La capitulation du Japon racontée par le Général Leclerc
Notice
En 1946, le général Leclerc se souvient - un an après - de la signature à bord du Missouri de la capitulation sans condition du Japon. Il évoque ensuite le rôle de la France Libre dans la conduite de la guerre.
Éclairage
Le 16 août 1946, le général Leclerc raconte à la radio la reddition japonaise du 2 septembre 1945.
Si la silhouette longiligne du général Leclerc est inscrite dans la mémoire collective, sa voix en revanche n'a laissé que peu de trace. Le document sonore ici proposé permet donc d'incarner le souvenir du héros de la Libération sous un autre angle, celui de son témoignage oral, et pour une autre aire géographique, la lutte contre l'occupant japonais jusqu'à sa reddition et son retrait d'Indochine. De nombreux détails donnent un certain relief à l'enregistrement : au phrasé si particulier de l'homme d'action, peu habitué à s'exprimer en public, s'ajoutent le grincement d'une chaise qu'il déplace pour être plus à l'aise face au micro et le léger bruissement des pages qu'il tourne.
Il revient ici sur les principaux épisodes de la Libération de l'Indochine selon un récit en flash-back qui débute le 2 septembre 1945, lorsque Leclerc se rend sur le cuirassé Missouri pour signer au nom de la France l'acte de capitulation sans condition du Japon, cet acte mettant un terme à la Guerre du Pacifique, moins d'un mois après les bombardements d'Hiroshima et Nagasaki (6 et 9 août 1945), ainsi qu'à l'occupation de l'Indochine par le Japon depuis l'été 1940. Sont donc présents sur le Missouri, aux côtés du général MacArthur, commandant « supérieur » (sic) des forces alliées, et du général Nimitz, les représentants des puissances alliées ayant combattu aux côtés des Etats-Unis pour vaincre le Japon (par ordre d'apparition sur le pont du Missouri : la Chine, le Royaume-Uni, l'URSS, l'Australie, le Canada, la France, en la personne du général Leclerc, puis les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande). Le Japon, quant à lui, est représenté par son ministre des Affaires étrangères, Mamoru Shigemitsu, que l'on reconnaît à son costume civil noir et son haut de forme, ainsi qu'à une forte claudication (il a perdu sa jambe droite en 1932 lors d'un attentat).
Après l'évocation de cette « cérémonie simple et pleine de grandeur », Leclerc revient sur le soutien des territoires d'outremer au général de Gaulle depuis 1942. L'Indochine ne fait pas partie des territoires mentionnés car son gouvernement est réputé s'être inscrit dans la mouvance du régime de Vichy. Leclerc ne cherche pas à rentrer dans la polémique sur l'orientation politique prise par les Français d'Indochine sous l'occupation japonaise. Par des formules lapidaires, qui entendent n'être que des constats, il élude le sujet de la collaboration et met l'accent sur la résistance : « Ce qui précède était, au moment de la capitulation du Japon, l'effort connu de la France. Depuis, nous avons pu mesurer l'effort fourni par l'Indochine ». Il évoque alors les massacres perpétrés par les Japonais le 9 mars 1945, les pertes humaines (« 1800 militaires français, 6000 Indochinois sont morts au champ d'honneur ; de nombreux civils sont morts dans les prisons japonaises ») et les maquis créés au Vietnam, au Laos et au Cambodge, pour certains dès 1942 et dont les informations servirent aux Alliés. De tels maquis ont indéniablement existé et leurs héros, à l'instar du capitaine d'Hers, furent élevés à titre posthume au rang de Compagnons de la Libération par décret du 22 janvier 1946, mais il existe une réelle contradiction dans l'allocution radiophonique du général Leclerc qui affirme tour à tour qu'il fallut attendre 1945 pour connaître la participation de l'Indochine à la lutte contre les puissances de l'Axe, alors même qu'il explique que des maquis indochinois étaient actifs dès 1942 et renseignaient utilement les Alliés.
Sans doute, l'une des raisons de cette prise de parole du général Leclerc en 1946 est-elle justement de rendre un hommage tardif aux résistants d'Indochine dont l'action fut trop longtemps restée inconnue.