Conférence sur l'Algérie de Messieurs Mollet, Pineau et Lacoste
Notice
En mars 1956, MM. Mollet, Pineau et Lacoste tiennent une conférence de presse pour annoncer un durcissement de la politique algérienne, avec l'envoi de renforts militaires.
Éclairage
Dans son discours d'investiture du 1er février 1956, Guy Mollet affirme que "l'objectif de la France (…) est, avant tout, de rétablir la paix et d'obtenir que cessent le terrorisme et la répression aveugle". Cependant, un mois après l'épisode des tomates d'Alger (6 février), son programme "cessez-le-feu, élections, négociations" ne répond plus à une logique de paix. Le FLN n'accepte pas de faire taire les armes : il n'est pas question d'un cessez-le-feu. Surtout, le FLN ne peut accepter un plan qui n'envisage pas l'indépendance. On évoque alors une intégration assortie de solutions fédérales. Le vote de la loi des "pouvoirs spéciaux", le 12 mars 1956, aggrave la situation.
Requis par Robert Lacoste, résident à Alger, pour faire face à une recrudescence terroriste, ces pouvoirs doivent permettre de développer une politique double : réforme et répression. Mais, fort de l'autorité discrétionnaire qu'ils lui confèrent, Robert Lacoste en use d'abord pour tenter de juguler l'insurrection. L'effort militaire prime. La logique de guerre domine et amène à l'augmentation des forces déployées en Algérie : 200 000 soldats début 1956, 400 000 en juillet. Un choix nécessaire pour "quadriller" systématiquement le terrain et vaincre l'adversaire. En mars-avril 1956, c'est ce choix que le gouvernement doit justifier auprès d'une opinion troublée par le coût de la guerre, par le maintien sous les drapeaux des classes 56 et 57, puis le rappel des classes 52, 53 et 54.
La première séquence présente trois acteurs de la politique algérienne : Guy Mollet, président du Conseil ; Christian Pineau, ministre des Affaires Étrangères et Robert Lacoste, ministre délégué résidant en Algérie. On ne saura rien de ce qui s'est dit entre eux, malgré la présence de "micros". Il s'agit moins d'informer que de présenter un gouvernement affairé et préoccupé par "des problèmes urgents". Deuxième étape : un attentat à Alger. Le montage privilégie les dégâts. Troisième temps : l'arrivée de renforts militaires met en exergue la résolution gouvernementale à "maintenir l'ordre".
Le sens de ce montage (gouvernement préoccupé - attentats aveugles - renforts militaires) est renforcé par l'opposition entre l'évocation de l'attentat (symbole de la violence terroriste) et un soldat rieur caressant un chien (emblème d'une attitude généreuse et innocente). Selon Benjamin Stora, ces images de guerre épousent la logique gouvernementale en opposant la figure du terroriste meurtrier à celle du soldat français pacificateur [B. Stora, La Gangrène et l'Oubli. La Mémoire de la guerre d'Algérie, Paris, La Découverte, 1991; Imaginaires de guerre. Algérie-Vietnam en France et aux Etats-Unis, Paris, La Découverte, 1997].