Avant-match de la finale du championnat de France de Rugby opposant Dax à Mont-de-Marsan
Notice
L'ambiance bât son plein sur la pelouse du stade municipal de Bordeaux, avant le coup d'envoi de la finale du championnat de France de rugby opposant Dax à Mont-de-Marsan. Images des festivités commentées par Roger Couderc.
Éclairage
La finale du Championnat de France entre deux équipes landaises, Dax et Mont-de-Marsan, est l'emblème du rôle de premier plan que joue ce vivier du rugby pendant la période 1953-1966. Cependant, en 1963, aucune d'entre elles n'a encore gagné le titre suprême : Mont-de-Marsan a été finaliste 3 fois : en 1949 contre Castres, en 1953 contre Lourdes [1], en 1959 contre le Racing club de France [2]; Dax a été finaliste 2 fois : en 1956 contre Lourdes et en 1961 contre Béziers [3].
Au cours de la saison 1962-1963, Dax a gagné les deux rencontres contre Mont-de-Marsan : "6-0 sur les bords de l'Adour, et 3-0 au Loustau, le stade mythique des Jaune et Noir" [4]. À l'initiative du journal Sud-Ouest, se rencontrent amicalement, quelques jours avant à Tartas, les deux capitaines (Pierre Albaladejo et André Boniface), habillés en berger et en échassier, et les deux entraîneurs. L'article paraît le dimanche, jour de la finale.
À Bordeaux, Parc de Lescure [5], le 2 juin 1963, 39 000 spectateurs sont massés derrière des barrières mobiles jusque sur le long de la ligne de touche. On saura plus tard que 10 000 places ont été vendues en deçà des capacités du stade.
Le temps chaud est orageux. Dans les minutes qui précèdent le coup d'envoi, la pelouse est occupée par des supporters landais : un toro de fuego "USD" qui projette ses feux, des bandas musicales, un groupe montois de danseurs sur échasses, un bonhomme habillés de rayures, emblème du Stade Montois dont les maillots sont rayés de jaune et noir, au milieu de pétards et de fusées. Le terrain est évacué sans aucun problème.
Le coup d'envoi a lieu à 15h30, après un peu plus de 13 minutes d'antenne. La longueur de cet "avant-match", rare pour l'époque, correspond aux attentes de la chaîne concernant l'aspect festif exceptionnel de cet événement.
Selon André Boniface, "[le match] se déroula dans de mauvaises conditions : trente mille places avaient été vendues pour un stade qui en contenait vingt mille. Une grande partie des spectateurs ne pouvait voir le terrain et, lorsqu'on tapait en touche, des supporters gardaient le ballon, souvent plus d'une minute. C'était fâcheux pour le jeu mais compréhensible. Ce fut un match crispant, émaillé de quelques marrons" [6].
Tout le monde vit une agression délibérée : à la 38ème minute "une manchette foudroyante dans la nuque" [7] du Montois Pierre Cazals (n°3) laisse André Bérilhe (n°2) KO. Il y eut aussi à la 60ème minute : une cravate de Jean-Baptiste Amestoy (n°18) sur Pierre Albaladejo.
D'autres blessures dues à l'engagement : Gilbert Hilcock, Raymond Albaladejo ; ou à l'inaction : à la 30ème minute, l'ailier Christian Darrouy est victime d'un claquage [8]. Le remplacement d'un joueur blessé étant interdit, le Stade Montois est de fait réduit à 14 joueurs.
On peut noter que les entrées en mêlée sont brouillonnes, les lancers en touche confus. Les mouvements d'attaque sont rares. Une contre-attaque de Raymond Albaladejo efface quatre adversaires. Une attaque grand champ de Dax, à la 60ème minute, échoue de peu. Une passe croisée d'André à Guy Boniface, à la 69ème minute, aboutit à un essai d'Alain Caillau refusé pour en-avant. Un autre essai montois avait été refusé deux minutes auparavant.
Dès l'égalisation, à la 65ème minute, par un drop d'André Boniface, un orage de grêlons s'abat sur le stade, compromettant tout jeu à la main. Derrière ses avants, sur une passe de Gilbert Hilcock (blessé à cette occasion), le demi de mêlée Pierre Lestage tape un drop à la 76ème minute.
"Soudain, le petit Lestage, dont la mêlée a obtenu la balle à vingt mètres face aux poteaux, se sent inspiré par le drop-goal, il botte, il le passe. Neuf à six en faveur des Montois. Le taureau dacquois aura beau avoir les soubresauts de l'agonie, le voilà, lui qui se flatte d'être conduit par "Monsieur Drop", victime de la même estocade qui le jeta pantelant sur l'herbe de vérité de "Gerland", en 1961." [9] C'est en effet un drop de Béziers qui avait battu Dax en 1961, en fin de match (69ème minute).
C'est ainsi que le Stade Montois bat l'U.S. Dacquoise par 9 à 6 [10].
[1] 1953, André Boniface, n'a alors que 19 ans et dispute sa première finale.
[2] 1949, à Toulouse, Mont-de-Marsan – Castres : 3-14 ; 1953, à Toulouse, Mont-de-Marsan – Lourdes : 16-21 ; 1959, à Bordeaux, Mont-de-Marsan – Racing club de France : 3-8.
[3] 1956, à Toulouse, Dax – Lourdes : 0-20 ; 1961, à Lyon, Dax – Béziers : 3-6.
[4] BAILLENX, Olivier de, Finale'63 : US Dax-Stade Montois : passe croisée à Rugby-les-Pins, Anglet : Atlantica, 2003, p. 31.
[5] Bordeaux (stadium municipal) ; arbitre : Albert CapelIe (Limousin) ; 28 267 entrées payantes ; recette : 251 025 francs.
- Stade Montois : Jacques Gourgues ; Christian Darrouy ; Guy et André Boniface (capitaine) ; André Caillau ; Alain Caillau ; Pierre Lestage ; Gilbert Hilcock ; Fernad Martinez ; Bernard Couralet ; Paul Tignol ; Guy Urbieta ; Pierre Cazals ; Bernard Cès ; Jean-Baptiste Amestoy.
- U.S. Dax : Pierre Barbe ; Claude Darbos ; Henri Wilhems ; Jacques Bénédé ; Raymond Albaladejo ; Pierre Albaladejo (capitaine) ; Jean-Claude Lasserre; Bernard Dutin ; Claude Contis ; Gaston Dubois ; Jean-Claude Labadie ; Marcel Cassiède ; André Bérilhe ; Léon Bérho ; Christian Lasserre.
[6] BONIFACE, André, Nous étions si heureux, Paris : La Table ronde, 2006, p. 143.
[7] BAILLENX, Olivier de, Op. Cit., p. 81.
[8] "J'étais resté vingt minutes sans ballon et sans courir. A la première accélération, je me suis claqué. " In BAILLENX, Olivier de, Ibid., p78.
[9] PASTRE, Georges, Les volcans du dimanche. Histoire générale du rugby, Toulouse : Midi Olympique, 1969.
[10] Stade Montois : 1pénalité et 1drop d'André Boniface et 1 drop de Pierre Lestage ; U.S. Dax : 1 essai de Jean-Claude. Lasserre et 1 pénalité de Pierre Albaladéjo. NB : A cette époque, l'essai vaut 3 points et on peut taper une touche directe hors de ses 22 mètres.