Les attentats de l'OAS et la manifestation de Charonne
Notice
La journée du 8 février 1962 est marquée par des manifestations de protestation contre les attentats de l'OAS et contre la guerre d'Algérie. A Paris, des heurts violents opposent manifestants et forces de l'ordre.
Éclairage
Le début de l'année 1962 est marqué par une recrudescence du terrorisme OAS. Assassinats et attentats visent les instances et personnalités politiques, les intellectuels et les journalistes - de gauche comme de droite - connus pour leur opposition au maintien de la France en Algérie ou pour leur soutien au FLN.
La France est touchée par une véritable folie meurtrière : plus de 180 plasticages en janvier-février, et, en point d'orgue, la "nuit bleue" du 17 janvier, où 18 attentats secouent Paris. Le 7 février, l'appartement d'André Malraux est visé. Delphine Renard, petite fille de quatre ans, est blessée. Le choc produit par cet événement polarise la colère de l'opinion - de gauche surtout - accumulée au fil des agressions, depuis le plasticage de la gare d'Orsay, le 22 janvier (12 blessés et 1 mort) jusqu'aux attentats contre Jean-Paul Sartre, le siège du PCF ainsi que le journal France Observateur.
En réaction à cette violence aveugle, le PCF, le PSU, les Jeunesses socialistes et les syndicats appellent à une manifestation de "défense républicaine" contre le "danger fasciste". Bien qu'interdite par le ministère de l'Intérieur, elle se tient le 8 février, à partir de la place de la Bastille. Après l'ordre de dispersion, des manifestants tentent de se réfugier dans la station de métro Charonne, fuyant les charges policières. Mais les grilles sont à demi-fermées, les corps s'entassent contre elles cependant que "les policiers tapent dans le tas à coup de "bidule". On relèvera 9 morts (8 manifestants et 1 journaliste) et plusieurs dizaines de blessés. [Benjamin Stora, La Gangrène et l'oubli. La Mémoire de la guerre d'Algérie, La Découverte, 1998, p.101].
Diffusé le 14 février, au lendemain de la grève générale de protestation contre la répression de Charonne (500 000 personnes suivent alors les obsèques des victimes), ce sujet évoque les événements du 8 février avec partialité. Le commentaire dénonce la "criminelle folie" de l'OAS, dont les "méthodes aveugles (…) heurtent toutes les consciences". Toutefois, il omet de dire que la foule de gauche manifestait aussi contre la poursuite de la guerre d'Algérie. De même, on parle de "sérieuses échauffourées" sans évoquer leur réalité meurtrière. En outre, les forces de gauche sont réduites à l'expression "certains partis et groupements" : cette expression peut laisser supposer au spectateur qu'ils sont sans représentativité.
Or les sondages disent que, bien au-delà de la seule opinion de gauche, 80% des Français veulent une solution négociée en Algérie. Enfin, les images concluant cette séquence, en valorisant la panique de simples passants pris dans la tornade de la manifestation, soulignent plus encore le caractère biaisé de l'information délivrée : on joue sur le sensationnel et la critique implicite (le désordre produit par le frontisme de gauche) sans éclairer les causes profondes des événements du 8 février. [Charles Robert Ageron, "L'Opinion française à travers les sondages", in Jean-Pierre Rioux (dir.), La Guerre d'Algérie et les Français, Fayard, 1990]