.php, page consultée le 8 août 2021.
Transcription
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