L'agriculture dans les Landes
L'agriculture traditionnelle
L'agriculture traditionnelle est marquée par la recherche de la sécurité, l'idéal étant l'autosuffisance, et le modèle, l'exploitation familiale. Mais c'est bien un idéal puisque peu d'exploitations, et encore moins de propriétés paysannes, atteignent une taille suffisante pour faire vivre une famille, qu'un certain nombre de produits proviennent de l'extérieur (sel, poisson...) et qu'à des années d'abondance succèdent des années de disette. Le statut social influe aussi sur la condition de chacun : le métayer jouit d'une certaine sécurité dans la dépendance, le propriétaire exploitant à l'inverse semble indépendant, mais est plus fragile, l'ouvrier agricole, souvent aussi petit artisan, ne bénéficie ni de la sécurité, ni de l'indépendance.
Enfin, il faut distinguer selon les régions : dans la Haute Lande, où le métayage domine, le travail des pins, le gemmage, dont le bénéfice va surtout au propriétaire, s'accompagne d'une exploitation intensive, grâce au fumier fourni par les landes, de petites surfaces cultivées autour de l'airial, le millet, puis le maïs constituant la base de l'alimentation, une activité agricole qui s'accompagne d'un petit élevage de volailles, porcs, moutons, souvent à moitié avec le maître, et auquel s'ajoutent toutes les ressources des vastes espaces incultes (pêche, chasse, cueillette, bois) dans ces zones peu peuplées. Dans le reste du territoire landais règne la polyculture aquitaine classique, assise sur la culture des céréales, la viticulture et le petit élevage. Comme dans la Haute Lande, l'arrivée du maïs, au XVIIe siècle, n'a guère modifié le système, car il est venu remplacer le millet qui avait les mêmes avantages et les mêmes conditions de culture que lui. C'est ce qui explique qu'il s'est installé dans notre région plus tardivement que dans d'autres zones où le millet n'était pas cultivé , comme le Lauragais.
Au pays de la résine [Muet]
Après une rapide présentation de la ville de Dax, le documentaire s'intéresse au gemmage et à la distillation de la résine qui permet d'obtenir l'essence de térébenthine et la colophane. Il se termine par une mise en garde sur les menaces qui pèsent sur la forêt des Landes : la surexploitation et les incendies.
Foires et marchés permettaient de se procurer les produits nécessaires, voire le superflu, en échange des excédents des exploitations, le vin surtout, les produits de l'élevage et de la basse-cour. Car, même dans les régions les plus reculées, l'isolement n'est pas la règle : les produits des Landes se sont toujours exportés par les ports de Bayonne ou de Bordeaux, qu'il s'agisse de la résine, des goudrons, de la térébenthine, du bois, de la plume ou de la laine de la Haute Lande ou les vins et les céréales de la Chalosse et du Tursan. Les charrettes tirées par les mules ou les barques navigant sur la Midouze, l'Adour ou les Gaves réunis, plus tard le chemin de fer, suffisaient à effectuer ces transports.
La foire agricole de printemps de Labouheyre
La foire de printemps de Labouheyre perpétue la tradition des foires agricoles du village dont les origines remontent aux années 1880. La vente de matériels agricoles y est plus discrète ; les attractions foraines et les stands de vêtements ayant plus de succès. Ce lieu de rencontre apprécié des Bouheyrotes affiche cependant une baisse de la fréquentation.
L'après-guerre : la révolution dans les campagnes
C'est la mécanisation qui, en multipliant les besoins d'argent des exploitations, a bouleversé complètement le système traditionnel car l'agriculteur ne va plus commercialiser seulement ses excédents, il doit désormais produire pour le marché et vendre l'essentiel de sa production.
Les effets de la mécanisation
Quand il renouvelait ses animaux de trait, mules ici, bœufs là, l'exploitant ne perdait pas d'argent et pouvait même en gagner : soit il produisait ces animaux sur l'exploitation et les dressait lui-même, soit il vendait pour acheter et s'il vendait des animaux dans la force de l'âge (bœufs de cinq ans par exemple) et achetait des animaux plus jeunes (trois ans) ou juste dressés, il pouvait gagner de l'argent. Mais avec le tracteur, et l'outillage qui va avec, ce n'est plus du tout pareil : il faut débourser de grosses sommes, surtout à une époque où le recours au crédit n'est pas très développé. On a d'ailleurs au début (années 1950) essayé de réduire ces dépenses en s'associant entre voisins et en utilisant, moyennant quelques modifications, l'ancien outillage. À cela s'ajoutaient les dépenses de carburant et d'entretien : ces nouvelles machines étaient très coûteuses en frais de réparations, dont se sont chargés au début les forgerons, d'autant plus que leurs utilisateurs n'avaient peut-être pas encore toute l'habileté qu'ils ont acquise par la suite. À ces dépenses inédites vont rapidement s'ajouter d'autres frais : achat des semences et des engrais, matériel d'irrigation, qui vont conduire à un changement radical des modes de culture.
Fin de l'autarcie et production pour le marché
Il est évident que cette évolution condamnait de nombreuses petites exploitations (la majorité avait alors moins de 10 ha) et le système du métayage car les métayers (30% encore des exploitants en 1964) n'avaient pas les moyens d'investir dans l'achat de tracteurs et autres machines. Aussi assiste-t-on à un intense exode rural : la population agricole est divisée par deux entre 1955 et 1988, ce qui permet la concentration foncière et la création d'exploitations plus vastes, donc plus viables.
Dans la Haute Lande, la fin du gemmage, dans les années 1960, entraîna une complète réorganisation des activités et des terroirs. Les forêts replantées plus densément après les grands incendies de la fin des années 1940 furent vouées en partie à l'exploitation du bois (papeterie) tandis qu'une autre partie était défrichée en vue de la création d'immenses espaces agricoles d'un seul tenant voués à la production du maïs, une activité ne nécessitant que peu de main-d'œuvre grâce à l'utilisation d'un outillage performant et obtenant des résultats intéressants sur des terres qui n'avaient jamais été cultivées et qui ont été grandement améliorées grâce au drainage, à l'irrigation et à un apport massif et régulier d'engrais. Cet aménagement a été encouragé dans ses débuts par la Compagnie d'Aménagement des Landes de Gascogne, dont l'action a été contestée par la suite
Benquet : aménagement de propriétés agricoles par la Compagnie des Landes de Gascogne
A Benquet, la Compagnie d'aménagement des Landes de Gascogne a aménagé 350 hectares de terres en 4 propriétés attenantes, de 60 hectares de surface agricole utile, permettant l'installation de jeunes agriculteurs. Ils y cultiveront le maïs, feront de l'élevage et assureront une entraide matérielle et humaine.
On peut remarquer que, déjà, au XIXe siècle, ce type de culture avait été expérimenté au domaine de Solférino par Napoléon III. Il est évident que nous aboutissons à un système diamétralement opposé à celui qui était en vigueur avant la guerre et que ce changement entraîna la disparition des anciennes métairies et du mode de vie qui s'y rattachait, et dont l'écomusée de Marquèze s'attache à perpétuer le souvenir.
En Chalosse et Tursan, les changements furent moins radicaux, mais sont néanmoins perceptibles. Il fallut concentrer les activités agricoles vers les productions destinées à la commercialisation : la vigne, le maïs et exploiter au mieux les possibilités de chaque région.
C'est ainsi que la vigne disparut des petites exploitations et/ou des zones où sa production était de moindre qualité, au profit de l'élevage laitier ou du maïs. Pour être compétitifs et produire au prix du marché, il fallut abandonner les anciennes variétés (maïs blanc), acheter les semences sélectionnées, engraisser abondamment les terres, traiter contre l'herbe, les insectes et les maladies et irriguer quand cela était possible. Cela entraîna de nouveaux frais et une dépendance accrue vis-à-vis des fournisseurs des engrais, des semences et des traitements, car c'est souvent les coopératives qui faisaient les avances contre le remboursement au moment de la récolte. Le climat des Landes convenant parfaitement au maïs, on vit apparaître, comme dans les Pyrénées-Atlantiques voisines, au début des années 1960, la production de semences de maïs, une activité plus lucrative pour le paysan, moyennant un travail supplémentaire, dans laquelle le producteur était lié par contrat avec le semencier, qui pouvait être la coopérative voisine ou un grand groupe international.
Au fil des années, la disparition des plus petites exploitations entraînant l'augmentation des superficies de celles qui se maintenaient, la baisse des prix au niveau mondial, la concurrence au sein de l'Europe, accrurent sans cesse la dépendance des agriculteurs vis-à-vis de leurs fournisseurs, des banques et des aides européennes qui les contraignaient à suivre les directives de Bruxelles.
Manifestation des producteurs de maïs
Dans les Landes, les agriculteurs du MODEF, Mouvement de Défense des Exploitants Familiaux, ont manifesté contre l'effondrement des cours du maïs. Ils dénoncent notamment la politique agricole de la CEE qui, selon eux, ne joue pas le jeu de la préférence communautaire face à "l'impérialisme commercial américain".
Diminution des jachères : réaction des agriculteurs landais
En 1992, la Politique Agricole Commune imposait aux agriculteurs le gel de 20% de leur surface cultivable. Trois ans plus tard, l'Union européenne annonce une diminution de 10% du taux de jachère. Réaction des producteurs de maïs à Sore, suite à cette nouvelle décision.
Endetté, tributaire d'un marché mondial qu'il ne maîtrise pas, l'agriculteur actuel n'a plus rien à voir avec le paysan maître chez lui d'autrefois.
Des alternatives
Cependant, d'autres possibilités se firent jour peu à peu, au fur et à mesure que se développait la société de consommation et que le niveau de vie augmentait : des productions réservées auparavant aux plus aisés ou consommées les jours de fête connurent une demande croissante dont purent profiter les agriculteurs landais. Il pouvait s'agir de productions traditionnelles, que l'on se mit à cultiver en grand, comme les asperges ou autres légumes, ou de produits nouveaux bien adaptés au sol et au climat des Landes, comme le maïs doux ou les kiwis, dont la culture s'est développée à partir du milieu des années 1970 dans le sud du département.
La production d'asperges dans les Landes
En 1963, la culture de l'asperge se développe considérablement dans les terres sableuses des Landes. Un an plus tard, le journal régional propose une présentation de cette production : du ramassage manuel des asperges, à leur conditionnement dans une petite usine, en passant par leur nettoyage et leur calibrage.
La production de carottes dans les Landes et l'usine Légum'land
A Sanguinet, de nombreux agriculteurs, soucieux de se diversifier face à la culture du maïs, ont choisi de se lancer dans la production de carottes. Parmi eux, François Grudet a créé, il y a deux ans, à Ychoux, la société Légum'land, spécialisée dans le conditionnement et l'exportation de carottes vers plusieurs pays européens.
Récolte et conditionnement du maïs doux
A Meilhan, la récolte du maïs doux s'annonce bonne ; la production semble repartir à la hausse, après une baisse des surfaces en 2009. Le maïs récolté part ensuite vers les usines de conditionnement comme celle de Bordères-et-Lamensans dont la production est destinée au marché français et sud européen.
Les kiwis de l'Adour : cueillette et conditionnement par la SIKIG
A Peyrehorade, la cueillette des kiwis de l'Adour a commencé. Pour répondre à la progression constante du fruit sur le marché européen, la Société Internationale du Kiwi des Gaves a réalisé d'importants investissements, notamment avec l'acquisition d'un nouveau système infrarouge permettant de déterminer la teneur en sucre du kiwi.
La culture du kiwi sur l'île de Sorde
La cueillette des kiwis de l'Adour a commencé sur l'île de Sorde. Sur cette terre de prédilection dont le micro-climat s'apparente à celui de la Nouvelle-Zélande, la culture du fruit a débuté dès les années 1960. Aujourd'hui, la France produit 60 000 tonnes de kiwis par an ; ceux de l'Adour bénéficient du Label Rouge.
Il convient de souligner que dans ces activités, l'Aquitaine en général et les Landes en particulier figurent en très bonne place au niveau national, pour toutes ces productions. Celles-ci présentent un autre avantage : fragiles, elles doivent être conditionnées très rapidement après la récolte, ce qui a entraîné l'éclosion d'un certain nombre d'entreprises agroalimentaires, coopératives ou privées, qui fournissent des emplois sur place, permanents ou saisonniers, essentiellement à une main-d'œuvre féminine qui, à cause de la mécanisation, n'a plus beaucoup de travail dans les champs, mais aussi à des techniciens et des cadres que l'on s'attache à former localement.
Nouvelle conserverie de maïs doux à Haut-Mauco
Juillet 1984, la Sica Maïsadour lance, à Haut-Mauco, une usine de conditionnement de maïs doux, dont l'approvisionnement est assuré grâce à la signature de contrats avec des agriculteurs. En un mois, les chaînes de production atteignent un niveau normal de rendement. A terme, l'entreprise envisage une coopération avec la Sica maïs doux du Lot-et-Garonne pour se placer en tête du marché national.
Création de l'usine Valdour à Saint-Sever
Maïsadour vient d'annoncer la création d'une conserverie de légumes à Saint-Sever, le Valdour, spécialisée, dans un premier temps, dans le conditionnement des haricots verts. L'usine, dont l'investissement s'élève à cent millions de francs, ouvrira ses portes au cours de l'été 1990 et emploiera trente personnes à temps plein.
Bordères-et-Lamensans : maintien de l'usine Bonduelle
A Bordères-et-Lamensans, l'usine Bonduelle ne fermera pas ses portes. Les plaintes déposées, il y a sept ans, par un riverain pour nuisances sonores et olfactives, n'aboutiront finalement pas. Le site est en effet protégé par un décret préfectoral de mai 1995 autorisant son exploitation.
Enfin, dès le départ, les producteurs, afin d'éliminer une partie de la concurrence, se sont placés sur le créneau de la qualité, visant une production de haute et moyenne gamme, comme le faisaient en même temps les éleveurs. Des labels de qualité et de protection du produit ont été systématiquement recherchés par les groupements de producteurs : Label, AOC, IGP ont donné une meilleure visibilité aux produits landais et fidélisé une clientèle qui sait que, quelle que soit la production, Landes rime avec qualité.
Délices landais
Au fil des recettes élaborées par les chefs Michel Carrère et Jacques Porte, découverte de trois produits issus du terroir landais : le foie gras protégé par l'Association Label Foie Gras des Landes, le kiwi de l'Adour qui vient d'obtenir l'IGP et enfin l'Armagnac d'Ognoas distillé depuis deux siècles dans le même alambic.
Coopératives et groupements de producteurs
Tous ces changements n'auraient pu se produire si les producteurs étaient restés isolés et avaient dû assurer eux-mêmes production, conditionnement et commercialisation. Ils se sont donc regroupés en coopératives ou groupements de producteurs qui n'ont cessé de se développer au fur et à mesure du succès des nouvelles productions. Assurant simplement la collecte dans leurs débuts, elles ont été amenées à développer leur activité : installations de magasins et jardineries, production d'aliments pour le bétail, distribution d'engrais, conditionnement des produits et, bien sûr, prospection des marchés et commercialisation. Au fur et à mesure de leur progression, elles ont été conduites à obéir à la logique du monde dans lequel elles étaient insérées, en concurrence avec des sociétés privées, souvent leaders sur le marché mondial.
Soléal : l'alliance entre trois coopératives et Bonduelle
Pour faire face à la concurrence mondiale, trois coopératives, Euralis, Maïsadour et Vivadour, et l'entreprise Bonduelle s'allient et créent la société Soléal spécialisée dans le conditionnement de maïs doux. Basé à Bordères-et-Lamensans, le groupe, représentant 700 producteurs, devient le premier conserveur de légumes d'Europe.
Aussi les voit-on se regrouper entre elles, passer des accords avec leurs concurrents, s'installer à l'étranger. Plusieurs d'entre elles se retrouvent aux premiers rangs des producteurs français, soit dans un seul domaine comme Prim'land pour les kiwis, soit par leur chiffre d'affaires comme Maïsadour. Ce sont maintenant de véritables entreprises, ayant sans doute perdu un peu de vue l'esprit qui avait présidé à leur fondation.
Conclusion
C'est donc un véritable bouleversement qu'a connu les Landes, comme les autres départements agricoles, depuis le milieu du siècle dernier. La population agricole a connu une baisse sensible qui s'accompagne d'un vieillissement en même temps que le nombre des exploitations diminuait ; il n'est pas rare, dans beaucoup de villages, de pouvoir les compter sur les doigts d'une main. En même temps, elles se sont fortement étendues, tout en nécessitant beaucoup moins de main-d'œuvre, grâce à la mécanisation et à la spécialisation des plus vastes dans des productions ne nécessitant que quelques jours de travail intensif, notamment le maïs. Elles sont également beaucoup plus dépendantes des marchés mondiaux pour leurs résultats, des banques et des coopératives pour leur fonctionnement. Leur viabilité fluctue et il est bien difficile souvent d'augurer de leur avenir.
Ces changements économiques se sont accompagnés d'une profonde mutation de la société rurale landaise. Ceux qui en étaient les éléments les plus originaux - les gemmeurs, les métayers - ont disparu dans les années 1960 comme bon nombre de petits exploitants, dont le mode de vie était encore assez semblable à celui de leurs ancêtres. Il n'y a plus de paysans, mais des agriculteurs instruits, gestionnaires, à l'affût du marché, manipulant beaucoup d'argent, mais n'en gardant guère. Endettés, contraints par la réglementation, évoluant dans un marché mondialisé, leur métier est bien différent de celui de leurs prédécesseurs, même s'ils continuent de travailler la terre.