Magazine des Armées : Renforts pour l'Algérie

Le 12 mars 1956, l'Assemblée nationale donne, à la demande du gouvernement socialiste de Guy Mollet, les « pouvoirs spéciaux » aux militaires d'Alger, faisant montre d'une quasi-unanimité sur le sujet (455 voix pour, 76 contre). Un autre texte sur la justice est voté le 17 mars. Ce faisant, les législateurs acceptent de traiter la crise algérienne par la manière forte, en envoyant le contingent en Algérie tout en ne reconnaissant pas le statut de « guerre » à ces « événements ». Le contingent permettra d'avoir chaque mois près de 500.000 soldats en opération en Algérie, les appelés, rappelés et maintenus pouvant faire jusqu'à 27 mois de service. Ainsi, le politique fait porter sur la jeunesse française une partie importante du poids d'une guerre qui ne dit pas son nom.

Ces actualités militaires, destinées en tout premier lieu aux soldats eux-mêmes, ont été terminées le 18 avril 1956, soit un mois après le vote des pouvoirs spéciaux. Dès lors, il s'agit d'expliciter ce choix aux premiers intéressés, les jeunes du contingent, et donc de légitimer l'envoi des « renforts en Algérie ». Sur une musique glorieuse et des images de soldats montant en bateau à Marseille avec des matériels nombreux, le speaker explique qu'il s'agit de « maintenir les traditions de notre armée et, en pacifiant le pays, mettre un terme à l'inquiétude et au déchirement ». Le ton, s'il est grave, se veut rassurant pour le spectateur militaire : « Pour la plupart des soldats du contingent, c'est la première traversée ; mais le goût du nouveau, l'ambiance de l'unité, la présence des cadres et la flamme de la jeunesse font taire bien vite les appréhensions du voyage ». Les images tranquilles de la traversée de la Méditerranée servent à redire « les grandes valeurs humaines que la France a toujours représentées aux yeux du monde », tandis que « joie, détente, nostalgie du départ, marquent un voyage sans histoire ». Les soldats descendent de bateau à Alger sur une musique militaire d'opérette, accueillis par les autorités : « Dans quelques jours, rapidement adaptés, ils contribueront à la pacification ». Les troupes africaines sont valorisées à leur tour, ainsi que l'armée de l'air, notamment les hélicoptères, largement employés en Algérie pour différentes missions. Le speaker note en particulier qu'ils servent à apporter aux blessés « les soins appropriés dans les meilleurs délais » - un élément important pour rassurer les nouveaux arrivés. Grâce à eux, « l'espoir renaît » dans les populations, et « bientôt va renaître une Algérie pacifiée et prospère ». On le voit, ces actualités (qui ne comportent que ce sujet unique, contrairement à l'habitude) distillent des éléments à la fois idéologiques et pratiques visant à faire comprendre au contingent, et à l'accepter, sa mission en Algérie.